Vingt auteurs, Marseille et l’enfance maltraitée…

Pas Sérial s'abstenir se tient ce week-end à Besançon. Le seizième festival des littératures noires et sociales est un événement culturel de première importance qui entend mettre l'accent sur Marseille, capitale européenne de la culture, et l'enfance de plus en plus touchée par la misère.

Thierry Loew, Pas Serial s'abstenir

Ils vont encore être là. Vingt auteurs derrière leurs piles de bouquins à attendre le chaland. Le lecteur qui vibre à l'évocation romancée du réel. Celui à qui on ne la fait pas. Celui pour qui la littérature n'est pas que l'expression du beau, la présentation de la belle phrase avec des subjonctifs et tout. Pour ce chaland là, la littérature doit parler de la vie. La vie avec ses tourments et ses instants moches, avec ses espoirs, ses désespoirs, ses gros mots, ses murmures. C'est pour ça qu'il vient chaque année au festival Pas sérial s'abstenir le chaland. Pour croiser ceux qui l'accompagnent dans sa vision du monde, un monde qui n'oublie personne, comme la mort...
Pour qui aime vadrouiller entre les tables où s'étalent les séries noires et les ouvrages qui traitent du monde social à travers le polar, Pas Sérial s'abstenir est un moment important, ce sera le seizième... On vient faire son marché, découvrir, retrouver des têtes connues de loin en loin. On vient toucher une ambiance faite de camaraderie et de débats, de réflexions sur les textes et l'écriture, la façon de représenter le réel tout en le mettant juste un peu à distance pour le supporter. On se veut lucide et chaleureux, on ne la ramène pas, on n'a pas peur de rigoler et de s'émouvoir.
Pas Sérial s'abstenir, c'est aussi plus qu'un salon. C'est un écrivain en résidence depuis bientôt deux mois grâce à une bourse du Comité régional du livre. Auteur de La Position du missionnaire, Jean-Paul Jody sera sur le salon, mais il est à Besançon pour écrire et participer à des actions en animant un atelier d'écriture avec des jeunes mineurs étrangers du Centre départemental de l'enfance. Ils ont tant à dire, ils ont eu tant de souffrances, sont confrontés à tant d'indifférence...
Cette année, Marseille, capitale européenne de la culture, est à l'honneur. Avec des écrivains de là-bas, un débat se tiendra samedi à 16 h sur le sud et le polar, la jeunesse, la bande dessinée. Avec Serge Scotto qui revient souvent avec son chien Saucisse. Dimanche, Sophie Loubière, animatrice à France-Inter, participera à un débat sur la maltraitance des enfants avec Anny Fetré, responsable de l'aide sociale à l'enfance du Conseil général, et Nadine Adamy, directrice adjointe du Centre départemental de l'enfance. Promoteur de cette rencontre, Thierry Loew, lui-même éducateur, co-organisateur du salon, attend beaucoup de «la confrontation entre l'écrit romancé et les personnes confrontées à la réalité».
Cette réalité difficile a-t-elle toujours existé ? «Oui... Mais maintenant, davantage de familles ne s'en sortent pas, on le remarque car il y a davantage de médicalisation, d'outils, de prise de conscience. Des enfants battus, il y en avait dans le HLM où j'ai grandi...» Pourquoi bat-on son enfant ? «Parce que quand tu es dépassé, tu as d'autres soucis... Il y a une forte probabilité qu'un enfant battu rebatte à son tour. Pour lui, être battu c'est normal, comme un enfant qui a reçu des câlins trouve que c'est normal...» Quel genre d'adulte cela donne-t-il ? «Soi dans la continuité, soit dans l'hyper prévenance. En tout cas des adultes hyper sensibles...»
Ce qui renvoie à la littérature : existerait-elle sans tous ces personnages sensibles ? Une vingtaine d'auteurs, dont certains franc-comtois, seront donc là pour parler avec le public. Il y aura Annie Ramos (Le Cercle des tueurs se passe à Belfort) et Fabrice Pichon, édités par la maison régionale Le Citron bleu ; Ada Nisen, ancienne éducatrice à Julienne-Javel, qui, avec Les Hommes des sous-bois, a écrit un saisissant portrait de groupe d'hommes récupérés par un centre de réadaptation sociale de Besançon ; Frédéric Bertin-Denis pour Viva la muerte ; Dominique Manotti, ancienne prof d'histoire auteure de Sombre sentier ; Patrick Pécherot...
Le seul prix décerné par le festival n'est pas littéraire. Il va à celui, ou celle, qui gagne le traditionnel tournoi de pétanque du dimanche matin. La vie quoi...
 

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