Armistice, nous voilà !

Le discours mémoriel classique du 11 Novembre brosse le portrait de soldats dont le rôle consiste surtout à survivre - ou mourir - dans les pires conditions sur un terrain de boue et de sang, tout cela pour un résultat militaire nul, ce qui en fait le symbole de l’inanité de toute guerre industrielle.

Otto Dix, Assaut sous les gaz, 1924, Musée historique allemand, Berlin

Pour commencer, une chanson :

Par milliers,
Venez, chers écoliers,
Que notre chant dès l’aube retentisse.
...
La France en nous met sa joie et sa richesse,
Surtout il faut
Que le cœur soit haut ;
La France aura besoin de nous bientôt...
Quelque jour,
Pour elle emplis d’amour,
Si la Patrie, enfants, nous crie : Aux armes !
Quelque jour,
Pour être emplis d’amour,
Nous marcherons au rythme du tambour,
Sonnez, clairons,
Et nous marcherons,
Pieux vengeurs de son sang et de ses larmes,
Sonnez, clairons,
Et nous marcherons,
Nous marcherons pour elle, et nous vaincrons.

Education/chair à canon ?

En avant la musique Le chant des Ecoliers Français (1896)

C’est bien joli la musique, mais... durant la guerre 1914 -1918, c’est plus du quart des jeunes Français âgés de 18 à 27 ans qui sont morts.

Au bout du compte, tous pays confondus, les pertes humaines de la première guerre mondiale, civils et militaires, sont estimées à près de 20 millions de morts.

Sonnez clairons...

De la boue et du sang

La mémoire collective hexagonale a été durablement marquée par la bataille de Verdun - sorte de point d’orgue de cette première guerre mondiale - qui s'est déroulée entre février et décembre 1916. C'est la plus longue bataille de cette guerre et l'une des plus dévastatrices : elle a « produit » plus de 700 000 pertes (morts, disparus ou blessés), 362 000 soldats côté français et 337 000 côté allemand, soit une moyenne de 70 000 victimes pour chacun des dix mois que dura la bataille. C’est ce qui a donné lieu au mythe de Verdun, qualifiée de « mère des batailles »... 

Le discours mémoriel classique brosse le portrait de soldats dont le rôle consiste surtout à survivre - ou mourir - dans les pires conditions sur un terrain de boue et de sang, tout cela pour un résultat militaire nul, ce qui en fait le symbole de l’inanité de toute guerre industrielle. (Boris Vian - l’auteur de la chanson Le déserteur -, qui de façon cinglante suggérait que ceux qui survivaient aux guerres devraient se voir décerné le titre de « ratés de la guerre », car la guerre, disait-il, c’est fait pour tuer...)

On ne passe pas

Suite à cette boucherie, le Conseil municipal de Verdun, réfugié à Paris, décida de créer une médaille spéciale pour honorer les Anciens combattants ayant participé à cette bataille.

Le texte de la délibération du Conseil dit : « Aux Grands Chefs, aux officiers, aux Soldats, à tous, héros connus et anonymes, vivants et morts, qui ont triomphé de l’avalanche des barbares et immortalisé son nom à travers le monde et pour les siècles futurs, la Ville de Verdun, inviolée et debout sur ses ruines, dédie cette médaille en témoignage de reconnaissance ».

Le Conseil municipal décida également que l’attribution de la Médaille officielle de la ville de Verdun ouvrirait le droit d’être inscrit dans le Livre d’Or des soldats de Verdun, ouvert sous la formule : « On ne passe pas ! ».

Par la suite, un monument funèbre fut érigé à la mémoire des soldats de la bataille de Verdun : l’ossuaire de Douaumont, qui abrite les restes de 130.000 soldats inconnus, Français et Allemands.

Helmut Kohl et François Mitterrand à Douaumont (1984)

Au milieu des années 1990, dans le cadre de travaux sur l’interculturalité, menés en collaboration avec l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (OFAJ), nous avons eu l’idée, avec mes collègues chercheurs, de nous rendre sur les lieux de la bataille de Verdun, histoire de stimuler la réflexion d’une vingtaine de jeunes garçons et filles (18-20 ans) Français et Allemands. La visite du fort de Vaux, puis celle de l’ossuaire de Douaumont constituaient le « clou » du programme...

Bonne pioche ! Je n’ai pas souvenir de comportements ou de remarques excentriques à la vue des ossements des jeunes de 1916.

Ossements franco-allemands, ossuaire de Douaumont

En revanche, cette visite fut un véritable déclencheur d’éléments de mémoires et de réflexions croisées – dépassant le cadre de la première guerre mondiale, car la période nazie et les camps de concentration/exterminaton suivirent bientôt, ainsi que des interrogations concernant le rôle ayant pu être tenu par les parents - en particulier des jeunes Allemands -, durant ces périodes. Réflexions sur les guerres, mais aussi sur les identités, les nationalités, les représentations...

Les voyages forment la jeunesse.

Et pour finir, encore une chanson :

... Armstrong, la vie, quelle histoire,
C'est pas très marrant
Qu'on l'écrive blanc sur noir
Ou bien noir sur blanc
On voit surtout du rouge, du rouge
Sang, sang, sans trêve ni repos
Qu'on
soit, ma foi
Noir ou blanc de peau
Armstrong,
un jour, tôt ou tard
On n'est que des os
Est-ce que les tiens seront noirs?
Ce serait rigolo
Allez Louis, alléluia
Au-delà de nos oripeaux
Noir et blanc sont ressemblants
Comme deux gouttes d'eau

Claude Nougaro

Amen

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