Trois femmes et un confinement / Jour 7

« Hier j’ai commencé à avoir une toux sèche et le souffle court, et j’ai passé une très mauvaise nuit, avec des douleurs dans les membres, un mal de crâne qui paraît-il est semblable à une gueule de bois (moi qui n’ai jamais eu la gueule de bois je vois maintenant à quoi ça ressemble c’est pas rigolo)… »

JOUR 7 – MIMI

Hier, début de dispute avec Anouk. Enfin, pas vraiment une dispute, nous ne nous disputons jamais sérieusement. Mais, étant femmes de conviction et convaincues, l’une et l’autre, d’avoir raison sur presque tout, nous nous enflammons, nous haussons le ton, nous virons tragédiennes. Le sujet du débat ? Est-ce qu’il faut faire une pause hebdomadaire dans notre chronique de confinement, afin de tenir sur la longueur ? J’étais contre, elle était pour. Alertée par les sons aigus qui montaient jusque dans sa chambre à l’étage, Nina a pointé le bout de son nez, histoire de voir si elle devrait nous séparer. Elle a vite compris que c’était comme d’habitude, beaucoup de bruit (pas pour rien) pour un sujet qui pouvait se régler à l’amiable, dans le chuchotement plutôt que dans le cri. Ayant vu le bout de son nez, nous lui avons demandé son avis, en toute démocratie, et parce qu’elle est au même titre que nous concernée par les décisions à prendre. Nina a levé les yeux au ciel, nous a regardées d’un air navré dans lequel j’ai lu « Et dire qu’elles me font la morale dès que moi, je hausse le ton pour des sujets vraiment sérieux… ». Elle a réfléchi un moment, nous laissant dans l’attente. Nous sommes devenues fébriles. Nina serait l’arbitre. Au bout d’un temps de réflexion qu’elle a tiré au maximum, parce que Nina est une petite maligne, et que nous méritions bien d’attendre après l’avoir alertée avec nos cris, elle a répondu que wesh alors, elle ferait ce que nous déciderions de faire. Puis, très digne, elle nous a tourné le dos et est remontée dans son château. Nous avons entendu son pas s’éloigner dans l’escalier en bois qui grince des notes différentes à chaque marche. Elle a fermé la porte de sa chambre sans la claquer, alors que oui, nous sommes vraiment énervantes.

 JOUR 7 – ANOUK

Bin voilà. J’avais espéré que ce journal de confinement ne respecterait pas les règles d’un bon scénario. Parce que dans un bon scénario, il fallait forcément qu’au moins l’une d’entre nous soit atteinte par ce connard de virus. J’espérais qu’on vous emmerderait encore une petite quinzaine de jours avec nos considérations sur le temps et la Bible et Proust, en comptant sur Nina pour mettre un peu d’humour dans tout ça.

Sauf que voilà, je suis « infectée », quel vilain mot. Hier j’ai commencé à avoir une toux sèche et le souffle court, et j’ai passé une très mauvaise nuit, avec des douleurs dans les membres, un mal de crâne qui paraît-il est semblable à une gueule de bois (moi qui n’ai jamais eu la gueule de bois je vois maintenant à quoi ça ressemble c’est pas rigolo). J’ai passé la nuit à faire des médiations pour endiguer l’angoisse, à un moment, on ne sait plus si on a du mal à respirer à cause du virus ou à cause de la panique. Du coup, aujourd’hui, j’ai appelé le docteur Robert, qui est notre généraliste bisontin, et qui s’était occupé de Nina quand elle vivait chez Mimi. Il est super le docteur Robert. Il m’a fait une téléconsultation (c’était notre première à tous les deux). Je ne suis pas testée mais il n’a aucun doute : vu les symptômes, c’est le Covid ! Bien sûr, je culpabilise et je m’inquiète, mais le docteur Robert m’a dit : vous êtes la victime, on ne peut pas savoir qui est le coupable. Il n’a pas l’air inquiet et moi je suis rassurée de savoir que je peux l’appeler à tout moment. Il m’a également parlé d’un colonel ou général, de 85 ans, qui vient de sortir de l’hôpital, guéri. Bon le mec est un ancien légionnaire, j’avoue que je ça me rassure à moitié : je n’ai pas l’impression d’être taillée dans le même bois.

Vous croyez qu’avec tout ça Mimi aurait dit : on laisse tomber le journal de confinement ? Pas du tout ! Les forçats de la chronique, c’est nous !

En tout cas moi, j’arrête de lire Le Monde et France Info (ça fout trop la trouille), et je me repose. Je suis confinée dans le confinement, interdit d’approcher Mimi et Nina, je dois prendre mes repas toute seule.  On faisait déjà très attention mais là c’est carrément radical ; et c’est un peu triste. Quand tout sera fini, on se fera des câlins.

Désolée pour cette chronique si peu littéraire. Je retourne me coucher, et vous dis, à demain !

 JOUR 7 – NINA

Aujourd'hui maman est malade (rien de bien grave) c'est un petit peu inquiétant. Elle ne peut plus manger avec nous et on doit bien garder nos distances. Du coup comme ça me stresse un peu, j'ai pas réussi à travailler aujourd'hui. Je suis quand même allée courir avec Mimi. Je crois que ça la stresse beaucoup. Ça nous angoisse un peu toutes, je pense. Foutu Corona.

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !