Tracts nazis à Clairvaux-les-Lacs : Factuel.info porte plainte

Le site nazi qui propose le téléchargement de cette propagande d'extrême-droite s'en prend aux responsables associatifs, élu.e.s ou journalistes qui l'ont dénoncée. Il déverse notamment son fiel raciste sur Lakdar Benharira dont il a volé la photo sur notre site. Factuel.info s'associe au rassemblement républicain de samedi 24 juin à Clairvaux.

Lakdar Benharira a saisi la préfecture et le procureur de la République. C'est cette photo d'archives qui a été volée par le site nazi (Photo DB)

Proposé au téléchargement sur un site ouvertement nazi, un court tract antisémite, homophobe et raciste a donc été distribué dans la nuit du 9 au 10 juin dans quelques rues de Clairvaux-les-Lacs. Quelques jours plus tard, c'était le tour d'un village de la banlieue d'Amiens, en Picardie, puis d'une commune proche de Rouen, en Normandie, et de Morlaix, en Bretagne.

Ces événements surviennent dans un contexte particulièrement inquiétant. Vient de s'ouvrir à Paris le procès de quatre jeunes néo-nazis soupçonnés via le « projet WaffenKraft » de préparer des attaques de masse contre des musulmans et des attentats contre Jean-Luc Mélenchon ou le rappeur Médine. Début mai, plusieurs centaines de militants et sympathisants d'extrême-droite identitaire avaient défilé à Paris, masqués et scandant des slogans à la symbolique violente, certains s'en prenant aux photographes de presse.

Si l'on élargit la focale, ces manifestations s'inscrivent dans une recrudescence des expressions publiques xénophobes, y compris par le vote, en Europe, comme en Italie, Suède, Hongrie, Pologne, France... Elles défendent notamment une idéologie de l'inégalité naturelle entre les humains en fonction de leur appartenance ethnique, de genre, d'orientation sexuelle, d'origine, de culture ou de classe. Vaincue avec l'Allemagne nazie en 1945, cette idéologie a fait profil bas durant des décennies. Elle a réémergé ces dernières années avec un nouveau vocabulaire dont l'emblématique et fantasmagorique « grand remplacement » théorisé par Renaud Camus et popularité par Eric Zemmour.

Croix gammées et armoiries du Troisième Reich

Marine Le Pen était venue à Clairvaux-les-Lacs lors de la campagne présidentielle de 2017 entretenir l'obsession de l'étranger. Le 10 juin dernier, le choc a été rude pour ces habitants découvrant dans leur boîte aux lettres un papier à entête munie de croix gammées et de l'armoirie du IIIe Reich comprenant ces deux phrases sans équivoque : « Homme blanc, tu en as assez de voir les juifs détruire ton pays par l'immigration, la dégénérescence pédo-LGBT et la guerre. Rejoins-nous pour rétablir la domination de la race blanche en Europe ».

« Une vieille dame m'a alertée, très émue », expliquait une Clairvalienne lors de la conférence de presse donné ce jeudi 22 juin au siège de SOS-Racisme-Jura. Une journaliste confiait avoir vu un vieux monsieur pleurer. Le conseiller régional Willy Bourgeois (PS) entend « dénoncer ce torchon antisémite qui salit la mémoire de la Résistance ». Pour Eileen Chaix, porte-parole locale de LFI, « le problème de l'extrême-droite est global, qu'elle soit institutionnelle ou non ». Et de rappeler le « rôle de l'Etat » dans la lutte, qui doit être « intransigeante vis à vis de tous les discours de haine ».

Le site dempart – pour Démocratie participative, ça ne s'invente pas – félicite le 13 juin les « héros » qui ont « mené une magnifique opération d'éveil racial dans le Jura ». Des héros qui auront cependant soigneusement évité d'agir à visage découvert, suivant les 22 conseils de discrétion absolue dispensés par le site. Celui-ci se réjouit aussi de l'émoi causé et ironise sur les réactions des « hyènes du régime [hurlant] à la mort ». En fait, il moque les élus, militants et journalistes, rajoutant une couche de valeurs. Les maires de Clairvaux et de Besançon, deux femmes, sont renvoyées à leur sexe. La première sera « démise puisque les femmes n'auront plus le loisir de se mêler de politique » quand aura été « proclamé l'état blanc grand bourguignon ».

Plainte devant le Pole national de lutte contre la haine en ligne du Tribunal judiciaire de Paris

Le président de la section jurassienne de SOS Racisme, Lakdar Benharira, est renvoyé à son origine supposée : « Tu m'en diras tant Mohamed... L'insolence du colon ne se dément jamais ». Un soit-disant colon né à Pontarlier avant même la guerre d'indépendance de l'Algérie... Lakdar Benharira, qui a porté plainte à titre personnel, est en outre présenté par une photo volée sur Factuel.info qui l'avait interviewé en novembre 2015 après l'attentat contre Clarlie-Hebdo.

Pour cet emprunt réalisé sans autorisation (elle aurait évidemment été refusée si elle avait été sollicitée), j'ai fait constater la contrefaçon par huissier et décidé de porter plainte. Au passage, le délit de contrefaçon est passible de 3 ans de prison et 300.000 euros d'amende, peine portée à 7 ans et 750.000 euros si le délit en commis en bande organisée.

Cette procédure s'ajoute aux plaintes déposées par SOS Racisme devant le Pole national de lutte contre la haine en ligne du Tribunal judiciaire de Paris et le Parquet de Lons-le-Saunier. La maire de Clairvaux-les-Lacs a également annoncé porter plainte. Il est à parier que d'autres seront également déposées.

La police française soupçonne un Français en fuite au Japon d'administrer le site nazi

Quelle importance faut-il accorder à ces distributions de tracts ? Faut-il les ignorer afin de ne pas leur donner d'écho, comme le suggèrent certains ? Vu le contexte, cela consisterait à faire l'autruche. Reste que ces nazis sont pour l'heure bien planqués. Le site dempart – c'est mentionné dessus – serait propriété d'un certain David Johnson Jr, citoyen américain, et « placé sous la protection du Premier amendement de la Constitution des USA » qui garantit la liberté d'expression, fut-elle la plus infâme. D'après Wikipédia qui cite plusieurs journaux, la Direction générale de la Police nationale soupçonne le Français Boris Le Lay d'être l'administrateur du site dempart. Fiché S, en fuite au Japon, Le Lay a été plusieurs fois condamné à de la prison par la justice française, en son absence, pour contestation de crimes contre l'humanité, provocation à la haine raciale, menaces de mort, injures sexistes envers une journaliste, etc.

L'absence de convention d'extradition franco-japonaise empêche-t-elle son retour en France pour qu'il y purge ses peines et soit jugé pour d'autres affaires ? Cette question est forcément politique et diplomatique. Mais on voit mal une absence de convention interdire par principe une extradition. On l'a vu avec l'affaire du Chilien Nicolas Zepeda, extradé de son pays pour être jugé, et condamné, en France pour le meurtre de son ex petite amie japonaise Narumi Kurosaki...

Faudra-t-il envisager une campagne d'opinion en France pour que le gouvernement se fasse insistant à l'égard du Japon ? Pour que le Premier amendement américain ne puisse être invoqué par des nazis pour faire leur propagande en France où elle est interdite ?

Il ne faut en tout cas pas banaliser cette distribution de tracts. Pas plus que ces autocollants « Jura identitaire » vus dans les rues de Lons-le-Saunier et présentant toutes les passions tristes des fascismes : barbelés, symboles violents, attributs réactionnaires...

C'est avec ces réflexions et cette conviction de la nécessité de se lever contre la barbarie qui menace, que nous participerons au rassemblement républicain samedi 24 juin à 11 heures devant le monument aux morts de Clairvaux-les-Lacs au côté de nombreuses organisations démocratiques.

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