Trois femmes et un confinement/Jour 3

Le plein, le vide. L’utile, l’inutile. L’essentiel, le futile… Je vais revoir le contenu de tous mes tiroirs, placards… Mais pas le contenu de MES bibliothèques. Là, c’est sûr, c’est de l’utile, de l’essentiel, du fondamental, du vital…

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JOUR 3 – MIMI

Ce satané frigo continue à me jouer des tours… Le plein, le vide. L’utile, l’inutile. L’essentiel, le futile… Je vais revoir le contenu de tous mes tiroirs, placards… Mais pas le contenu de MES bibliothèques. Là, c’est sûr, c’est de l’utile, de l’essentiel, du fondamental, du vital… Le confinement aussi me joue des tours. Le privé, l’intime, le public… Des questions de privilégiée. Si je peux prendre le temps de définir l’utile et l’inutile, dans le confort de mon appartement… ma survie n’est pas en jeu. Ce qui n’est pas le cas pour des millions de personnes dans le monde. Il est simplement question de savoir ce que vivre veut dire, dans ce contexte. Nul doute que j’apprendrai des choses sur moi-même. Sur Anouk et Nina aussi, que je crois pourtant bien connaitre, tellement nous avons vécu ensemble un certain nombre d’aventures et mésaventures de vie. C’est dans les drames, parait-il, que les gens se révèlent. Moi, les drames, ce n’est pas ma tasse de thé. J’aime les atmosphères douces et feutrées. Mais voilà… La vie, quand faut y aller, faut y aller !

Nous sommes donc toujours trois femmes confinées, qui au jour 3 résistent plutôt bien. Il faut dire que nous avons des armes contre le coronavirus, cette sale bête. Elle nous fait nous souvenir que nous avons à veiller les unes sur les autres, à veiller sur les autres qui ne sont pas nous. Puisque nous sommes en guerre contre la sale bête, quelles sont nos armes ? De l’amour, de l’humour, de quoi lire pendant dix bonnes années, de quoi écrire, de quoi peindre et dessiner, de quoi écouter de la musique… Et de quoi manger puisque le frigo est plein. Un peu moins qu’hier…

JOUR TROIS - ANOUK

Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’Amélien. Amélien tient la petite épicerie zéro déchet (judicieusement dénommée Le Vrac) située juste en face de chez Mimi. Déjà, en temps normal, nous apprécions énormément Amélien. Imaginez ! Mimi déteste faire les courses et stocker, alors avoir à deux pas de chez elle une boutique où aller acheter deux œufs, trois oranges et tiens ! Vous voulez des petits crunch crunch pour l’apéro, vite on descend en chercher une poignée avant que ça ferme ! c’est une aubaine, une embellie, un motif de plus de se réjouir (Mimi adore trouver des motifs de se réjouir, c’est une éternelle optimiste).

En plus de tout cela, Amélien est un type génial. Un jeune homme qui a su monter un commerce comme on en rêve. Eco responsable bien sûr, mais pas seulement. Amélien crée du lien, s’implique dans sa communauté, pense aux autres avant de penser à lui… Et si c’est dans les crises qu’on découvre les gens, les derniers jours ont confirmé ce qu’on savait déjà. Alors qu’avec sa (formidable) équipe, ils sont depuis le week-end dernier sur le pont pour fournir à tout le quartier des produits frais vrais locaux, alors qu’ils sont épuisés, qu’ils interfèrent chaque jour avec beaucoup de monde, donnant des infos, réconfortant, aidant, voilà qu’Amélien, ayant appris que le personnel hospitalier (et c’est une honte) manquait de masques, a décidé de leur donner tous ceux qui lui restaient. Moi je dis : chapeau ! Amélien maire de Besançon, maire de Paris ! Moi je dis : Amélien président !

Sinon ici tout va, même si on a le sentiment que ça y est, on est entré dans le dur. La plus difficile à tenir, toutefois, je dois le dire, c’est Mimi. Alors que l’ado(rable) Nina respecte sans difficulté les consignes, je m’aperçois qu’on ne confine pas une Mimi si facilement que ça. Cela s’explique : dans la famille, on est des têtes de pioches, testadura en Italien ; ensuite, Mimi est la digne fille d’un couple de résistants, et donc, elle résiste. Pour couronner le tout (sans mauvais jeu de mot), Mimi travaillait avec les exclus, elle était éducatrice spécialisée. Or, quand on a passé sa vie à serrer la paluche à tous les sans-abris de la ville (je me souviens enfant, qu’on ne pouvait sortir faire un tour en ville sans nous arrêter quatre ou cinq fois pour papoter avec des punks, des mendiants, des grands meurtris de la vie), quand toute sa vie on a côtoyé huit heures par jour les plus fragiles, qu’on a tenté de réanimer des morts, qu’on a géré l’angoisse, l’alcoolisme, la maladie mentale et physique, on ne se sent pas totalement démunie devant la crise qui nous frappe. Pour le dire autrement : ce n’est pas un petit virus qui peut vous foutre les chocottes.

Moi en revanche, je suis naturellement peureuse et globalement terrifiée par les virus (avec ou sans couronne). Dès mon plus jeune âge, dès que j’ai pu élaborer une pensée, j’ai compris que ça n’allait pas être fastoche, la vie, qu’il allait falloir traverser tout ça, les guerres, les épidémies, qu’il allait falloir faire le dos rond… Ce qui nous arrive, c’est comme si je l’avais toujours su. C’est sans doute pour ça que j’écris, que j’ai choisi un métier où l’action est « confinée » au domaine de l’intime… 

Heureusement, avec un tempérament aussi anxieux, j’ai eu la chance de vivre une adolescence épargnée, où je n’avais à gérer que quelques peines de cœurs fulgurantes et vite passées, un physique que je trouvais totalement inadapté et un cerveau qui ne l’était pas tellement plus. Alors aujourd’hui, je pense aussi à tous les ados, et à la mienne en particulier. Ils ne sont pas épargnés ! Nina, à son jeune âge, en a traversé des épreuves collectives (en plus des épreuves personnelles) : les attentats (je précise que nous vivons Place de la République, à Paris, en plein cœur de l’actu !), le harcèlement et plus généralement la violence scolaire, la crise écologique, et maintenant, une pandémie mondiale avec (cerise sur le gâteau !) un confinement avec sa mère ET sa grand-mère ! Je trouve qu’elle s’en sort vraiment bien !

Alors, je vais sans doute vous paraître démesurément optimiste (on en reparlera dans 6 ou 7 jours) mais aujourd’hui, il me semble qu’avec nos trois caractères si différents et nos personnalités diversement armées, et bien nous formons une bonne équipe pour affronter ça.

Du coup, je me mets au boulot. À demain !

JOUR TROIS - NINA

Bon, plus le temps passe, plus c'est difficile, plus le temps passe et moins j'ai d'idées pour m'occuper, et le pire, j'ai plus de saucisson... Le temps passe plus lentement. J'ai un peu révisé, comme hier, et je suis sortie au soleil au bord du Doubs pour téléphoner à une copine. Ça n'a pas plu à maman... Elle arrête pas de dire a Mimi de ne pas parler aux gens et de bien respecter les distances de sécurité comme si on avait pas déjà compris. Être confinée avec Noukie, c'est pas facile, même si j'avoue que je pensais que ce serait plus difficile. Bref maman crie, Mimi passe 40 minutes à laver les fruits et moi bah... J'essaie de survivre!

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