Trois femmes et un confinement / Jour 1

Trois femmes, une grand-mère, qui accueille sa fille et sa petite fille qui ont quitté Paris pour Besançon, obligées de partager leur quotidien face au coronavirus. Chaque jour, Mimi, Anouk et Nina vous racontent comment elles font face à ce confinement imposé. Amour vs névroses - humour vs conflit générationnel. Qui va gagner? Les paris sont ouverts !

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 JOUR 1 – MIMI (69 ans)

Un silence insolite m’a réveillée à 4h. Un silence aussi dense que celui que fabrique la première neige, neige qu’hélas je n’ai pas vue cette année. Oui, j’aime la neige. Son absence signe aussi le dérèglement climatique. Un silence d’habitude espéré parce que franchement, les nuits du centre-ville, si elles ne sont pas percées du bruit des armes, comme à Planoise, sont souvent percées par ce que je ne peux qu’appeler des beuglements, d’hommes plus ou moins avinés, plutôt plus que moins, d’ailleurs. On n’a pas envie d’être une femme dehors, à certaines heures de la nuit, et ce n’est pas normal. Alors, réveillée par le silence, cette fois-ci, je me surprends à le trouver à la fois agréable, à la fois anxiogène. Parce qu’au fur et à mesure que je sors du sommeil, je me rappelle que je suis confinée pour cause de coronavirus.

Dans les chambres du haut de mon appartement, ma fille et ma petite fille dorment. Le silence ne les a pas réveillées. Il faut dire qu’elles ont vécu quelques jours de stress. Faut-il rester à Paris, dans un studio de quelques mètres carrés dont le montant du loyer est exorbitant ? Faut-il se réfugier à Besançon, dans un appartement plus grand où chacune aura sa place ? In extrémis, elles ont choisi Besançon. Ma réflexion court sur ce scandale parisien : le montant des loyers au regard de la petitesse des logements. Sauf si l’on est très riches, bien entendu, continuer à habiter Paris est de plus en plus difficile. Pendant quinze jours, et peut-être plus, nous allons vivre confinées ensemble. La question est de savoir comment nous allons survivre à cela ! Nous avons pris une première décision. Chacune d’entre nous tiendra un journal de confinement.

 JOUR 1 – ANOUK (46 ans)

Voilà trois jours que je n’ai pas écrit une ligne.

À priori, le confinement, c’est à peu de choses près le rêve de tout écrivain/auteur/scénariste/agoraphobe – je sais, agoraphobe n’est pas un métier. Mais pour l’instant, le confinement, c’est surtout une source de stress et un déploiement d’énergie considérable : remplir le frigo et faire un gros ménage en vue dudit confinement, passer vingt coups de fils aux copines, répondre à vingt coups de fils des copines, dire aux mamies qu’on va les rappeler, essayer de les convaincre de ne pas sortir et de surtout ne parler à personne, hésiter (c’est mieux de rester à Paris, c’est mieux de partir, c’est mieux de rester à Paris, c’est mieux de partir), décider finalement de quitter Paris, acheter le dernier billet de train pour Besançon, donner toutes ses courses à sa voisine, atteinte du coronavirus, passer chez son autre voisine, qui a proposé de nous dépanner et de nous donner des masques pour le train, prendre un taxi Place de la République, s’émerveiller de l’accent de titi parisien du chauffeur, tellement qu’on aurait presque envie de l’embrasser, ne pas embrasser le chauffeur de taxi, ne pas même lui serrer la main, juste dire merci derrière son masque, se demander quand on reverra le boulevard Beaumarchais et la place de la Bastille, se dire encore une fois qu’on adore vivre à Paris et se dire qu’on a de la chance, qu’on quitte la ville mais que ça ne devrait pas durer plus de 45 jours, qu’on a de la chance, parce qu’on vit dans 33m2 mais qu’on dispose d’un endroit où se réfugier, d’un endroit avec de l’espace et plusieurs pièces et même un étage et une petite cour, se dire qu’on a de la chance d’avoir de la famille avec qui partager ça, prendre un train bondé avec un machin sur le nez qui se coince sous les lunettes, arriver à 21h, boire un coup d’Arbois bien mérité, s’endormir comme une bûche et se lever le matin en se disant que vraiment, on a bien fait de venir, puis sortir avant midi pour refaire les mêmes courses (de la sauce tomates, deux paquets de pâtes, un paquet de PQ, des kleenex), rentrer, s’effondrer sur le canapé avec un café, se maudire d’avoir anticipé le confinement, mais de ne pas avoir pensé à acheter son café préféré, maintenant la boutique est fermée et Dieu sait quand elle ouvrira à nouveau, allumer BFM TV et ça y est : il est midi, la France est officiellement en confinement, plus le droit de sortir sans autorisation, appeler sa grand-mère pour lui proposer de lui envoyer chaque jour en photo son autorisation remplie et actualisée, se faire envoyer bouler (elle préfère recopier un vague truc, on va quand même pas la faire chier à son âge avec une autorisation pour aller au Colruyt), et là, enfin, allumer son ordinateur pour essayer de travailler un peu.

Et au lieu de travailler, accepter le challenge de Mimi : et si on tenait toutes les trois un journal de notre confinement ?

Alors oui, Jour 1, pour l’instant c’est joyeux c’est chouette ce n’est pas si différent de d’habitude. On écrit on se chamaille on écoute de la musique on sort faire les courses puis on sort marcher un peu, on écrit, on lit, on espère que l’ado va en profiter pour se cultiver et pas pour regarder encore plus de séries.

Jour 1. On se dit qu’on a de la chance. Jour 1. Jusqu’ici, tout va bien.

 JOUR 1 - NINA (17 ans)

Confinement à Besançon avec ma mère et ma grand-mère. Comment occuper ses journées quand tout est fermé et qu'il est interdit de sortir ? Des courses et un passage à la pharmacie ont été mes seules sorties de la journée, ainsi qu'un appel face time avec une copine dans la cour de l'immeuble. Sinon, j'ai fait un ou deux croquis, et j'ai regardé une série.

        

Demain on va mettre en place un "planning" de travail et d'activités ainsi que des règles pour ne pas se laisser aller et s'occuper un peu différemment pendant un minimum de deux semaines. Pour ma dernière activité de la journée, j'ai décidé de faire le dîner. Nous verrons de quoi est fait demain !

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