La vadrouilleuse fait dans le salé

Elle a sauté les frontières en 2011, exploré les tourbières en 2008, cherché les traces d'Alésia en 2005... Sylvie Debras la vadrouilleuse emmène ses lecteurs sur les routes du sel dans le onzième numéro annuel du magazine En Vadrouille dont la formule est bien rodée.

Sylvie Debras, En Vadrouille

Elle a sauté les frontières en 2011, exploré les tourbières en 2008, cherché les traces d'Alésia en 2005... Sylvie Debras la vadrouilleuse emmène ses lecteurs sur les routes du sel dans le onzième numéro annuel du magazine En Vadrouille dont la formule est bien rodée. Elle garde les 25 meilleures balades parmi la cinquantaine qu'elle fait pour découvrir un thème préparé dans des livres savants et des ouvrages touristiques, des thèses ou des actes de colloques. « C'est une démarche intellectuelle », dit-elle, « ensuite je détermine des destinations et je regarde si des balades sont possibles, avec les cartes au 1/25000... »
Il lui arrive d'en finir en stop quand elle sent d'emblée que ça ne collera pas. Souvent elle y retourne pour faire des photos par beau temps ! Affronter les éléments, c'est pour les baroudeurs, les randonneurs aguerris, pas les vadrouilleurs. Elle en a forgé un concept qui ne colle pas forcément avec les clubs de marcheurs. Mais qu'importe si ça colle avec les familles et les gosses. Ça colle aussi avec les accompagnateurs en montagne dont certains gardent En Vadrouille au fond de leur sac à dos car c'est une mine d'informations. Pas grave si les catégories « très facile », « facile », « moyenne » et « sportive » ne sont pas homologuées : « C'est facile quand on y va sans problème avec de jeunes enfants... Et quand j'en bave vraiment, je précise : sportive », dit Sylvie Debras en ajoutant qu'elle est « une grand mère de 53 ans en surpoids ». 

Sylvie Debras : « Mon esprit est une gazelle... »
« J'ai écrit un roman pour lequel je ne trouve pas d'éditeur. C'est une auto-fiction qui pourrait s'appeler Le Journal d'une grosse... Il y a une pression terrible sur le corps des femmes, la silhouette imposée très tôt qui les ramène sans cesse à leur corps... Aux hommes l'intelligence puisque les femmes c'est le corps. Il y a une tyrannie de l'apparence dont tu ne t'affranchis jamais... Mon esprit est gazelle et je vis dans un corps d'éléphant... » 

Cette année donc, elle met, comme elle dit, son grain de sel alors que la facture de la crise est salée. Ça tombe bien, le voyage à pied n'est pas le plus cher, surtout si on reste dans la région. Il y a de quoi faire, elle assure ne pas avoir un seul circuit identique à un autre en onze numéros, tout juste y a-t-il parfois des portions communes sur 100 ou 200 mètres... Pas de quoi fouetter un chat. Par exemple le chat Platon qui l'avait suivie sur le Mont Vouillot, belvédère au-dessus du Val de Morteau. Il l'a tant suivie qu'ils se sont adoptés pour toujours et pour le meilleur. De là haut, à 1124 mètres, le panorama est superbe, il donne sur les fruitières à comté des Fins et les fabricants de saucisses, ces produits qui sont nés de la rencontre du lait et du sel pour le premier, qu'on appelle salaisons pour les secondes...
Syvie Debras propose en fait un parcours initiatique vers la connaissance, vers l'envie d'en savoir davantage. Chaque balade est l'occasion d'un détour par un morceau d'histoire, une explication technique, une variation socio-économique, un détour géologique. On sent la touche-à-tout passée par plusieurs métiers de la transmission. Elle a été institutrice et guide accompagnatrice de voyage, journaliste et maître de conférences en sciences sociales à Besançon et Nancy. « En Vadrouille réunit toutes ces cordes... », sourit-elle. Elle a écrit des livres dont l'un tiré de sa thèse sur la presse et les femmes. Elle a co-écrit avec la psychanalyste Joëlle Desjardins-Simon Les Verrous inconscients de la fécondité dont le propos consiste à dire qu'il n'y a « pas un homme ou une femme infertile, mais un couple, un homme et une femme qui se rencontrent pour ne pas avoir d'enfant... »
Cette « polydiplômée à la curiosité insatiable » a milité à Solidarité-Femmes à Besançon. Elle sait parler de « l'injustice dans la façon dont l'infécondité est appréhendée quand elle peut aller jusqu'à la répudiation car c'est toujours la faute des femmes ! » En Vadrouille n'a donc pas forcément d'histoires salées, mais parle des saulnières qui travaillaient dur. Exploité depuis sept millénaires, le sel a été une richesse franc-comtoise qui s'exportait en Bourgogne ou en Suisse, se passait en contrebande, justifiait une administration et des contrôles, expliquait des fortunes et des forteresses. Le magazine s'ouvre donc sur Salins où l'histoire démarre,  passe par Scey-sur-Saône, s'arrête à Arc-et-Senans et Montmorot, visite Soulce-Cernay et sa source, Montfaucon dont l'ancien château gardait une route du sel, Tavaux où l'industrie a prospéré sur la séparation du chlore et du sodium, va à Neuchâtel qui achetait le sel comtois, rappelle qu'à Rome les salaisons comtoises étaient déjà il y a 2000 ans les meilleures du monde...

 

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