José Shungu : la résistance par les mots

Musicien, poète, rappeur... Arrivé à Besançon il y a près de vingt ans, l'étudiant zaïrois a eu le temps de participer à plusieurs groupes, de créer un festival, d'organiser des ateliers d'écriture. A 39 ans, il fait un premier bilan.

0811

« Serais-je capable de faire autre chose de mon temps ? » La question résume cet entretien avec José Shungu. Qui sort un minimum dans les cafés de Besançon et fréquente les lieux de diffusion de musique l'a forcément déjà vu. Au micro ou dans le public. Chantant ou rappant, à l'occasion d'un concert de ses divers groupes, Green Shop, La Cédille ou encore Artiste Réaliste. Sa carrière musicale commence en 1993 et est toujours d'actualité.

José Shungu a fait du rap pur et dur puis s'en est éloigné pour proposer aujourd'hui le projet Green Shop, une formation plus versatile et moins étiquetable que ses anciens groupes. Son combo de rap La Cédille a écumé les scènes françaises et européennes entre 1998 et 2008. Sa découverte du rap a été tardive. José a vécu de la musique, parfois difficilement, d'autres fois un peu plus facilement, en proie au doute et à l'éternelle question pour un artiste : « je continue ou j'arrête ? ». Il aurait pu tout stopper, il est toujours là, à 39 ans, résistant, poète, lucide, conscient. Il ne se reconnaît plus dans le rap diabolique vendu par les radios aujourd'hui : « Le fond a disparu au profit de la forme. La posture a remplacé la substance et les bons textes ».

« Un jeu d'équilibriste, entre précarité et maintes difficultés »

Né à Kinshasa, au Zaïre, en 1976, José arrive en France par la Belgique en 1993, suivant les conseils de son frère d'y étudier. Il s'inscrit à la faculté d'économie de Besançon et obtient un mastère. Besançon n'est pas Bruxelles mais il aime la ville et il y reste, il y fait ses armes, entre petits boulots, boulots de coeur et art. Avec ses différents groupes, il assure les premières parties de NTM, MC Solaar, la Rumeur... José a foulé de nombreuses fois le sol du Montjoye, la regrettée salle de concert...

C'est quoi la résistance dans l'art ? « C'est se poser la problématique de sa situation. Je fais de la musique, j'organise des ateliers, j'écris des choses et je réalise que ce monde-là est un jeu d'équilibriste, entre précarité et maintes difficultés. Je me pose la question de l'épanouissement personnel là dedans et je pense à plus tard ». Et qu'est-ce qu'il en ressort, José? « En côtoyant des gens plus installés que moi dans le monde traditionnel de l'emploi et du confort matériel, j'observe que leur monde ne me rassure pas, cela ne m'encourage pas à entrer dans cet autre monde, présenté comme rassurant. Je ne cherche pas la complainte pour autant ».

Il y a ceux qui voient la richesse dans le matériel et ceux qui la voient dans le relationnel et dans l'humain... Tel le Franciscain, pauvre d'habit mais riche de coeur, José évolue, se pose les bonnes questions (en tous cas, les siennes) et se fabrique.

Retourner au Zaïre...

L'arc de José Shungu a de nombreuses cordes. Outre la musique et la poésie, il tient des ateliers dans des maisons de quartiers, en  prison. Il propose d'explorer avec d'autres les formes d'expression, le travail de la rime dans le rap, la gestion de la voix. Il s'adresse à des gens d'horizons différents, de la naïveté de l'enfant au prisonnier incarcéré, permettant ainsi « un enrichissement par la rencontre ».

Et la culture africaine ? « Je puise dans ce parcours. C'est un point de recul, une référence à partir de laquelle je me base »". L'un des voeux de José est de donner des ateliers en Afrique, dans son pays natal, le Zaïre. « Puisque ce sont mes origines, je veux y retourner ». Il faut l'entendre pour le croire mais José est un vif de chez vif ! Il a le calembour facile et souvent faisant mouche, « j'ai cela depuis tout petit ». Attention, chers lecteurs, ce n'est pas un petit jeu, c'est de l'art ! Il travaille d'ailleurs à la parution d'un recueil de petites histoires et de situations humaines, martyrisées par le calembour et par le jeu de mots. Exemples : « Si tu lui prêtes quelque chose dans cette ville, c'est clair mon frère rend » ; « quand je jeûne, c'est la période dure à ma dent ».

Allumer le... FEU, le festival des échanges urbains

En 2006, il créé le Festival des échanges urbains, le FEU... Il propose des concerts de musique dite hip-hop et des réflexions sur la société avec des journées interstice où l'on mêle recherche et action. Les artistes DJ Premier, Hocus Pocus ou encore DJ Vadim ont enflammé les foules. Six éditions entre vacarme et détonation mais cela s'arrête. « Les moyens financiers ne pouvaient pas suivre l'expansion du festival et il y avait peu d'effectifs, c'est donc logiquement que cela s'est essouflé ».

Ceux qui le suivent ont pu le découvrir artiste en résidence à la Rodia, la salle de musiques actuelles de Besançon. Un concert de restitution de son travail, avec Green Shop, s'est tenu en décembre 2011. Et le Consortium ? C'est un collectif d'associations créé pour la diffusion musicale. « Cela permet de faire découvrir de jeunes artistes et de proposer une variété culturelle par le biais de structures porteuses de projets avec des tarifs attrayants ».

Bientôt 40 ans, tu fais quoi demain ? « Je ne sais rien faire d'autre, je me tiens donc à cette création-là et je continue à explorer la musique, la poésie et la formation par les mots ». Actif et résistant depuis 1993, José en a vu passer des mouvements et des partis politiques, « je ne prends parti pour aucun parti, les guerres de logos ne m'intéressent pas ».

  • Contacts : attil25@hotmail.com

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !