Jacques Fontaine : « se garder de tout schématisme »

Géographe, Jacques Fontaine a enseigné cinq ans en Algérie et y retourne régulièrement. Il est l'un des promoteurs des rencontres.

D'où vient cette idée de commémorer le début de la guerre d'Algérie ?

Je n'emploierais pas ce terme de commémoration pour le début d'une guerre qui signifie l'échec d'un processus diplomatique. On profite de l'occasion des 60 ans du déclenchement de la guerre pour en parler... On a eu deux types de réflexion. D'abord celle de professeurs d'histoire du lycée Victor-Hugo de Besançon, notamment Christine Château, qui a été une des mes étudiantes. Elle est partie du programme d'histoire de terminale qui insiste beaucoup sur la mémoire. On en a beaucoup discuté aussi avec Marie Zehaf, avec l'association comtoise pour la connaissance du Maghreb et du monde arabe qui existe dans le Doubs, avec Marc Dahan qui anime l'association judéo-musulmane... On s'est dit qu'il ya avait quelque chose à faire et on a commencé à y travailler en février. C'est dans la continuité d'un mini colloque qu'on avait organisé il y a deux ans...

Pour certains militaires français, qui ont commencé dans la résistance aux nazis, continué par l'Indochine et terminé avec l'Algérie, cela a fait une « guerre de vingt ans » dont parle Alexis Jenni dans L'Art français de la guerre...

C'est bien souvent occulté. L'itinéraire de ces personnes qui passent de la résistance à la colonisation est assez troublant. J'essaie d'avoir une pensée politique cohérente, et pour moi il y a une incohérence entre la lutte anti-nazie et la lutte coloniale...

C'est une anthropologie complexe...

Bien entendu. Il faut se garder de tout schématisme. L'Indo, c'était une guerre de professionnels. En Algérie, le contingent a été appelé, encadré par des professionnels... Des gens sont passés de la lutte anti-nazie à la lutte anti-nationalistes, d'autres ont été plus cohérents, de mon point de vue de militantJacques Fontaine adhère au mouvement Les Alternatifs, membre du Front de gauche., en passant de la lutte anti-nazie à la lutte anti-coloniale.... Ça été le cas de personnalités chrétiennes, communistes, d'extrême-gauche...

Des gens qui sont partis combattre en Algérie sont tombés amoureux de ce pays...

Certains se sont exprimés dès les années 1960. Comme Roger Winterhalter qui a fondé le PSU. Comme maire de Lutterbach, en Alsace, au lieu d'un monument aux morts, il a créé un monument de la paix... Il viendra au colloque. Il a publié un livre de souvenirs où il raconte comment il débarque dans sa caserne et rentre en contact avec des gars du FLN, devient le relai du FLN dans sa caserne. Il y aura aussi des gens de la région, par exemple Claude Cornu... Une partie de la population française a vécu un arrachement qui fait que la réconciliation est beaucoup plus difficile qu'avec l'Allemagne.

Quelle relation avez-vous avec l'Algérie ?

J'y ai vécu 5 ans de 1975 à 1980 comme coopérant civil. J'ai enseigné à l'université de Constantine. Au moment du voyage de Giscard en Algérie, en 1974, le pays avait ouvert ses portes aux jeunes enseignants français. J'enseignais la géographie en français. J'avais commencé des cours d'arabe, mais ma thèse était sur la Kabylie kabylophone et il n'était pas possible de parler arabe aux Kabyles qui parlaient tous français !

Comment se passaient les relations à peine plus de 10 ans après la fin de la guerre ?

Aucun problème, ça m'a frappé. Je m'intéressais au monde arabe depuis longtemps, mais j'avais 13 ans au moment du cessez le feu et ma conscience politique n'est arrivée qu'après. Je me suis posé des questions sur le pourquoi de la colonisation et j'avais 20 ans en 68... J'ai été très bien accueilli, je n'ai jamais reçu une pierre. Plus tard, avec la montée de l'islamisme, la situation s'est tendue. J'ai fait vingt voyages au total, dont deux au cours desquels des gens du groupe ont reçu des pierres. On travaillait dans une ferme et les paysans vous mettaient 20 kg d'oranges dans le coffre alors qu'ils avaient fait la guerre contre les Français...

 

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