Germinal : « Planoise c’est ma vie, mon inspiration »

Assoiffé de sons, le rappeur Germinal connaît le quartier comme sa poche. Rencontre avec un musicien, un auteur et un compositeur qui créé avec son coeur.

germinal

Un style musical à part, en tous points. Le rap peut être considéré comme une expression digne de l'interrogation sur le monde, une description du contexte qui nous entoure. Germinal est un homme de 43 ans, il est né et vit à Besançon, respirant à pleins poumons la bonne odeur du vert le long du Doubs. Plusieurs casquettes sont portées par celui qui a été tout à tour professeur de percussions, animateur et surtout créateur d'ateliers musicaux et d'écriture. Il est même le premier à avoir installé ce dispositif de création et d'écoute autour de la langue et de la musique. Germinal nous dit en début d'entretien : « l'argent n'est pas un moteur pour moi ». Il fait ainsi part de sa vraie quête, à savoir l'art et l'émotion qui en découle. L'argent comme un moyen et non comme une finalité ; l'humilité de cette pensée-phrase va avec celle de l'homme, sa voix grave et son flux de paroles dynamique. 

D'un Jour à l'autre à Chroniques du bordel

Voir et écouter Ma Prose et mon vertige sur You Tube ici.
En savoir plus sur Germinal sur Beau Buro .

Germinal, c'est une carrière de plus de dix ans, un premier album, D'un Jour à l'autre, sorti en 2003, Aléas, publié en 2008 avec le soutien et l'aide de Marc Chapuis, éditeur chez Beau Buro à Beure. C'est une belle relation de confiance et de partage entre les deux hommes. En 2010, Germinal sort le disque Chroniques du bordel, là aussi avec le concours de Beau Buro. Germi, comme l'appellent ses amis, est un actif, un gars qui rappe avec son coeur, il écrit ses textes et compose ses musiques (on parle d'instrus ici), cela est assez rare dans le rap pour être souligné. Il est auteur et compositeur, tout en un, MC et beatmaker, pour parler rap, chanteur et compositeur.

« J'aime les quartiers populaires, le bordel », dit-il pour expliquer le titre de son dernier CD. Du bordel naît la création, qu'est-ce qui vient après le chaos ? La création. L'oeuvre de notre rappeur prend aussi forme avec de nombreuses compilations comme Un Pavé dans l'asphalte, Infamous resistanza ou encore Longitude 6. Il compose aussi pour d'autres artistes, comme la rappeuse et chanteuse Moon. Toujours actif, « le rap rend hommage à la langue française », lance-t-il, contrecarrant ainsi les argument des bien-pensants qui pensent - et c'est bien là leur problème - que le rap est vulgaire et bas du front. Non, le rap est un art et une manière de vivre. C'est l'éloge de la langue et une preuve de l'amour pour les mots et les tournures.

Planoise, Barbès bisontin

Germinal a vécu à Planoise de l'âge de deux ans jusqu'à quarante ans. Cela ne fait que quelques années qu'il l'a quitté physiquement, mais en fait, il ne l'a pas quitté intérieurement. Planoise est en lui : « c'est ma vie, mon inspiration ». C'est sa respiration et son décor. Sa langue est intarissable sur le quartier : « c'est la famille, la fraternité, la solidarité et la communauté ». Eh oui, à Planoise, on ne connaît pas ou peu le jugement, les visages sont marqués et la population se bat. Planoise n'est pas que misère, pauvreté, niveaux de vie bas et chômage, mais c'est beaucoup cela. Le Barbès bisontin est une faune et une flore humaine avec des habitants qui endurent et qui perdurent.

C'est cette effervescence et cette incandescence qu'on retrouve dans les textes et dans la gorge de Germinal, un mec piqué au vif par Planoise et qui le chérit. Une petite anecdote marrante. Germinal dit que parfois, il part pour aller au centre-ville de Besançon et il se retrouve au final à Planoise ! C'est son épicentre, tous les chemins mènent à Rome, je dirais. Mais surtout à Planoise, sans détour ni chemin caché. Cet « artisan du rap », comme il se décrit lui-même, aime les mots. On le sait et on l'entend. Il aime toutes les musiques et se nourrit de toute forme d'expression. Planoise reste son berceau. « Un peu de flûte, un violon tzigane et une basse me suffisent pour avoir une idée et créer ». Il avoue aussi que ses textes ne sont pas très positifs mais qu'ils respirent le vrai et le vécu.

Le rap comme « le CNN du ghetto »

L'expression est de Chuck D, membre du groupe Public Enemy que Germinal cite volontiers comme une référence, tout comme Mad Lib, Geto Boys ou encore Jurassic 5. « Le rap parle vrai, les politiques se trompent sur la cible du rap, on décrit en effet souvent le rap comme le méchant genre musical alors que c'est le plus gros vendeur de disques ! » Vous avez dit contradiction !

Germinal est un artiste indépendant et autonome qui « ne participe pas à la guéguerre locale autour du rap ». Chez lui, pas de flingues, pas de femmes nues ni de grosse artillerie de joaillerie. C'est un homme simple, honnête et terre à terre. Il m'attriste quand il dit qu'il ne fera peut-être plus jamais de concerts, il préfère le travail en studio à la scène et c'est son droit ! Fier d'une participation à l'antenne du Printemps de Bourges en 2003, on sent bien que le live n'est pas sa priorité. Homme simple ? Oui, reconnaissant même ses contradictions d'être humain : « je suis une contradiction, on vit tous ça ». Son rap est intègre et pur, reconnaître ses propres contradictions est une preuve d'intégrité. Le rap est donc un média et un moteur foncièrement libre, « quand l'Institution s'en mêle, je me méfie », dit-il.

On attend le quatrième disque, instrumental ou rappé, avec impatience !

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