Du bruit à Samson contre les camions

À Samson, un même ras-le-bol animait les manifestants : celui du passage intempestif de poids lourds sur la nationale 83, qui traverse le village ainsi qu’un grand nombre d’agglomérations du Grand Besançon et de la communauté de communes Loue-Lison. Au-delà de la pollution, des nuisances sonores et de la dangerosité de la route, c’est tout un modèle de transport et d’aménagement du territoire qui est questionné alors qu’un doublement des voies sur la RN 57 sur le tronçon Beure-Micropolis leur fait craindre une augmentation du trafic sur la RN 83.

10 h 20. Ils sont près de 200 à affronter les rafales de vent pour ralentir la circulation sur la très fréquentée route nationale 83, mobilisés via des tracts reçus dans les boîtes aux lettres, des réseaux de protection de l’environnement ou le bouche-à-oreille. Ce samedi 13 mars, une file d’automobiles et de camions se forme à l’entrée de Samson, village de 80 habitants appartenant à la communauté de communes Loue Lison. Une femme avec un t-shirt marqué d’un « Bonne route 83 » dans le dos se penche aux vitres des véhicules à l’arrêt et s’adresse aux conducteurs un à un : « C’est pour embêter les camions ! Ça ne sera pas long, merci pour votre patience », explique-t-elle en leur remettant un flyer. La militante fait partie de la jeune association « Bonne route ! » fondée en novembre 2020 et réunissant déjà plus d’une centaine d’adhérents dans le but de « proposer des modes de transports alternatifs et obtenir l’interdiction du trafic de poids lourds en transit sur la route nationale 83 » selon ses statuts.

Chaque jour, plus de 9 000 véhicules, dont plus de 2 000 poids lourds, traverseraient le village d’après un comptage réalisé la DIR-EST à Buvilly, quelques kilomètres plus au sud sur la route. La part des camions est la plus forte de la région selon l’association, qui juge la situation dangereuse et nuisible. C’est d’ailleurs la route la plus accidentogène du Jura par kilomètres parcourus avec 14 tués pour 29 km en 2018.

Une lutte de longue date

Parmi les quelque 200 personnes présentes pour ralentir la circulation, on compte des habitantes de Samson. Adeline est Samsonière depuis 38 ans et connaît bien ce type d’actions contre le passage de poids lourds. « Dans les années 1980, j’étais gamine, on se mobilisait déjà contre les camions ! » se souvient-elle. En effet, si l’association est récente, elle s’inscrit dans le prolongement de luttes bien plus anciennes concernant la dangerosité et la nocivité de la nationale. « Bonne Route ! » est ainsi l’héritière d’un collectif jurassien actif notamment à Arbois. Un autre collectif de riverains est bien présent dans les mémoires : celui de Quingey, qui avait obtenu il y a une vingtaine d’années la déviation de la nationale hors du bourg, aboutissant à la construction du pont au-dessus de la Loue jouxtant la commune.

Rien d’étonnant donc à rencontrer des riverains de la nationale venus de communes éloignées de Samson pour participer à cette mobilisation. Marie-Josée, accompagnée de son mari et de sa belle-sœur, défile avec une pancarte « Larnod Solidaire ». Ce village du Grand Besançon est familier des problématiques liées à la route, « On est tous concernés par cette nationale, de Beure à Poligny », estime-t-elle. Elle s’est au préalable investie dans la mobilisation dans son village pour obtenir des ralentissements à 50 km/h et la réfection des trottoirs. Marie-Josée et les membres du collectif de Larnod ont eu gain de cause, mais « ça n’arrête pas pour autant les camions » soupire-t-elle.

Pour éviter les nuisances sonores, la pollution qui imprègne les habitations et le danger que représente le transit des camions, une solution simple existe : faire passer les poids lourds sur l’autoroute A 39 toute proche plutôt que sur la nationale. Pour les routiers, cela représente 14 km supplémentaires et des frais de péage à hauteur de 20,80 €, selon l’association. On comprend aisément pourquoi c’est l’itinéraire de la nationale qui est choisi, malgré son dénivelé, ses virages, ses ronds-points, ses traversées d’agglomérations, 24 minutes de trajets supplémentaires en condition normale et ses bouchons. Les idées fusent pour inciter les entreprises de fret à ne pas prendre la nationale, de l’interdiction par arrêté préfectoral à la gratuité sur le tronçon équivalent au passage sur la nationale.

Sortir du « tout-camion »

Toutefois, à plus long terme, ce que préféreraient plusieurs militants interrogés, c’est bien de sortir de la logique du « tout-camion » et du « tout-voiture ». Charles, d’Alternatiba ANV 21 COP, n’est pas directement concerné par les nuisances, puisqu’il ne vit pas dans un village traversé par la nationale. S’il est là aujourd’hui, c’est d’une part en soutien à ses amis riverains, mais également pour avertir sur les conditions de vie « terribles » qui adviendront si l’on conserve les mêmes modes de transport. « Au niveau climatique, d’ici 30 ans, il fera 55 °C à Besançon », alerte-t-il.

Pour François Vacheresse, président de l’association « Bonne Route ! », il ne s’agit effectivement pas de se focaliser sur la déviation des camions vers un autre axe, mais bien d’envisager un changement complet des moyens de mobilités. L’association évoque la mise en place du ferroutage (transport des camions sur voies de chemin de fer), ainsi que le développement du covoiturage, dans un territoire à la « mobilité dominée par la voiture solo »1.

« Je ne veux pas d’une autoroute sur mon territoire »

Au milieu des manifestants qui traversent la route à pas lents pour ralentir la circulation, on compte de nombreuses écharpes tricolores. Les élus des communes alentour se sont déplacés, dont Anne Vignot, maire EELV de Besançon. Samson ne fait certes pas partie du Grand Besançon mais la maire revendique « une vision en termes de territoires ». Pour l’élue, une discussion avec la préfecture concernant le plan climat-air-énergie territorial (PCAET) est essentielle. « Le plan actuel n’est pas assez ambitieux. On sait qu’il y a des problèmes de qualité de l’air, ce qui est lié au transit sur la nationale ». La maire bisontine étaie le lien entre les problèmes rencontrés sur la RN 83 et le projet de dédoublement la RN 57, qu’elle n’hésite pas à qualifier « d’aberration en termes d’aménagement du territoire ».

Pour elle, la fluidification engendrée favorisera automatiquement le passage de davantage de camions sur la RN 83. « Je ne veux pas d’une autoroute sur mon territoire », assène-t-elle. Et d’abonder à propos de la RN 57 : « on contribue à la société de la voiture alors qu’on aspire à autre chose. Ce qui me choque le plus, c’est la pression qui est mise par la préfecture sur cet aménagement sous couvert du plan climat énergie, comme s’il était écologique. C’est de la mauvaise foi », assène la maire de Besançon.

Un investissement qui sera de plus coûteux pour les contribuables. « C’est dommage d’investir 120 millions d’euros pour des murs anti bruits, on pourrait l’investir dans autre chose », estime le président de « Bonne Route ! ». « Les incidences du dédoublement doivent être mises en débat avec les habitants, c’est un gros investissement qui va impacter très longtemps », considère la maire bisontine, s’inquiétant d’un budget pour le projet qui ne cesse d’augmenter.

« On ne laissera pas tomber »

11 h 30. L’opération prend doucement fin et les participants s’éparpillent à pied ou par les petites routes de campagne pour ne pas se retrouver dans les ralentissements que les derniers manifestants continuent de provoquer. Forte de son succès de la journée, l’association a déjà prévu une nouvelle opération de ralentissement de la circulation le 29 mai à Larnod. La maire de Besançon y sera « ainsi qu’à toutes celles qui suivront », garantit-elle. « S’il le faut, on ira plus loin, on fera une grosse opération escargot », annonce François Vacheresse. L’association devrait bientôt être reçue par la préfecture. « On ne laissera pas tomber », assure-t-il.

1PCAET, Communauté de Communes Loue Lison, Vers un projet de territoire partagé, livret de synthèse intermédiaire, septembre 2018

Des voies qui font débat

On l’a compris, difficile de parler de la RN 83 sans évoquer le réseau routier dans laquelle elle s’insère, et ce d’autant plus que plusieurs portions de routes font l’objet de grands débats actuellement. Ainsi, le dédoublement de la RN 57 prévu sur le tronçon qui relie Planoise à Beure divise, comme en témoignent les billets de blog à ce sujet [lien vers le blog ?]. En jeu : la fluidification d’un axe qui connaît de nombreux bouchons. Deux positions s’opposent pour répondre au problème : celle de la préfecture de Doubs, en faveur de l’élargissement de la route, et celle de la majorité de la ville de Besançon, en faveur de la réduction du trafic.
Une controverse jurassienne agite aussi le milieu politique concernant la réalisation d’une voie rapide à 2x2 voies entre Poligny et Vallorbe, déjà envisagée à la fin des années 1990. Le projet, remis sur la table par des élus départementaux jurassiens, est vivement contesté par les têtes de liste EELV.

Du côté des blogs et des communiqués de presse concernant la RN 57 :
- Réaction aux propos des élus Fagaut, Grosperrin et Bodin concernant le doublement de la RN57 sur le tronçon Beure-Micropolis, par Alternatiba Besançon
- RN 57 Beure – Micropolis : un aménagement indispensable pour le Grand Besançon !, par le groupe Besançon Maintenant
- RN57 : le groupe socialiste municipal soutient le projet de RN57par le groupe PS de la municipalité
- Aménagement de la RN 57 entre les boulevards et Beure : Génération·s dit oui au désenclavement de Planoise et non à la mise à 2×2 voies ! par le groupe Génération.s
- Doublement de la RN 57 Beure-Micropolis : Des alternatives sont possibles ! par le groupe EELV
- Communiqué du MFC sur la RN57 , par le groupe MFC

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