Appel pour l’abandon des poursuites contre deux collaborateurs de presse à Besançon

De Marie-Guite Dufay à Edwy Plenel en passant par Barbara Romagnan et Aurélie Trouvé, Claire Arnoux, Nicolas Bodin et Anne Vignot, 122 personnalités locales, régionales et nationales, des écrivains et des militants, des associations et des syndicats sont les premiers signataires de ce texte qui considère que le renvoi devant le tribunal correctionnel d'un correspondant de Factuel et d'un reporter de Radio BIP est une instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique. 

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Deux collaborateurs de presse devant le tribunal de Besançon,
la justice instrumentalisée

Appel pour l'abandon des poursuites et à un rassemblement de soutien si elles sont maintenues

Deux collaborateurs des médias indépendants francs-comtois, le journal en ligne Factuel.info et Radio BIP/Média 25, doivent comparaître devant le tribunal correctionnel de Besançon le 9 mars 2020 pour « violences réciproques ». Ils ont initialement été cités par le procureur de la République à comparaître le 22 août avec deux autres personnes : l'agresseur de l'un d'eux et un participant à la manifestation des Gilets jaunes du 13 avril 2019 en marge de laquelle se sont produits des faits que certains policiers et le parquet entendent monter en épingle afin d'instrumentaliser la justice pour tenter d'intimider des rédactions dont le travail dérange.

Ce 13 avril, Alex, reporter à Radio BIP, va pour porter assistance à un homme incommodé par les gaz lacrymogènes. Il lui propose du sérum physiologique pour le soulager. L'homme, complètement saoul, l'envoie promener en disant sa haine des manifestants et le frappe à la tête. Plusieurs manifestants et le correspondant de Factuel, Toufik, interviennent alors pour s'interposer et tenter de le ramener à la raison. En vain. S'en suit une échauffourée. Quand Alex lui demande des excuses, il reçoit un second coup. Dans la soirée, Alex portera plainte.

Postés à une cinquantaine de mètres, les policiers témoins de la scène, mettront environ cinq minutes à intervenir, puis interpeller l'agresseur qu'ils placeront en garde-à-vue. Au petit matin, dégrisé, il portera plainte à son tour pour violences : suggestion policière ?

Convoqués lundi 20 mai 2019 au commissariat de police, Alex et Toufik sont immédiatement placés en garde-à-vue. Ils en ressortent huit heures plus tard avec une citation à comparaître devant le tribunal. La date initialement choisie pour l'audience a curieusement été placée en pleines vacances judiciaires : le 22 août. On aurait voulu juger cette histoire en catimini, on ne s'y serait pas pris autrement. Notre avocat a demandé et naturellement obtenu le renvoi de l'audience.

En vérité, cette procédure entamée pour violences réciproques par le parquet, dont il faut rappeler qu'il dépend du pouvoir exécutif, vise des collaborateurs de presse qui sont sur le terrain depuis le début des manifestations, décrivant les défilés, donnant la parole aux manifestants, témoignant tant des débordements que de l'emploi de la force par la police. Clairement identifiés comme reporters, ils n'en ont pas moins essuyé parfois des gaz et des tirs de LBD. Harcèlements, vexations et entraves se sont régulièrement multipliés à leur encontre, et dernièrement le 14 juillet où un autre reporter de Radio Bip a été emmené au poste avec des gilets jaunes pour vérifier son identité pourtant déjà connue, où Toufik a été un temps entravé dans ses déplacements au moment du défilé. Les jours suivants, Toufik a été verbalisé deux fois pour participation à manifestation non autorisée alors qu'il les couvrait...

Au-delà de leurs personnes, ce sont les médias pour qui ils travaillent qui sont visés. A Besançon, comme dans le reste du pays, le mouvement des Gilets jaunes a confirmé des méthodes du pouvoir politique à l'égard de la presse que l'on croyait révolues. « En France, pourtant pays démocratique, les atteintes à la liberté de la presse se sont multipliées ces derniers mois », soulignaient début mai les trois principaux syndicats de journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT).

Ils ajoutaient : « Depuis novembre, de nombreux journalistes ont été pris à partie ou molestés par des agresseurs se revendiquant de leur appartenance aux Gilets Jaunes. Parallèlement, des dizaines de consœurs et confrères ont été victimes de violences policières : empêchés de travailler, injuriés, agressés, matériels saisis et détruits, cartes de presse subtilisées. Des journalistes ont été visés délibérément par les forces de l’ordre et blessés, certains gravement, lors de ces manifestations sociales d’une ampleur et d’une durée inédites à ce jour. Des journalistes ont été interpellés et placés en garde à vue. »

Il y a aussi les procédures visant à authentifier les sources dont la protection est une « pierre angulaire de la démocratie » de la liberté de la presse, pour reprendre les termes de la Cour européenne de justice. RSF a enfin écrit à propos de la liberté de la presse en France : « Insultés, menacés, agressés, voire blessés par des manifestants ou par les balles de défense des forces de l’ordre, des journalistes ont été confrontés pendant le mouvement des Gilets jaunes en novembre 2018 à un niveau de violence inédit en France. »

Dans ces circonstances, il n'y a qu'une solution digne et respectueuse de la liberté de la presse : l'abandon des poursuites contre Alex et Toufik. Si elles sont maintenues, les signataires de cet appel invitent les citoyens soucieux de la liberté d'informer à se rassembler sur l'Esplanade des droits de l'homme avant l'audience.

Lire aussi : À Besançon, un an d’entraves à la liberté de la presse

  • Pour signer cet appel, remplissez le formulaire sur le site de Radio BIP en cliquant ici.

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