Un soir à circasismic, festival du hors norme

La seconde édition du festival bisontin mêlant musique et arts du cirque, qui s'est tenu mi-mai, est l'occasion pour Factuel.info de plonger dans l'origine des freaks, littéralement « phénomènes de foire » dans l'Angleterre puritaine au XIXe siècle ...

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Sur la rive du Doubs, dans le quartier de Casamène, j'entre dans l'univers lumineux et étrange de Circasismic. Ce festival bisontin fusionne musiques et arts du cirque. Au bord des rives embrumées, des personnages au visages grimées de plâtre blanc lèvent le voile sur le cirque du XIXe siècle, celui des Freak shows.

Freaks signifie phénomènes de foire. Nous sommes dans l'Angleterre du XIXe siècle où ces personnages sillonnent les routes. Rejetés par la société car ils ont des caractéristiques hors normes. Considérés comme des monstres, des objets, ils sont exposés, comme des canulars ou des expériences scientifiques qui ont mal tourné. Certains ont fabriqué volontairement leurs anomalies, se mettent en scène : la demande pour ce type de show est incroyable, le cabinet de curiosité mêlant des interrogations humaines sur l’anatomie humaine, les maladies, l’espèce.

Une société en pleine découverte

Cette forme de spectacle correspond à une mentalité dans une société en pleine découverte de la science et de la médecine. C’est la période des savants fous qui clonent et créent des êtres difformes. C’est aussi l'époque où les caractéristiques telles que l’hermaphrodisme, la pilosité faciale ou le nanisme sont méconnues, sont l’incarnation d’une erreur de la nature, dans une Angleterre conservatrice et puritaine.

Les freaks choquent les spectateurs, curieux de ce qui, en dehors de la norme, fascine et fait peur.

Leur showmen les produisent, narrent leurs histoires, c’est ainsi que s’étoffe un univers fantastique, drôle. Ils existent au même moment que les expositions universelles, grands événements regroupant les artistes et les artisans les plus célèbres, les nouveautés artistiques. Ils sont installés en périphérie, comme une ménagerie humaine. Une période de mutation entre les XIX et XXe siècles, où le rêve de transformation du monde et des humains fructifie.

Des saltimbanques hors normes

Dans quelques cas et surtout dans l’imaginaire collectif, les freaks sont des saltimbanques hors normes, étranges qui cultivent leur différence et la mettent en spectacle. L’aspect créatif est surtout né quand des comédiens se créent des personnages de freaks. Ils sont devenus culturellement populaires depuis le film Freaks de Todd Browning.

Par leur mélange avec des freaks professionnels, made freaks, les comédiens d'aujourd'hui fabriquent la supercherie de leur différence, ils devinrent l’univers associé au cirque et au théâtre. Une sorte de revanche sur ceux qui les utilisaient, car l’univers freaks, assumant cette différence semble prendre place dans la représentation contemporaine d’un style, d’une esthétique à part entière, se liant tout naturellement aux arts du cirque.

Les spectateurs entrent dans une alcôve, un parc simulacre du temple des cabinets de curiosités, dont l’essence est à jamais fixée dans ces codes. Des alcôves dans lesquelles l’art visuel rencontre le théâtre dans un cirque étrange rempli d’objets monstrueux et drôles : squelettes d’animaux présenté par un savant fou, le musée de l’horreur, une femme à six bras parle d’un bébé qu’elle a explosé à coup de massues... Une femme jouant d’un fouet tient en laisse un homme-animal que les spectateurs doivent nourrir ou embrasser.

Les bonnes vieilles ficelles de l’horreur

Les sujets exposés nous emmènent dans leur monde, nous prennent par le bras, nous entourent d’histoires louches et donnent des gages aux joueurs d’une roue d’infortune. Sous une forme plus trash que poétique, plus grotesque que subtile, mais recherchée, les jeunes issus d’école de cirque et d’art en ont fait l’esthétique qu’elle est aujourd’hui : haute en couleur, en rire gras et en provoc’, tirant les bonnes vieilles ficelles de l’horreur, mix entre gore et dialogues de théâtre de rue. Déployé en séance photos, jeux de casse-brique, le freaks est réinventé au dixième degré.

Ici, les freaks ne sont pas montrés mais se célèbrent, ils sont comédiens et mènent la danse.

Le festival a accueilli des centaines de personnes venant autant pour le théâtre que la musique, toujours dans une veine comique, avec des compagnies éclectiques, comme Les têtes d’affiche. Ce spectacle qui se moque des vedettes dépeint trois représentants de l’homme, tous s’essaient à imiter leur frère le crooner du spectacle, un Elvis Presley qui a trop de testostérone. Se piquant la vedette et leurs trombones, ils ont littéralement enflammé la scène, et leur relation, parodiant la compétition du trio sert les figures acrobatiques réalisées.

Jusqu’au bout de la nuit, le son hypnotique de l’électro minimale résonne d’un chapiteau à l’autre avec la drumn’bass, réchauffant Besançon.

Longue vie au festival !

Photos Na Doo

 



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