Refaire le monde après Fukushima

« Le mot énergie m'énerve... Les enfants parlent de points, les professeurs d'argent, la société d'énergie. C'est du langage de camé ! Il faut arrêter de se demander par quoi on va remplacer le nucléaire. On arrête et on verra. » Alain de Halleux ne fait pas que des films sur le nucléaire, c'est aussi un militant et un débatteur. Il était mercredi à Besançon pour la première projection française de Welcome to Fukushima.

alaindehailleux
Un homme sur un cheval. Il porte une cuirasse, symbole de la célèbre fête des samouraïs qui rassemblait chaque année depuis mille ans toute la ville de Minamisoma.
La caméra s’approche et fixe quelques secondes son regard inquiet. Autour de lui, une ville fantôme. Une atmosphère pesante. Le vide. Ce qu’on appelle le bord de la zone interdite. Ainsi commence Welcome to Fukushima


Lire l'article de Michèle Tatu sur le film


« Le mot énergie m'énerve... Les enfants parlent de points, les professeurs d'argent, la société d'énergie. C'est du langage de camé ! Il faut arrêter de se demander par quoi on va remplacer le nucléaire. On arrête et on verra. » Alain de Halleux ne fait pas que des films sur le nucléaire et ses dégâts collatéraux, c'est aussi un militant et un débatteur. Mercredi soir au Foyer de jeunes travailleurs Les Oiseaux de Besançon, la discussion a été longue avec le public de la première projection française de Welcome to Fukushima.
Le réalisateur est resté de longs mois au Japon et son film suit des gens qui deviennent vite familiers tant leurs gestes et actes d'adaptation à l'après-catastrophe sont proches de nous. Le film s'arrête il y a 6 mois, Alain de Halleux donne des nouvelles de la semaine dernière : « Il n'y avait plus d'électricité à la centrale, cela peut vite poser un problème de refroidissement des piscines pleines de combustible... » Et donc des risques de fusion...
Il n'en est pas à son premier film sur la question. En six ans, il en a fait sur Tchernobyl, sur Forsmark (Suède), les travailleurs des centrales, et pensait en avoir fini, se disait qu'il allait enfin faire des films d'amour... « Mais un ami japonais m'a appelé... J'avais étudié Tchernobyl 25 ans après, j'ai imaginé Fukushima 25 ans après. La différence, c'est qu'à Tchernobyl, la plupart du combustible est parti lors de l'explosion et s'est répandu sur 40% du territoire européen ».
La cinéaste a aussi une réflexion scientifique allant bien au delà des questions techniques. Il est chimiste nucléaire de formation mais n'a « jamais pratiqué ». Il entend faire réfléchir  à la société et à l'économie que suppose, engendre, le recours à l'énergie nucléaire. Il estime qu'elle est difficilement compatible avec une période « hors croissance », note que le Japon a réduit sa consommation de 30% après l'accident en arrêtant ses 54 réacteurs : « il est sorti du nucléaire pendant un certain temps et ça a fonctionné ». Il relève le paradoxe d'une majorité de Japonais opposés au nucléaire et le fait que le nouveau Premier ministre envisage de construire de nouvelles centrales... 

L'évacuation au prochain accident...

Henri a particulièrement été impressionné par le film : « S'il y a un nouveau problème, ce ne sera plus de décontamination du Japon dont il sera question, mais d'évacuation » de 50 millions de personnes... Michel Chapeau, animateur du collectif anti-nucléaire organisateur de la projection, parle de « mensonges : France et Japon ne sont pas différents de ce point de vue ». Un jeune résident du foyer qui découvre la problématique avec le film considère que « les Français se foutent du nucléaire »
Alain de Halleux est Belge, d'un petit pays qui à la différence de la France, n'est pas « dans l'illusion affolante de la puissance ». Il a une suggestion : « Ce serait simple de mettre le nucléaire dans le cursus scolaire, comme on l'a fait autrefois avec le charbon ». Il évoque les « injonctions contradictoires - sécurité et rentabilité - que subissent les travailleurs du nucléaire qui ont tout le temps faux et risquent sans cesse quatre mois de prison... » Il déplore « le rôle de la CGT qui ne défend pas ces 80% de salariés de sous-traitants ». Il pense aussi qu'il ne suffit pas d'être contre : « il faut aussi réfléchir à comment s'organiser pour autre chose ». Dans la petite salle, des spectateurs évoquent alors les initiatives citoyennes sur l'énergie partagée ou la reconquête des projets éoliens.
On refait souvent le monde après un film...

Prolonger
- Les risques du nucléaire, interview vidéo d'Alain de Hailleux
- Trois documentaires sur les 25 ans de Tchernobyl
- La liste des accidents nucléaires sur Wikipédia

 
 

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