Ravilloles : faire vivre et transmettre l’artisanat

Les journées du patrimoine des 17 et 18 septembre sont l'occasion de découvrir l'Atelier des savoir-faire de Ravilloles. Ce centre de création et d'échanges au cœur du Haut-Jura, stimule la création et le partage des techniques artisanales de fabrication.

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Je serais avec eux. Je sentirai que je suis des leurs. Qu’ils m’ont adopté et m’apprennent leurs secrets.
Ces gestes ancestraux se gravent en moi comme éternellement. Je sais que je pourrai toujours compter sur eux.
Où que je sois, il est dans ma tête et dans mes mains.
Marque de mon identité, le pilier auquel s’appuyer pour être, exister en Homme.

Savoir-faire. La vie des hommes, leurs connaissances, mais aussi la manière dont vivent les communautés qui les fabriquent et les gardent.

La création commence en haut d’une colline nichée dans le Haut-Jura. C’est à Ravilloles, entre Clairvaux-les-Lacs et Saint-Claude, que s’est créé l’Atelier des Savoir-faire, un espace de création et d’exposition, proposant échanges entre artisans, et la valorisation des savoir-faire. Tous les savoir-faire du Jura et de Franche Comté sont représentés dans l’exposition permanente : diamantaire, layetier, tavaillonneur, lunettier, émailleur… Des univers qui puisent dans les trésors de la montagne.

Le lieu est une ancienne usine de tournerie à l’activité fleurissante entre le XIXe et le XXe siècle. Puis il devient petit à petit un lieu associatif et accueille le projet de l’Atelier des Savoir-faire en 2007. Les aspérités et le caractère des objets faits à la main interpellent. Ils convoquent des souvenirs, des traditions, un lieu. Tous ces éléments font partie d’une vie qui n’est pas forcément la nôtre, ou bien nous rappelle la vie de nos ancêtres.

Assurer sa survie

Une maison comtoise loin de la ville, une combe, des grands arbres. Tant d’éléments utilisés pour servir à fabriquer un outil, un objet qui viendra remplir une partie de nos vies. Créer de nouvelles fonctions afin d’assurer sa survie, puis son métier. Donner un sens à sa vie en fabriquant. Imaginer, tracer un plan, découper, polir, fixer, tailler, tourner.

Des verbes qui évoquent une chaîne opératoireTerme anthropologique de l’objet définissant le processus de fabrication d’objets par un groupe humain, et le contexte environnement, social, religieux, artistique dont il provient. Cet outil puissant a été créé par Leroi Gourhan, et permet d’analyser les rapports qu’entretiennent les humains avec les objets et la nature., l’environnement global produisant les matériaux, les gestes techniques à apprendre, les conditions nécessaires.

Car dans le Haut-Jura, beaucoup de savoir-faire sont nés des conditions de vie montagneuses, des villages isolés, des métiers se créent alors. On s’occupe des bêtes, il n’y a pas beaucoup d’autre activité, et elle ne dure pas toute l’année. Les longs mois rudes de l’hiver sont difficiles pour tout Haut-Jurassien qui trouve alors de quoi s’occuper chez lui. Il parvient à fabriquer sa propre « machine artisanale », et à fabriquer d’autres outils à partir de celle-ci.

Passer le temps, imaginer et créer, puis vivre mieux...

 Au départ, le bricolage est là pour passer le temps, imaginer, créer, et d’un autre côté, pour vivre mieux : réparer, fabriquer les objets dont on a besoin pour la maison, les vêtements. Puis il devient une ressource financière pour l’artisan et sa famille. C’est dans ce contexte que naît le tour, cet instrument qui polit le bois en le tournant sur le métier. Tout en restant à la maison, le tour fonctionne grâce à tous les membres de la famille, l’un tournant la manivelle, l’autre sculptant l’objet, puis on polissait la pièce. 

Une série de gestes techniques et de connaissances est transmise pour faire exister l’objet. C’est ce qui fait que les artisans ont besoin de protéger leur production, et aussi de la transmettre, puis de la diffuser.

A l’intérieur du musée, les visiteurs sont en rapport direct avec la matière, les tours étant exposés et utilisés régulièrement. « On aimerait ensuite rendre encore plus présente la matière, le bois vivants, dans l’espace dédié aux démonstrations et aux stages, afin que le visiteur soit encore plus immergé dans l’atelier », raconte Nicolas Sifflet, responsable de la communication.

Des rencontres prennent forme dans des co-créations

L’Atelier produit aussi des rencontres qui prennent forme dans des co-créations. Le stage Design-moi un artisan a trouvé ses marques :  sur six mois, un groupe d’artisans (de métiers diversifiés) est accompagné dans l’invention d’un objet, par un designer, une intervenante en marketing, un consultant en créativité. Il en ressort une création née de la fusion de plusieurs techniques. Certaines œuvres /objets sont nichées dans le sentier des savoir-faire, accrochées aux arbres ou bordant le chemin, prenant leur place en tant qu’objet du patrimoine commun, et œuvre esthétique.

C’est un terrain de travail où l’imagination déborde et se partage entre artisans.

Dans une vision à long terme, transmettre c'est sauvegarder ces savoir-faire qui font partie du patrimoine de ce territoire jurassien. Les objets sont les témoins de l'évolution des populations et des communautés. Ils marquent leur temps, sont fabriqués avec le même bois, les mêmes conditions, et fabriquent une mémoire vive.

Le patrimoine artisanal est aujourd'hui fait de songes. Ce sont ces mutations créatives (une majorité d'artisans d'art) qui constituent la mémoire commune de nos traditions, symbolisées par ces objets d'autrefois, ces techniques laborieuses et sublimes.

Stages tous publics

Cette transmission des savoir-faire se fait encore plus directement lors des stages ouverts à tous les publics, qui s’effectuent sur deux ou trois jours. Des personnes curieuses ou souhaitant se reconvertir professionnellement viennent régulièrement apprendre le vitrail, la vannerie, le décor sur bois, etc.

Les artisans, qui ont peur du devenir de leur métier, peuvent avoir une nouvelle ouverture d’esprit et un champ d’action qui fonctionne par un système solidaire. Ils peuvent aussi apprendre à promouvoir leur activité, leur savoir-faire, en étant rémunérés de 30 à 40 euros de l’heure ttc. Ces stages sont des temps où le savoir-faire peut être transmis, par la pratique manuelle.

Les personnes qui viennent sont des jeunes en quête de trouver leur voie, des retraités, des salariés en congé de formation.

De la transmission au tourisme

La structure fonctionne avec les subventions de la région, de la communauté de communes Haut-Jura Saint-Claude, ainsi que les artisans qui forment ensemble un conseil décisionnaire. Ils sont réunis en plusieurs association qui peuvent les aider à devenir pérennes. La survie de ces savoir-faire est liée à leur transmission, et aussi au tourisme.

« Les stages font partie du pôle économique, pour lequel nous avons un budget moyen annuel de 20.000 euros avec environ 20% de fonds propres (Atelier des savoir-faire et Communauté de communes Haut-Jura Saint-Claude), 30% de la région Bourgogne-Franche-Comté, 30% FNADTFonds national d'aménagement et de développement du territoire (Etat) et 20% (conseil départemental, commissariat de massif, région Rhônes-Alpes ou autres).

Ce pôle ne nous rapporte pas ou très peu de bénéfices, c’est plus de l’ordre du « service public » en tant que soutien de l’artisanat du Haut-Jura », précise Nicolas Sifflet. Car en effet, grâce à ce système, il semble aussi que les artisans gardent une éthique professionnelle garantissant une vraie production artisanale.

L’économie du Jura reposant en partie sur des industries qui se sont spécialisées au fil des siècles dans un travail de précision : fabrication de matériel de mesure, d’horlogerie, de matériel médical. Aujourd’hui, les métiers liés à des conditions de vie plus rustiques se font plus rares, mais la fabrication de précision reste l’identité globale du Jura.

Au-delà, les savoir-faire deviennent plus artistiques, et l’Atelier propose de nouvelles façons de créer, tel un catalyseur permettant de changer d’angle la création : c’est une réassurance en des métiers manuels face à la crise économique, une alternative qui rapporte des bénéfices aux artisans et à la région. Et l’économie se développe grâce à cette perception nouvelle : le savoir-faire est vu dans sa dimension imaginative, et symbolique.

Une partie de notre histoire culturelle continue d’être transformée, nourrie, de vivre .

 

 

Sculpture sur bois.

 

Tournage.

 

Vitrail.

 

Vitrail.

 

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