Quand le théâtre fait se rencontrer la Vouivre et Lacuzon

Le théâtre de la Petite montagne travaille La tentation de Lacuzon, une pièce de Monique Lancel, dont la première aura lieu en juillet. Sa fondatrice, Roselyne Sarazin, aimerait la jouer dans toute la région en 2017... C'est l'occasion de revenir sur un héros comtois, mais aussi sur sa légende et son lien avec le mythe de la Vouivre, sans oublier la tragédie européenne qui présida à l'intégration de la Franche-Comté à la France au 17e siècle...

lacuson

Roselyne Sarazin l'assure, elle ne monte pas La Tentation de Lacuzon avec l'arrière pensée de remuer le couteau comtois dans la plaie la fusion avec la Bourgogne ! Les bisbilles qui animent le petit monde politique régional ne l'avaient pas effleurée. Le clin d'œil autonomiste est tentant, mais on aurait tout faux en l'appuyant exagérément. Car l'histoire du montage de cette petite pièce écrite par Monique Lancel relève du hasard. Enfin presque, car il a bien fallu que le capitaine Lacuzon, héros de la résistance comtoise à la conquête française, soit encore dans les mémoires actuelles pour qu'on inaugurât en octobre dernier une place à son nom à Saint-Laurent la Roche.

Ce petit village dont la falaise et le clocher attirent les regards des voyageurs quelques kilomètres au sud de Lons-le-Saunier n'avait pas fait que couper un ruban, mais aussi organisé une lecture de la pièce. Roselyne Sarazin est venue en voisine, la comédienne Marie-Ange Gontara aussi, qui s'est exclamée : « j'aimerais bien la jouer ! »

Roselyne Sarazin et Mathieu Créteur.

A vrai dire, c'est un peu logique que Saint-Laurent la Roche ait une place Lacuzon. Le personnage historique en a conquis le château fortifié occupé par les Français, à partir de la base de Montaigu qu'il occupait depuis 1637. On est alors en pleine Guerre de dix ans, partie de la Guerre de trente ans qui ravagea une partie de l'Europe sur fond de querelles religieuses et de rivalités politiques. Tout cardinal qu'il fut, Richelieu fit s'allier Louis XIII avec les princes protestants pour contrer la puissance autrichienne appuyée par Rome et les rois catholiques. Le sort de la petite comté ne pesa pas lourd dans la bataille des titans au bout de laquelle la contrée changea de maître.

« Deux mythes se rejoignent »

Fils d'un cordonnier de Saint-Claude, un temps seigneur de guerre tout puissant, Lacuzon finira ses jours à Milan, alors possession espagnole, quelques années après le rattachement de la Franche-Comté à la France... Ça, c'est pour l'histoire. Pour le théâtre, unité de temps et de lieu oblige, Monique Lancel a situé l'action un soir de 1639. C'est la débandade pour Lacuzon et ses frères d'armes sans doute victimes d'une trahison. Le capitaine se retrouve chez Perrine, l'aubergiste qui a perdu son homme des mains des mercenaires à la solde des Français. Ses soldats ne sont pas au rendez-vous, mais il y a là une étrange jeune fille, c'est la Vouivre, sa protectrice, dit la légende, mais il ne le sait pas encore et craint une entourloupe de ses ennemis.

Auteure d'une dizaine de pièces de théâtre, conteuse francilienne originaire de Haute-Saône, Monique Lancel s'est bien amusée en écrivant son Lacuzon : « les deux mythes se rejoignent... On a même cru un temps que Lacuzon s'était laissé mourir de faim dans une grotte de la la Vouivre... Il y a une différence entre le roman historique et le théâtre historique. Le premier est exigeant sur les détails alors que le théâtre garde une certaine liberté car ce qui prime est la situation dramatique... J'aime le fantastique et mon écriture est réaliste, j'ai combiné les deux ».

Cette articulation est au cœur du travail de la petite équipe réunie autour de Roselyne Sarazin. Quelques privilégiés ont pu assister à une répétition publique de la première partie de la pièce et mesurer la difficile équation à résoudre. Pas simple de camper un héros tantôt soudard tantôt indépendantiste exalté et convainquant, guérillero enrichi distribuant généreusement ses prébendes, homme à femmes... C'est la redoutable mission du jeune comédien semi-professionnel, Mathieu Créteur, de rendre crédible cet instinctif guerrier d'une époque lointaine et tragique où la mort - violente ou de faim - faucha deux Comtois sur trois...

Spectacle réjouissant

C'est aussi celle de Marie-Angé Gontara qui, à la fois, consolide et sape le mythe du grand homme. Elle l'admire mais ne le craint pas, le flatte et le provoque. C'est une situation simple et complexe qui se noue, qui s'articule entre la force révolutionnaire du résistant et l'intuition dévastatrice de la femme serpent. Au milieu, l'humanité amicale et chaleureuse de l'aubergiste, joyeusement, parfois gravement, campée par Roselyne Sarazin.

On peine à commenter un travail en cours de route. Ce qui a été montré vendredi dernier au Biolopin, à Saint-Maur, laisse augurer d'un spectacle plaisant, voire réjouissant, dont la première est programmée le 30 juillet à Maynal. D'ici là, on souhaite qu'il prenne de l'ampleur et de l'épaisseur.

Et l'on songe au bon tour joué aux comédiens par l'auteure : mêler avec le sourire fantastique et tragédie leur laisse toute latitude. Il faudra aussi pas mal de répétitions pour élimer le costume de Lacuzon. quand il apparaît dans l'auberge avec ses atours neufs, il ne donne pas l'air de sortir des bois ou d'un guet-apens, mais de la boutique d'un loueur de costumes pour aller à une soirée déguisée ! 

 

 

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