Quand elle va au public, la culture est populaire

Organisée pendant les travaux du musée des Beaux-Arts de Besançon, la première phase de l'opération « Le Musée s'invite à Planoise » s'achève à la fin de la semaine après cinq mois d'affluence au Centre Nelson-Mandela.

musee2

Abdel Ileh Riahi El Mansouri était ravi lorsque nous l'avons croisé il y a quelques semaines. Directeur du Centre Nelson-Mandela, il nous indiquait que l'opération Le Musée s'invite à Planoise était une grande réussite, que la fréquentation était au-delà de toute espérance. Surtout, l'installation d'une exposition temporaire d'oeuvres du musée des Beaux Arts, en travaux jusqu'en 2017, était aussi une belle opportunité pour la maison de quartier. Une occasion de vérifier ce qui avait déjà été observé à Metz ou Lens avec les annexes de Beaubourg ou du Louvre : c'est quand elle va vers le public que la culture est populaire.

Mais il faut des médiateurs et ceux-ci sont, souvent, des enseignants. « Beaucoup d'écoles sont venues, même avec des petits, car c'est plus facile de venir dans une maison de quartier », dit Philippe-Jean Bohl. Surveillant au musée des Beaux-Arts après avoir travaillé dans les autres musées de la ville, il a tout de suite été volontaire pour venir à Planoise : « J'ai pensé que ce serait plus intéressant que d'être dans un musée fermé ! C'est mieux d'être avec le public. Ici, je fais l'animateur, le guide... »

« Ici, les distances sont abolies, les gens sont chez eux »

Melchidesech selon La Montagne des dieux, site québécois ; résumé par Akadem, campus numérique juif ; expliqué ici par l'historienne Sonia Fellous ; selon Sadhana, site mystique canadien qui évoque plus que les autres la vision musulmane ; et enfin par le site Carrefour de l'islam.

A vrai dire, son amour de l'art est un puissant stimulant : « Tout est intéressant au musée des Beaux Arts, il y a de très belles peintures, les Cranach sont magnifiques... Le petit Gisant de Jean de Bourgogne est exceptionnel ». Justement, il est à Planoise. A ses côtés le superbe buste de Melchidesech, une haute figure de la mythologie des trois monothéïsmes du Moyen Orient : « C'est le Roi de Salem... Des petits musulmans le connaissent alors que de nombreux chrétiens ne le connaissent pas... Du coup, les gamins demandent qui est le voisin... » Ils s'arrêtent aussi devant le buste étrusque : « il a 3000 ans, un voile... C'est donc une femme, disent des enfants. Mais non, c'est un homme, d'où des discussions sur le vêtement ».

Philippe-Jean Bohl a remarqué que le petit diaporama d'oeuvres absentes intéresse davantage les enfants quand les adultes préfèrent les oeuvres. « Les gens qui viennent ici ne seraient pas allés au musée, ils sont du quartier. Mais maintenant, ils iraient ! D'ailleurs, il n'y a pas que les Planoisiens à venir, mais aussi des habitants des villages voisins, Boussières, Grandfontaine... Ici, les distances sont abolies, ils sont chez eux. Certains viennent les jours de marché, passent cinq minutes, quand ils sont en balade... Ce qui est intéressant avec le multicuturalisme, c'est que les gens viennent avec de nombreuses questions intéressantes ». Comme justement à partir de Melchisedech...

L'enthousiasme du Livre d'or

Place au Carnaval du quartier !
Le carnaval du quartier qui se tient ce mercredi 4 mars à partir de 14 h 30, s'est directement inspiré des oeuvres du musée. Dans la salle des fêtes du Centre Mandela, les participants des ateliers d'échange de savoir-faire du jeudi, sont venus préparer le défilé. Adèle et Claude font des masques : « attention aux agrafes pour les yeux des enfants », dit Claude...
A deux pas, Evelyne, Hassna et Roger terminent une drôle de bestiole : « au début, c'était une coccinelle géante », rigole Roger. Maintenant qu'elle a une carapace, des grandes dents et une tête de dragon, « c'est une chimère », ajoute-t-il. Hassna donne un coup de pinceau en expliquant son souci : « Je suis Marocaine avec une carte de résidente espagnole... Je suis aide-soignante en attendant d'avoir du travail, mais il me faut une autorisation : quand je l'ai je n'ai pas de travail, et quand j'ai du travail, l'autorisation met deux mois pour arriver et le travail n'est plus là... »
Plus loin, Joël coupe un support en bois à la scie à métaux : « je suis venu donner un coup de main pour le carnaval... » Dessus, une tête toute bleue : « on voulait faire une danseuse du Cinquième élément, le film de Luc Besson, mais on l'a transformé en Simpson qui aurait bouffé du viagra », s'esclaffe Evelyne en s'avouant « bricoleuse dans l'âme... »
Départ à 14 h 30 du Centre Mandela, circuit dans le quartier, arrivée au gymnase Diderot...

La lecture du livre d'or révèle l'enthousiasme des visiteurs. « Belle initiative », « quelle belle surprise », « poursuivez ! », « une chance d'avoir cela à Planoise », « Bravo », « Trop bien »... Nombreux sont ceux qui avouent leur frustration : « dommage qu'il n'y ait pas beaucoup d'oeuvres », « je suis déçu du peu d'oeuvres, mais merci quand même pour l'initiative ». Un visiteur assure que « l'écoute entre les hommes grâce aux oeuvres et à l'art est un lien puissant et bénéfique à tous... » Des enfants ajoutent des coeurs et des fleurs à leurs mots d'encouragement. Un collégien a pris une page entière pour faire un dessin d'humour (cliquer sur la photo)...

Commencée le 20 septembre, la saison 1 du Musée s'invite à Planoise se termine cette semaine. Consacrée aux figures, portraits et personnages, confinée sur une trentaine de mètres carrés, elle laissera la place à la saison 2, consacrée aux voyages et autres mondes, du 11 avril au 29 août sur une surface un peu plus vaste. Après les autoportraits de Jean-Alexis Muenier, Johann Melchior Jospeh Wyrsch, Guillaume Courtois dit Guglielmo Cortese, Sébastien Cornu, le Centre Mandela accueillera François Boucher et Charles Lapicque, des oeuvres inspirées par le commerce et l'exil, le pèlerinage et le dépaysement, l'Antiquité et le XXe siècle...

 

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !