Pascal Mathieu : « Le fric me pèse et le pèse m’écoeure… »

Surgissant dans l'univers de la chanson dans les années 1980-1990, Pascal Mathieu revient. Une nouvelle fois sur une scène bisontine, il est pour la première fois à la Rodia, jeudi 7 mars. C'est forcément un événement pour un artiste à la carrière parsemée de changements de partenaires correspondant souvent à des évolutions artistiques.

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Surgissant dans l'univers de la chanson dans les années 1980-1990, Pascal Mathieu revient. Une nouvelle fois sur une scène bisontine, il est pour la première fois à la Rodia, jeudi 7 mars. Parsemée de changements de partenaires correspondant souvent à des évolutions artistiques, sa carrière a connu des hauts et des bas. Des moments euphoriques ont alterné avec d'autres plus difficiles. Parfois en retrait de la scène, souvent aux confins du théâtre, il a toujours écrit, pour lui, pour d'autres, pour le plaisir. Toujours, il a cherché le contact rapproché avec le public. Il est souvent drôle, parfois génial, dans la répartie comme dans le texte construit. Un concert de Pascal Mathieu à Besançon, où il a eu en premier son public et ses inconditionnels, où il vit, est forcément un événement.

Où avez-vous chanté depuis ce beau concert au château d'Amondans, en 2011 ?
J'ai chanté au festival de Dole, à la Reine blanche à Paris, à Athouboutchant, un café-concert de Lyon tenu par des gens très compétents pour la chanson francophone...

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Depuis trente ans, vous êtes passé par plusieurs étapes...
J'ai un parcours chaotique mais très intéressant... J'ai ratissé mon côté punk, mots et musique, entre 20 et 30 ans. Après, ça a été plus rock poétique, avec différentes formations jusqu'à l'album En Attendant des jours pires. Ensuite, j'ai connu un ralentissement artistique à la scène un peu compensé par une grosse activité d'écriture pour d'autres interprètes, principalement Romain Didier : j'ai écrit dix des onze titres de son disque Chapitre 9, le onzième étant écrit par Alain Leprest. J'ai fait un opéra pour enfants, Pinocchio court toujours, des chansons avec Florent Marchet dont deux sont dans mon prochain album et mon répertoire actuel...

Trente ans de chanson, ou presque...
Oui, tout a commencé en 1986 au Printemps de Bourges : première cassette, premier enregistrement, révélation du Printemps... Avant, j'avais été aux rencontres inter-régionales. Maintenant, j'explore des activités que j'ai construites pendant des années sans avoir terminé...

Quelle évolution y a-t-il derrière ces étapes ?
Elle est sensible entre mes 20 ans et aujourd'hui. Je suis plus efficace dans l'écriture car il y a moins de scories dues à un excès de colère ou de violence que je mettais dans ma volonté de provoquer.

Provoquer ?
Quand je chantais Où va la France avec un étui pénien à Bourges, il y avait une volonté de provoquer !

Pourquoi ?
Pour explorer les limites du possible en création... Mes maîtres sont des auteurs comme William S Burroughs ou les Sex Pistols... J'ai aimé les provocateurs, je les aime encore, par exemple Léo Bassi.

Le rôle de l'art est-il la provocation ?
C'est un des rôles de l'art. Si un artiste n'a pas la volonté de secouer, et lui-même et les destinataires de son travail, il lui reste à le faire !

Quels sont les autres rôles ?
Par exemple celui de déclencher des images parfois choquantes qui se renouvellent de manière universelle.

Vivons-nous un sale temps pour les poètes ?
Depuis le début, depuis la nuit des temps, il n'y a pas l'ombre d'une éclaircie pour les poètes. C'est inhérent au côté sans utilité matérielle de la poésie. Si la poésie n'est pas accompagnée par quelque chose, de la musique, du cinéma, toute seule elle aura du mal à se répandre. La nécessité, c'est déjà la curiosité, un certain abandon pour se laisser envahir par elle. Il n'y pas un plus sale temps aujourd'hui qu'avant. Des gens se laissent aller à l'écrit poétique sur les réseaux sociaux où il n'y a pas ce qu'on a mangé à midi avec des fautes !

Vous les utilisez ?
Je suis sur Facebook, 90% de mes amis y sont, des artistes, des peintres, des photographes...

Qu'y a-t-il de nouveau dans votre nouveau spectacle ?
Pour quelqu'un me connaissant depuis longtemps, il n'y a pas que des nouveautés. Il y a une grande partie de l'album avec des chansons toutes neuves. C'est un nouveau spectacle car il est mis en scène, mis en cohérence, par Sébastien Barberon qui est metteur en scène et comédien. Il est le moteur de la compagnie Teraluna qui présente des Impromptus, propose au public des textes d'auteurs francophones vivants. Ils m'ont demandé d'en écrire, c'est comme ça que je les ai découverts, que j'ai découvert une nouvelle corde à mon arc que je n'avais jamais osé faire vibrer : la prose, plus proche des courtes nouvelles que du roman fleuve.

Que va découvrir un spectateur qui ne vous connaît pas ?
Un personnage et des mots, le tout enrobé de sons, de rythmes, de sketches.

Et musicalement ?
Claude Mairet, qui n'est pas coincé dans un seul style. Il s'inspire du rock, des rythmiques plus chaloupées, des rythmiques ternaires.

Jouez-vous de la flûte comme vos spectacles précédents ?
Pas en chantant...

Certes...
Il faut voir comment je pourrais l'amener, c'est le travail du metteur en scène.

C'est comment, travailler à la Rodia ?
On est en résidence : ce sont de vrais partenaires. C'est très agréable d'y travailler, on est dans la grande salle, avec un beau plateau, de belles proportions, tout le matériel qu'il faut pour être au confort.

Allez-vous surprendre ?
Le spectateur qui a apprécié, il y a 20 ou 25 ans, le personnage destroy qui buvait de la bière en bidon d'huile, va me trouver beaucoup plus calme. Il va être déçu si c'est ça qu'il a apprécié... Les choses se sont apaisées, il y a moins de tumulte et de tapage, mais derrière les mots, il y a la même vision acérée...

Vous avez traité de politique dans vos chansons, la guerre de destruction de la Yougoslavie (« Quand les Croates s'exacerbent »), Charles Pasqua (« Pasqua se Pendreau plafond », Pasqua était ministre de l'Intérieur, Pendreau son secrétaire d'état à la sécurité)... Et maintenant ?
Depuis le départ de Sarkozy, je suis un peu en panne... J'ai écrit pour Romain Didier, Alice Dézailes... C'est qui ce salaud est sur la deuxième guerre du Golfe et Georges Bush... Là, je suis plus dans une thématique générique : « le fric me pèse et le pèse m'écoeure »... Dans une chanson, je décris l'isolement par l'écran...

Ce n'est pas très étonnant que l'écran fasse écran, non ?
C'est son rôle. Son but, c'est qu'on soit derrière pour pas aller dehors voir les choses en vrai, d'où ma chanson  L'Homme d'appartement que je vais chanter pour la première fois en public. Je suis davantage intéressé par les choses sociétales. J'ai parlé de la guerre, mais je ne pense pas que ça serve à qui que ce soit. La justice, ce n'est pas la peine de surenchérir. L'ambiance globale de la société occidentale m'interpelle.

Vous avez chanté qu'on était « domestiqué par des vétérinaires », le serait-on maintenant par les informaticiens ?
Par les « agro-alimenteurs »... Les média m'intéressent aussi pas mal : quand on voit le temps et l'énergie autour de l'affaire Monica Lewinsky, et plus près de nous DSK... J'ai écrit Bill et Monica... Le feuilleton des média a sa part d'indécence.

Ce n'est pas nouveau !
Oui, mais là, c'est assumé. Je pense que le feuilleton est de mieux en mieux orchestré pour maintenir l'audimat. Des fois, ils font des bourdes, se plantent, mais ils mettent en scène très très bien. Et les mondes politique et médiatique sont très proches...

Ils ont les même éco-système ?
Oui : finance, politique, média. Par exemple, ce que proposent les programmateurs est pauvre, même sur le service public. France Inter a de courtes plages, mais fonctionne beaucoup avec les majors et on rejoint la finance.

Pourtant, un autre monde [du spectacle] existe !
Oui, Athouboutchant le montre, même si c'est difficile.

Internet, le téléchargement, la culture de la gratuité, ça modifie quelque chose pour vous ?
Non. Je n'aurais pas le moindre agacement si j'apprenais que quelqu'un a eu la gentillesse de me copier pour m'écouter. Mon producteur moins... Mais souvenons-nous, on a copié sur des cassettes... Ce n'est pas ça qui met en péril l'industrie du disque, mais ses choix.

Qui ?
Joker !

Vous disiez déjà cela au début... Il y a trente ans, on disait juste qu'il n'y avait plus de monstres sacrés...
Il y a toujours de belles chansons qui s'écrivent. Le problème, c'est comment le public peut-il y avoir accès ? Il a de plus en plus de mal à être curieux.

Serait-il trop sollicité ?
Oui... Il va vers les valeurs sûres, le vu à la télé...

Des valeurs sûres à la télé ?
Je veux dire : des choses déjà identifiées, qu'on connaît déjà... Aujourd'hui, je travaille avec le logiciel Dragon [qui transcrit la voix sur un traitement de texte]. Pour certains, c'est la mort de l'écriture manuscrite...

Vous écrivez à la main ?
Oui... Puis à l'ordinateur.

 

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