« On aurait dû se coucher sur la route pour empêcher le camion de ramasser le lait »

Sociétaire de la coopérative de Pierrefontaine-les-Varans, le secrétaire général adjoint de la FNSEA, Daniel Prieur, estime que des erreurs ont été commises dans la réponse collective, syndicale et professionnelle, aux robots de traite dans la filière comté.

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Président de la chambre d'agriculture du Doubs et du Territoire de Belfort, secrétaire général adjoint de la FNSEA, Daniel Prieur est aussi paysan à Pierrefontaine-les-Varans. Son Gaec est sociétaire de la coopérative de Pierrefontaine-les-Varans, celle la même qui a été condamnée en décembre 2014 par le tribunal de grande instance de Besançon à collecter le lait d'un autre adhérent, le  Gaec des frères Jeanningros qui utilise deux robots de traite. Ce que le cahier des charges de l'AOP comté ne devait pas permettre.

Comment analysez-vous cette histoire ?

Des erreurs ont été commises. La première est d'avoir laissé les producteurs saisir la justice. On a été dans l'idée d'une tractation avec les Jeanningros, de régler ça à la paysanne. Ils voulaient surtout que la coop trouve une solution pour leur lait... Si on avait eu plus de fierté et de dévotion à l'égard de la fruitière de Pierrefontaine, on aurait dû se coucher sur la route pour empêcher le camion de ramasser le lait afin que la fruitière ne soit pas amendable. Il fallait dégager sa responsabilité par une action syndicale le temps qu'il fallait.

Le président de la FDSEA, Philippe Monnet, nous disait le 7 mars qu'il devait ménager les adhérents producteurs de lait standard qui ont des robots de traite...

Je suis embêté de le dire comme ça, mais il faut prendre de la hauteur pour voir plus loin. Il y a eu un cumul d'erreurs dans cette affaire, des responsabilités reportées les uns sur les autres. Pour la coop, c'était au CIGCComité interprofessionnel de gestion du comté de s'en occuper. Pour le CIGC, la question initiale était dans la coop. Vu de la coop, les organisations départementales, syndicats et FDCLFédération départementale des coopératives laitières, ne se sont pas occupés de nous et on s'est fait corneriser. Quand le premier robot de traite est arrivé dans le Jura, les Jurassiens ne se sont pas fait déborder. Nous si. J'avais dit au conseil de la coop de ne pas attendre que les Jeanningros nous mettent en justice, que c'était à nous de le faire...

La Confédération paysanne a joué un rôle important dans la mobilisation de Vercel...

J'ai appuyé le rassemblement de Vercel... Ce n'est pas un problème de Conf' ou de Fédé, mais de savoir si on veut un prix à nos produits... La démocratie syndicale n'est pas encore faite ! Il y a eu un loupé.

Du coup, la filière va réaménager le cahier des charges...

Elle est victime de ne pas avoir appelé un chat un chat. Elle a écrit que la traite en libre service n'est pas autorisée au lieu d'écrire que c'est le robot qui ne l'est pas. Cela coûte cher à une fruitière et ça amène un débat stérile. Je n'ai pas de lien très fort avec Jean-Charles Le Squeren, le directeur général de la coopérative de l'Ermitage, mais il a la bonne réponse à la question. Il dit que si on veut transformer du lait cru avec une exigence de qualité pour sécuriser la fabrication, il ne faut surtout pas de robot.

A cause par exemple du changement de température perpétuel dans la cuve réfrigérées où les laits des différentes vaches arrivent sans cesse ?

Ce changement perpétuel ne garantit pas la qualité. Et c'est l'analyse d'un industriel qui me paraît être rationnel. Il a fait s'engager par écrit les producteurs de lait à comté de l'Ermitage. On va rouvrir le cahier des charges pour qu'il favorise au mieux la présence humaine au moment de la traite : c'est séculaire dans le comté, c'est le paysan qui est là. Le second geste, c'est que le fromager travaille en cuve ouverte, et pas en cuve fermée comme dans des tas d'autres fromages. Cela lui permet de mesurer la transformation du liquide en solide à la main. Le troisième geste est celui de l'affineur qui tapote les fromages à la sonde pour vérifier qu'il n'y a pas de bug. Ces trois gestes, il faut les conserver.

Faut-il l'écrire comme vous le dites ?

Je ne sais pas, je ne suis pas constitutionnaliste ! Mais ça doit se rapprocher de la communication de la FDCL sur les fruitières.

La procédure sera longue...

On est parti pour un feuilleton à rebondissements...

Quels sont les défis de la filière comté aujourd'hui ?

Ils sont multiples, pas seulement vis-à-vis des robots. Il faut d'abord concilier l'autonomie alimentaire, le pâturage et la production de comté. Ce n'est pas simple. Claude Vermot-Desroches (ndlr : le président du CIGC) ne veut pas qu'on donne du foin en été. Je suis de son avis si c'est du foin extérieur à la région, mais s'il provient de l''exploitation, c'est tout bénéfice pour la filière. Une vache qui mange du foin produit davantage de protéines nobles intéressantes pour le comté. Plus la source de protéines est diversifiée, mieux le lait se porte. C'est pour ça que le CIGC appuie les prairies fleuries, cela s'appelle la biodiversité. Donner du foin et été en complément du pâturage fait gagner des protéines et facilite la transformation. On a le même effet en hiver en donnant du foin et des betteraves.

 

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