Salariés et employeurs du social dans la rue mais séparément

Les secteurs du travail social, du médico-social et du handicap sont quasiment aussi sinistrés que celui de la santé. Familles de personnes prises en charge, employeurs et salariés réclamaient mardi 7 décembre à Besançon les moyens d'appliquer le Ségur pour améliorer les salaires et les conditions de travail en embauchant. Mais les syndicats SUD, CGT et FO ne voient d'un bon oeil la revendication patronale d'une convention collective unique qu'ils estiment au rabais.

Environ 1800 personnes ont formé deux défilés mardi 7 décembre dans les rues de Besançon pour défendre les revendications du secteur social et médico-social qui représente près de 40.000 emplois en Bourgogne-Franche-Comté dont plus de 3000 sur le bassin bisontin. Deux cortèges aux motivations apparemment proches, comme la demande des 183 euros mensuels du Ségur dont beaucoup ne voient pas la couleur. Le matin, un demi millier de salariés du Doubs et quelques dizaines du Jura et de Haute-Saône ont manifesté à l'appel des syndicats CGT, FO et SUD en mettant en avant des problématiques salariales - ils réclament 300€ - et de conditions de travail.

L'après-midi, environ 1300 personnes ont réalisé l'union des employeurs et des familles, rejoints pas des salariés, sur certains objectifs un peu divergents, à l'exemple de la revendication des employeurs d'une nouvelle convention collective en lieu et place des deux conventions en vigueur, celles de 1951 et de 1966.

Une perspective que les manifestants du matin ne partagent pas : « ce serait une convention unique de bas niveau, remettant en cause les grilles salariales, avec une part variable qu'on peut assimiler à une prime au mérite », a ainsi fustigé David Guerret, délégué CGT à l'Hygiène sociale de Franche-Comté lors d'une halte devant le siège de l'association.

« La profession n'attire plus beaucoup »

Reste que tous font des constats très voisins. Erwan Becquemie, représentant régional de NEXEM, le syndicat patronal associatif de l'action sociale et médico-sociale, directeur de l'AHSFC, évoque par exemple « le manque d'attractivité de la profession » et pointe des « difficultés de recrutement ». Dans le cortège syndical, Roland, éducateur de prévention, est là pour la dignité et la reconnaissance de son métier : « il n'y en a plus et c'est assez général, les conditions de travail se sont dégradées ces dernières années, la profession n'attire plus beaucoup, il y a des offres d'emploi en carafe sur Montbéliard... »

Jade (*), jeune accompagnatrice éducative et sociale de 23 ans dans un IME, souhaite une « revalorisation salariale » et de « meilleures conditions de travail ». « On manque de professionnels. Nous ne sommes souvent que deux pour accompagner onze dont certains ont des déficits mentaux ou porteurs d'autisme... », dit-elle avec une pointe de lassitude dans la voix.

Educatrice dans un service d'accompagnement à domicile de l'association Julienne-Javel à Chalezeule, Delphine décrit des interventions parfois lourdes, en milieu très dégradé : « on va partout, souvent dans des lieux sales. On est le relais du Conseil départemental quand les services sociaux n'interviennent plus. On suit des gens avec des incuries, des syndromes de Diogène, on fait de la réouverture de droits sociaux... »

On croise aussi dans le défilé des étudiants en travail social de l'IRTS, et des salariés de l'ADDSEA, l'ADAPEI, l'AHSFC, les Salins de Bregille, le CCAS de Besançon ou encore des assistantes sociales scolaires avec une petite pancarte de la FSU.

Au micro, David Guerret anime le défilé, scande : « le boulot qu'on fait a une importance sociale et sociétale extrême... Pour nous, aujourd'hui, l'essentiel c'est d'être visibles, d'interpeller publiquement l'Etat, le département... Car sur le terrain, c'est le retour de la souffrance, on enferme des usagers, on a des problèmes de qualité de l'offre d'accompagnement, on est en mode dégradé partout... » Il critique aussi les employeurs, notamment l'AHSFC : « le dispositif d'allègement des charges a généré un million d'euros, ça pourrait faire un treizième mois pour tous. Au lieu de ça, ils abondent la trésorerie, ce qui est illégitime quand un quart des salariés sont pauvres... »

Tous réclament des moyens de la part des départements et de l'Etat. Mais c'est bel et bien une délégation de la seconde manifestation qui a été reçue par des représentants de la préfecture devant laquelle le défilé syndical s'était achevé un peu plus tôt. Pour la plupart en grève, les manifestants du matin ont assez peu apprécié d'apprendre que leurs collègues, notamment à l'ADAPEI, avaient été invités par la direction à manifester sur leur temps de travail

Une assemblée générale pour faire le point est annoncée pour mardi 14 décembre à 17h30 à la Maison des syndicats, à Planoise. Sans doute aussi pour envisager la suite, une nouvelle journée d'action nationale est programmée le 11 janvier.

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