« Loups solitaires » : rire de tout, même du pire…

Serge Quadruppani signe un roman riche et plaisant sur un agent des services secrets qui semble avoir épousé la thèse des djihadistes qu'il était sensé infiltrer... Présent à Besançon lors du festival Pas sérial s'abstenir, il a participé à un débat sur le terrorisme avec Jérôme Leroy...

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Dans la guerre qui oppose certains auteurs de romans noirs et policiers issus de la gauche, de l’extrême-gauche, de l’ultra-gauche… on peut se demander si le véritable but du dernier polar de Serge Quadruppani, n’est pas de donner un « coup de pied de l’âne » à Didier Daeninckx et à Noël Simsolo… Les idées précédant souvent les actes…

Pierre Dhiboun, membre des forces spéciales françaises infiltré dans un groupe djihadiste au Nord du Mali a disparu. A-t-il trahi ? S’est-il converti à l’islam ? A-t-il été retourné par les djihadistes ?

Étrange roman, dans lequel animaux, femmes et hommes se côtoient, et même s’affrontent de façon parfois réjouissante. Le lecteur rira souvent. La lectrice aussi. Pourtant, il s’agit de traiter d’un sujet grave, celui du terrorisme.

La façon dont procède Serge Quadruppani est déroutante. Son récit, entre l’essai sur la défense de la condition animale, (- Tu sais ce qu’a dit Issac B. Singer, dont une bonne partie de la famille est morte à Auschwitz ? - Oui, je sais : “pour les animaux, tous les humains sont des nazis…) et le décryptage du fonctionnement des services secrets, celui de leurs tortueuses ramifications, est parfois grandguignolesque.

On y trouve les acteurs de la DRMDirection du renseignement militaire, de la DGSIdirection générale de la Sécurité intérieure, ex DCRI (R pour renseignement) issue de la fusion en 2008 de la DST et des RG, de la DGSEDirection générale de la Sécurité extérieure, de la SDATsous-direction anti-terroriste de la Police judiciaire… dont certains sont armés de l’inévitable stylo Mont-Blanc, tout ce beau monde piloté, peu ou prou, par des services étasuniens.

On y trouve sur le plateau de Millevaches, un camp militaire, celui de la Courtaude, depuis lequel on lance des drones destinés à liquider des ennemis, au Pakistan par exemple, quitte à se tromper sur l’analyse qui a été faite de la cible et donc de tuer un pauvre bougre, tout en faisant ce que l’on appelle des dommages collatéraux.

On y trouve aussi un mystérieux réseau, Scorpion. Scorpion est du même modèle que celui du réseau Stay Behind, au sujet duquel Serge Quadruppani livre une fiche détaillée. Très technique, très documentée.

On y trouve toute la quincaillerie nécessaire au sérieux d’un polar qui traite du terrorisme. Sauf que cette quincaillerie est tournée en dérision, telle cette paire de lunettes digne des gadgets utilisés par James Bond. Elle cache un écran de contrôle qui, à la suite d’une attaque du chat Piano, devient folle et diffuse des vidéos qui n’ont rien à voir avec ce qu’elles sont censées donner comme renseignements.

Alors, ce mélange des genres ? Parti pris esthétique ? Façon de “ tourner autour du pot ” d’un sujet qui divise ?...

À la fin de la lecture, après s’être baladé en Italie, à Lyon, dans une Katiba au Mali, en Tunisie lors d’un attentat, en Inde et sur le plateau de Millevaches, en France…, que reste-il ?... Est-il besoin qu’il reste quelque chose d’une lecture ?... Même s’il est question du terrorisme ?

Des animaux, des femmes, des hommes

Dans les animaux, un loup solitaire, le double, ou le prototype du loup solitaire qu’est devenu Pierre Dhiboun, membre des forces spéciales françaises infiltré dans un groupe djihadiste au Nord du Mali. Il a disparu à son retour en France. Manifestement, il a déserté. Mais de quelle armée ? Beaucoup de monde aimerait le savoir.

Le loup solitaire l’est devenu après que sa femelle a été abattue alors que son clan voulait prélever quelques brebis d’un troupeau, pour s’en nourrir.

Le loup avait humé longtemps dans l’herbe froide l’odeur de celle avec qui il avait créé le clan. Puis il avait regagné la forêt et hurlé toute la nuit, passant régulièrement du plus grave au plus aigu, déclenchant les réponses inquiètes de sa horde, à quelques kilomètres de là. Cela avait duré trois jours. De ce comportement, les humains qui l’écoutaient déduisaient qu’il était devenu un “solitaire inconsolable avec des chance de survie réduite”.

L’animal apprend à échapper aux pièges photographiques placés dans la forêt.

Tout au long de sa fuite depuis la Margeride, il avait perçu la présence de pièges photographiques qu’il avait réussi à éviter avant qu’ils ne se déclenchent.

À présent, le loup se sent bien dans ce bois, il y trouvé la paix qu’il cherche depuis la mort de sa compagne.

Mais il y crève de faim, dans ce bois. Heureusement, il y a le poulailler de Maynandier !

Dans les rencontres qui vont parfois opposer l’Homme à l’animal, (ou l’inverse) le loup donnera un coup de croc sur le nez d’un gendarme, privant ce dernier de son appendice nasal.

Pierre Dhiboun, l’autre loup solitaire n’apparait plus sur aucune des vidéos qui truffent le territoire français, depuis qu’il a quitté le Mali après avoir infiltré la katiba commandée par Ijider. Comment s’y prend-il ? C’est inquiétant parce qu’il s’est peut-être converti à la religion et à l’idéologie des djihadistes. Dans ce cas, il pourrait faire de terribles dégâts sur le sol français. Pourtant lui, c’est un de ses amis qu’il a vu être décapité… Jeune adulte, il a aussi flanqué son chien par la fenêtre. La seule mort qu’il regrette vraiment.

Dhiboun a été membre des forces spéciales chargées de la sécurisation, il a été amené à de nombreuses reprises à entrer dans des installations protégées, en France et à l’étranger. Pour des raisons que j’ignore, il a même représenté la DGSE au sein du groupe mixte chargé de visiter les centrales nucléaires pour faire des propositions destinées à en accroître la sécurité, après que plusieurs d’entre elles ont été survolées par des drones.

Des drones, symbole d’une technologie qui surveille et qui tue, il en est beaucoup question, dans ce roman.

Un drone sera anéanti grâce à une escadrilles de… choucas. Christian Meynandier, en rupture de son métier de chirurgien suite à la mort d’un enfant dont les derniers mots ont été game over, a une passion pour les poules de luxe, entendues comme les gallinacées (le doute est entretenu pendant quelques pages, et des propos de corps de garde émaillent le roman. Il arrive que les hommes, qu’ils soient gauchistes ou militaires, se retrouvent dans une certaine… bêtise).

Puis il ramasse le sac de pain et se dirige vers l’enclos où l’attendent les Limousines gris velouté, Les Bourbonnaises blanc crémeux, les petites Pictaves et les menues Soies, la Wiandotte argentée, le couple de Brahma géants au plumage fastueux, et ce qui reste de Marans.

La poule Marans a été bouffée par le loup qui, toujours solitaire, traverse le récit dans lequel il fait des apparitions furtives mais remarquées.

Un bestiaire bien sympathique

Maynandier converse également avec les choucas, à qui il fournit des noix. Dans le tumulte qui va bousculer sa vie, son seul souci est de savoir si Jane House, sa maitresse, atteinte de narcolepsie quand le stress la submerge, et qui travaille en tant qu’éthologue à la Courtaude, couche aussi avec Dhiboun.

Lors de l’attaque d’un drone dit le Pélican contre la maison qu’il habite avec Jane, le chat Piano, et Dhiboun caché sous une fausse identité dans un cabanon, Maynandier contre-attaque en levant une escadrille de choucas.

le chirurgien lance le cri du choucas qui appelle. Du côté du clocher, une nuée s’élève, dessinant une ellipse étirée jusqu’aux rares nuages, comme pour représenter l’ADN du ciel. Puis elle explose en virevoltes palpitantes qui croissent et se dilatent en dérivant vers la maison. Bientôt l’escadrille caquetante croise sur sa route celle du drone…

- Sainte merde ! C’est quoi, ça ? se récrie Roger

- Des oiseaux, dit John.

- Je vois bien, foutre ! Mais qu’est-ce qu’ils foutent vos foutus oiseaux ?

- Je ne sais pas, articule John, piteux. On dirait qu’ils attaquent le Pélican.

[…]

Leur dérive au plus près leurs frôlements, leur zigzag coupant la route de l’engin n’ayant produit aucun effet sur lui, ils se succèdent à présent, l’un derrière l’autre, l’un à côté de l’autre, tous contre un seul intrus, le piquant en piqué, le fouettant de leurs ailes par groupes de deux, trois, quatre. L’engin brinqueballe, ses hélices ont des ratés, il commence à descendre doucement, à dévier de sa route, il penche sur un côté puis sur l’autre, il se retourne carrément, se redresse, les oiseaux s’acharnent, ils sont maintenant plus d’une trentaine autour de lui, le drone disparait derrière un nuage de plumes noires. Puis, d’un coup, il plonge à pic vers la rivière. Une seconde, Christian croit à une tentative de fuite, mais non, dans un piteux plouf l’engin disparaît entre les plis mercuriels de la Vienne.

Une deuxième attaque, menée par des abeilles cette fois, contre une autre invention diabolique des hommes, vaut son pesant de miel. Nous sommes toujours sur le plateau de Millevaches. L’étau se resserre sur Dhiboun. Une course poursuite le fait échapper à divers pièges tendus par ses poursuivants, mais…

Ils sont rentrés dans la forêt depuis quelques minutes quand un nouveau bourdonnement se fait entendre. Difficile à expliquer, mais on perçoit à la fois de grandes quantités de notes tenues, toutes les mêmes quoique toutes différentes. Bref, c’est un bourdonnement multiple.

Jane s’arrête net pour s’appuyer à un tronc. Elle est blême.

- Cette fois, on est foutus, halète-t-elle.

- C’est quoi, ça ?

- Robobees. Des abeilles-robots. Mises au point avec le soutien des multinationales produisant les pesticides qui tuent les abeilles naturelles. Les robots ont des senseurs qui miment les yeux et les antennes des vrais abeilles. Chacun pèse un dixième de gramme, avec des ailes qui se contractent cent vingt fois par seconde au passage d’un courant électrique. Et les nôtres sont munies d’un dard qui contient une dose de curare plusieurs fois mortelle pour un humain. On a produit un essaim de quatre-vingt-dix robots. À l’oreille, ils ne sont plus qu’à une centaine de mètres.

[]

Ce n’est pas un hasard si Pierre s’est précipité là. Sans y réfléchir vraiment, il s’est dit qu’il y avait peut-être là une possibilité de rébellion de la vie.

Juste intuition : à l’approche de l’essaim mécanique, des trente ruches que Gédéon et ses amis ont disposées ici s’élèvent trente essaims naturels. […] Le surgissement des robots déclenche une attaque généralisée. Comme si elles sentaient que ces choses veulent prendre leur place de vivantes, les abeilles se jettent sur elles, prêtes à mourir. À quatre-vingt mille environ par ruche, elles forment bientôt une énorme masse grondante qui tourbillonne autour des robobees.

Sur son écran de contrôle, John voit avec effarement les points de couleurs représentant ses robots s’éteindre un à un.

Dans ce bestiaire bien sympathique, n’oublions pas le chat, Piano. Il l’a échappé belle ! L’inconscient s’était couché au pied de son maitre mort (mais les chats ont-ils un maitre ?), dans le cercueil de ce dernier. Il en est extirpé in extremis afin de remplir une de ses tâches, dans le roman. Celle d’attaquer Crochon (un agent très spécial) en lui griffant méchamment le nez. Ce qui permettra à Jane de flinguer Crochon et son comparse Silly.

Sans oublier non plus les blaireaux, qu’un inconnu observe la nuit, équipé d’un appareil de vision nocturne sur le crâne. Il faut préciser que le clan des blaireaux, dans une forêt sur le plateau de Millevaches, se trouve à proximité la base militaire de la Courtaude, dans laquelle les Américains ont une enclave bien à eux.

L’inconnu leur montra des plates-formes rondes et soigneusement délimitées, couvertes de crottes noirâtres mêlant poils et restes d’insectes.

- Ce sont leurs latrines, expliqua-t-il. Le blaireau est un animal très propre, il ne souille jamais son terrier. Là-dessous, ajouta-t-il en tapant du pied, il y a des galeries qui s’enfoncent profondément… on a affaire à un clan d’une douzaine d’individus.

Et les ânes ! Ah ! les ânes de Juju ! Christophe, un Amerloque en tenue de combat, à la poursuite de Dhiboun, va payer cher la grande claque qu’il donne sur la fesse d’une ânesse en demandant :

- Everything ok for you, honey ?

Le coup de pied de l’âne... ou du rififi chez les polardeux...

Or les ânes de Juju sont habitués à être traités poliment, ce sont des bêtes fières, volontiers affectueuses, mais qui ont une perception égalitaire des relations sentimentales. Ce qui explique que l’interpellée réagisse en donnant un sens très concret à l’expression “coup de pied de l’âne”.

Coup de pied de l’âne que Serge Quadruppani donne à Noël Simsolo et à Didier Daeninckx, en travestissant à peine les noms qu’il donne à deux de ses personnages, antipathiques et cons. C’est dans l’épilogue.

Retrouvée endormie, Jane n’a pas non plus fait l’objet de poursuite, la découverte au bord de l’Étang du Glock avec les empreintes de Pierre ayant opportunément confirmé l’hypothèse que ce dernier proposait de soutenir : c’était lui qui, après avoir dérobé l’arme qui appartenait à Jane, avait tué Silly et Crochon lancés sur ses traces. Ils s’appelaient en réalité Noël Lenainx et Didier Semsalo, mais ils étaient réellement membre de la SDAT, en plus de l’être du réseau Scorpion. Ils furent décorés de la Légion d’honneur à titre posthume.

Hé bien ! Ça défouraille dur ! Y a du rififi chez les polardeux ! Au point de se demander si ce polar n’a pas été écrit dans l’unique but de donner ce méchant coup de pied de l’âne. Dans le courant du mois de mai, Didier Daeninckx va sortir Artana ! Artana !

L’action se déroule à Courvilliers, un ancien fief communiste.

Le maire a été élu grâce au travail efficace des dealers et des islamistes qui ont labouré le terrain en distribuant menaces et récompenses… Ce nouveau roman de Didier Daeninckx est mené tambour battant. Son écriture efficace, directe, est mise au service d’un tableau accablant des territoires oubliés de la République. (Site Gallimard)

Affaire à suivre…

La querelle entre certains de ces écrivains ne date pas d’aujourd’hui. Pendant qu’ils se chamaillent, s’engueulent, se traitent de tous les noms d’oiseaux, de traitres à… de vendus à… le FN poursuit sa progression, l’islam radical aussi…

Résumons un peu : Tous les services plus ou moins secrets sont pilotés par les américains. La technologie ne sert qu’à pister, surveiller, tuer, ici et ailleurs… l’honnête citoyen.

Les gendarmes sont des benêts. Quant à certains militaires, On sait l’amour que porte notre légion étrangère aux caprins femelles mais les combattants de l’armée américaine ont, eux, toujours disposé de psys et de vidéos porno, ce n’est donc sûrement pas à ce type de penchant qu’on doit le geste que va avoir Christophe. Ce qui lui vaudra le coup de pied de l’âne raconté plus haut.

Si Lenainx-Daeninckx et Semsalo-Simsolo sont membres de Scorpion, ne peut-on pas envisager que Dhiboun-Quadruppani soit un agent vraiment retourné, converti peu ou prou à l’islam ?

Il importe d’aller y voir de plus près, dans le texte.

Qui est vraiment Pierre Dhiboun ? Qu’est-ce que Scorpion ?

Il est facile de répondre à cette dernière question. Le modèle du réseau Scorpion se trouve dans celui du réseau Stay Behind.

Plus question de rigoler avec des histoires de poules, de loups et autres blaireaux.

Le réseau Stay Behind a bien existé.

Le dossier qui suit est classé TRÈS SECRET DÉFENSE.

Il est en la possession de la général de gendarmerie Nathalie Dubien, qui le laisse lire à Claire. Claire a travaillé pour une ONG, elle est maintenant contractuelle et amante de la général. L’histoire finira mal pour elles, dans un bain moussant.

Pour mémoire, on rappellera que le réseau Stay Behind a été créé par l’OTAN en Europe occidentale au début des années 50 et qu’il a existé jusqu’au début des années 80 : il s’agissait officiellement d’une structure clandestine destinée à mener des actions de résistance en cas d’invasion de ces pays par l’URSS. En France, elle était basée dans notre camp de Cercottes, au contact du régiment du 11eChoc dans lequel notre service Action puisait les éléments nécessaires à ses opérations armées (et notamment les opérations Homo) Une note en bas de page précise  : “Homo” pour “homicides”. Meurtres commis par les services secrets et jamais reconnus. C’est en Italie, pays doté de nombreuses bases de l’OTAN et où le parti communiste était très puissant, que cette structure a connu son développement le plus important, sous le nom de Gladio.

[…]

En France, au moment de la guerre d’Algérie, certains membres de Stay Behind avaient participé à des tentatives d’attentat contre le général de Gaulle, mais c’est un phénomène qui est resté marginal.

[…]

Aujourd’hui, un certain nombre d’éléments donnent à penser qu’un réseau de ce genre, incluant des membres des services secrets de nombreux pays occidentaux, s’est constitué pour organiser la résistance au “péril islamique”. Le fait que ses initiateurs considèrent comme possible que l’Europe occidentale puisse tomber entre les mains de Daesh ou d’autres incarnations de l’Islam conquérant donne la mesure de leur paranoïa. Mais comme chacun le sait, depuis Hitler au moins les paranoïaques peuvent aussi être très dangereux.

Étrange formulation que celle de cette dernière phrase qui, rappelons-le, est une phrase d’un rapport fabriqué pour les besoins du roman. (Même si le réseau Stay Behind a bel et bien existé.)

Est-ce être paranoïaque après Charlie, après le Bataclan, après les terrasses de café, après la petite fille juive dans son école, après le prêtre égorgé dans son église, après l’attaque du super marché cacher, après celui de Trèbes, après l’assassinat de militaires ou de policiers, après l’attentat de ce weekend, à Paris… et après les centaines d’autres attentats dans le monde, est-ce être paranoïaque, (ou islamophobe), de se demander si, avec l’Islam, il n’y aurait pas un problème ?

Selon diverses sources considérées comme fiables, ce Stay Behind du XXIe siècle serait né en 2007 parmi des contractants de Blackwater, au moment où plusieurs enquêtes étaient en train de remettre en cause la position prédominante de cette société militaire privée dans l’administration des forces d’occupation américaine en Irak.

À ce moment du récit, et à la lecture de cette note d’information classée Très secret défense, on comprend pourquoi, dans le cours du déroulé de la traque de Dhiboun, on trouve des hommes dont le hasard d’un geste fait que l’on voit sur leur cou, le tatouage d’un scorpion.

[…]

Divers éléments que j’expose dans cette note portent à penser que Scorpion, loin de la folklorique amicale de vieux baroudeurs qu’elle passe pour être dans beaucoup de milieux du renseignement, est en réalité une structure clandestine infiltrée dans les services occidentaux, qui poursuit ses propres buts, indépendamment des politiques gouvernementales. Si tel est bien le cas, cela signifie que les vrais dirigeants de Scorpion utilisent désormais leurs tatoués comme des leurres.

Quant à Pierre Dhiboun, qui est-il vraiment ?

A-t-il été retourné par ceux qu’il a infiltré ?

C’est difficile de trouver une réponse dans le roman. Ou alors, chacun des lecteurs et des lectrices trouvera la sienne. Quelques pistes tout de même.

Dans une lettre écrite à Claire, il dit qu’il est comme tout le monde, une sorte de millefeuille.

Dans une autre, toujours écrite à Claire (l’amante de la général, ex employée par une ONG, recrutée par la gendarmerie parce qu’elle connait bien Dhiboun), il écrit :

Mes sœurs, soyez pour vos maris, frères, pères, fils, des bases arrière sûres, soyez pour eux de bonnes conseillères, qu’ils trouvent en vous repos et tranquillité. Ne leur rendez pas la tâche difficile, facilitez-leur les choses, soyez fortes et courageuses. Tout ce que vous faites, faites-le exclusivement pour le visage d’Allah et espérez sa récompense. Ne perdez pas votre temps et votre énergie dans des futilités et dans ce qui ne vous regarde pas.

Et patientez ! La patience est une grande vertu. Qu’Allah le Donateur nous accorde la patience. La vie du croyant est remplie d’embûches et d’épreuves, alors soyez patientes en espérant la récompense d’Allah, la vie est courte même si, dans les moments de tristesse, elle paraît longue. Par Allah ce qui nous attend après est le meilleur et le plus durable si Allah le veut.

Allah est grand. Je vais venir te chercher.

Pierre.”

L’épilogue dit que Pierre Dhiboun a totalement disparu. Sa kalachnikov est restée au bord de l’étang et, si on a pu la relier à un réseau de trafic d’armes utilisé par les hommes d’Ijider, on n'a pu en tirer rien d’autre, malgré les investigations poussées du laboratoire national de la police scientifique. La cabane à outils où il dormait a fait l’objet de plusieurs perquisitions et on a fini par la démonter entièrement, avec l’autorisation de Jane, pour tenter d’y recueillir des éléments permettant de reconstituer la vie de cet officier déserteur, durant les presque deux ans de sa présence à Ayguière sous une fausse identité italienne. Hormis quelques ouvrages de littérature classique en édition de poche, une moto achetée d’occasion sur Internet, des lunettes de vision nocturnes et deux couvertures, cet homme apparemment ne possédait rien.

Game over.

Si, dans ce roman, Didier Daeninckx et Noël Simsolo, sont membres de la SDAT, (ce qui pour Serge Quadruppani est infâmant) et du réseau Scorpion, j’aime mieux penser que Serge Quadruppani se retrouve plus dans Christian Maynandier (amateur de poules de luxe… les gallinacées), capable de mobiliser une armée de choucas, que dans Pierre Dhiboun, peut-être converti à l’islam et aux pratiques des djihadistes, coupeurs de têtes, violeurs... Game over.

 

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