Les Chercheurs d’air cultivent l’intime et la liberté

La compagnie de Dominique Lemaître et Dominique Comby a célébré ses trente ans ce week-end à Lavans-les-Saint Claude. Avec des invités venus pour le plaisir d'être là et partager avec un public d'amis...

cha

Après une nuit de cogitation, il y a tout juste trente ans, les Dom, Dominique Comby et Dominique Lemaître, ont enfin trouvé comment s'appeler : les Chercheurs d'air... « C'était important que ce ne soit ni théâtre ni cirque, on aimait bien l'idée de compagnie, le jeu de mots avec chercheurs d'or et l'ambiance poétique... », dit Dominique Comby, le garçon du duo. Aujourd'hui, Chercheurs d'air, ça va aussi « avec l'actualité », sourit-il. Pourquoi ? « Il y a beaucoup de gens qui étouffent... » De quoi ? « De la pollution, dans la vie... » La vie sociale ? « Oui ».

C'est donc ça. Les Chercheurs d'air veulent réenchanter le monde. Pour leurs trente ans, ils ont invité des troupes et des artistes amis, même de la famille. Leur fils, Théo joue le rôle titre du Baron de Munnchausen, une reprise avec des comparses d'un cours de théâtre d'Agen. Leur version fraîche et joyeuse, un peu techno, se taille un beau succès. Théo a de l'étoffe, il va intégrer la Comédie française comme « élève comédien ». Chapeau.

Fascinante ambiance entre Kafka et Bougrain-Dubourg

Oui, chapeau ! Car la fête est gratuite et les invités sont venus sans cachet. Alors on retrouve l'ancienne technique du chapeau pour récupérer de quoi défrayer les artistes, tous professionnels. Il y a des jeunes, prometteurs comme la Jurassienne travaillant à Besançon Laurie Cannac, de la compagnie Graine de vie. Elle montre une ébauche de travail à base de marionnette. Elle installe une étonnante et fascinante ambiance entre Kafka et Bougrain-Dubourg : une histoire de métamorphose d'une grand-mère ramenant un fagot trois fois plus lourd qu'elle et dansant la danse de Saint Guy pour retourner en enfance avec une mère oiseau ! Un bébé d'à peine un an, parmi les spectateurs, était hilare et subjugué. Nous aussi. La sortie du spectacle, dans un an, méritera l'attention.

« On a créé beaucoup de spectacles dont quinze significatifs », explique Dominique Comby. « On a pris l'option d'avoir un répertoire tout en continuant la création. Le répertoire permet d'avoir des offres pour des contextes différents. La création, on en fait depuis toujours... On a notre bureau à Lavans-les-Saint Claude où nous avons un accès à la salle des fêtes pour les répétitions et où nous stockons nos décors... »

Trente ans, c'est pour les Chercheurs d'air, non le temps de la métamorphose, mais celui d'une lente mutation, d'une maturation. L'aérien du trapèze a pris de l'âge et « le clown a pris de la bouteille ». Le clown, « ce qu'il y a de plus intime entre l'acteur et ce qu'il joue ». Le temps a apporté « un peu plus de liberté... » Dominique Lemaître devait justement montrer dimanche les premières bribes d'un solo de clown « pour le tester, le nourrir » des réactions du public.

« Le statut des artistes est plus contraignant »

Il n'a finalement pas tant changé que ça, ce public : « Ce qui a changé, c'est le contexte et les conditions dans lesquelles on le rencontre », dit Dom Comby, « il y a trente ans, on était douze compagnies de théâtre professionnel en Franche-Comté. Maintenant, on est une centaine... C'est devenu plus compliqué pour les demandes de production et les aspects administratifs, le statut des artistes est plus contraignant ».

Les trente ans, c'est aussi une occasion pour des moments uniques, sans enjeu comme dans un festival où il faut convaincre des directeurs de théâtre d'acheter un spectacle. Là, on se fait plaisir sans arrière pensée. Les Chercheurs d'air se sont unis aux Pêcheurs de rêve pour proposer un désopilant numéro de voltige intellectuelle autour du voyage, avec des valises, des casquettes de commandants de bord, des calots d'hôtesses de l'air, des mélanges de langues et des symboles hésitant entre l'attentat à l'échafaudage de bagages et le kidnapping de la voyageuse inconnue.

Bienveillance, virtuosité, humour...

Kacem Mesbahi esbaudit les enfants en racontant son Champ des Djinns, ces créatures merveilleuses du monde arabe qui l'aident secrètement à ramasser son bois ou cultiver son blé. On est aux confins du conte et de la légende, de la peur et de l'enchantement.

On est dans l'amusant coupage de cheveux en quatre avec les messages codés sur grandes cartes de cet autre saltimbanque solitaire. Sur l'une, la lettre C est verte... Il faut lire « sévère ». Quand au gros G sous un « un », il faut comprendre qu'il parle d'un « insurgé », héhé. Et « A = K » signifie qu'il est question d'un avocat (A vaut K, haha !). Tout ça conduit à des petites histoires construites à partir de devinettes qui rendent le public aussi bienveillant qu'écroulé de rire.

Écroulé, il l'est aussi avec les 3 Tess, un trio de chanteurs vocaux reconstitué après dix ans d'inactivité. A partir de comptines pour enfants, les trois compères se lancent dans des numéros où la virtuosité se combine à l'humour. Comme quoi, le répertoire classique réserve de belles surprises pour peu qu'on le prenne par le bon bout.

Le musicien bisontin Bertrand Boss est dans ce public d'amis où beaucoup sont venus apporter un coup de main pour tenir le bar ou guider les spectateurs. Pour lui, les Chercheurs d'air sont « uniques ». Alain Piot, venu en voisin du Grandvaux, trouve qu'ils « ont du souffle ». Nanou, qui les héberge quand ils jouent au festival des arts de la rue de Châlon-sur-Saône, les « adore ». Elle est venue tenir un moment la boutique où l'on transforme les euros en boutons jaunes ou rouges pour boire un coup ou manger un sandwich. Avec eux, « ça a été une affaire d'amour tout de suite, ce sont de vrais humains. Ce qu'ils jouent est percutant, fait réfléchir et beaucoup rire ».

Bel hommage !

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !