Le FRAC sera-t-il la « locomotive » attendue ?

Inaugurée ce vendredi 5 avril par Aurélie Filipetti, la Cité des Arts de Besançon a été décidée par Raymond Forni qui « voulait un pôle culturel incontournable », dit la directrice du Fonds régional d'art contemporain Sylvie Zavatta. Déjà ouvert, le conservatoire ravit déjà ses utilisateurs pour l'espace et les bonnes conditions de travail.

Cités des Arts, FRAC Franche-Comté

« C'est un formidable outil pour Besançon, une oeuvre architecturale majeure », s'enthousiasme le plasticien Julien Cadoret, chargé de l'action culturelle de l'ISBA de Besançon, l'école des beaux arts.  « C'est une locomotive pour toutes les autres structures, mais elle ne devra pas oublier ses wagons », dit Corrine Lapp, la directrice du centre d'art le Pavé dans la mare. « C'est important, ça va dynamiser le quartier, et on aura enfin l'impression que Besançon est la capitale », réagit Jean Greset, qui tient la plus exigeante galerie d'art contemporain de la ville à « 100 mètres du FRAC ». « On est complémentaire », résume Sylvie Zavatta, la directrice du Fonds régional d'art contemporain inauguré ce vendredi 5 avril à 15 heures par la ministre de la Culture Aurélie Filipetti. Elle fera d'une pierre deux coups puisqu'elle inaugure en fait la Cité des Arts qui abrite aussi depuis quelques mois le Conservatoire à rayonnement régional.

Les pixels sont partout ! Ils ont donné leur nom au café de la Cité des Arts : Le Pixel. Ils sont aussi sur les vitres : des petits rectangles blancs horizontaux pour le FRAC, verticaux pour le conservatoire. Leur orientation rappelle celle des panneaux de bois... Quoi de plus contemporain que les pixels ! Enfin, pour l'instant...

Ces deux structures sous le même toit végétalisé avec des bacs de sedum changeant de couleur avec les saisons, ne laissent pas indifférent. Chef de projet au cabinet de l'architecte Kengo Kuma, Sarah Merkert explique les deux systèmes qui constituent ce toit aux poutres en épicéa lamellé-collé : au dessus du parvis du passage des Arts, il laisse passer la lumière ; au dessus des bâtiments , il répond à d'exigeantes normes acoustiques et thermiques. Doté de panneaux photovoltaïques, il participe à la labélisation BBC... Le choix du mélèze, imputrescible, pour les panneaux de bois qui sont une partie de la signature architecturale, fait grimacer une journaliste parisienne : « ça devient gris ». Ça ne rend pas les chalets suisses tristes pour autant... D'autres confrères s'émeuvent de l'origine scandinave du bois dans la région la plus boisée de France : « j'espère que ça va les secouer ». L'événement architectural a fatalement quelques retombées symboliques écornant l'état de la filière, et peut-être la rédaction de l'appel d'offres... Quoiqu'il en soit, rappelle Sylvie Zavatta, « Raymond Forni voulait un pôle culturel bien identifiable ». On ne peut lui donner tort. 

546 oeuvres de 283 artistes

Car l'ouverture de la Cité des Arts est avant tout un événement culturel majeur. Créé en 1985 mais d'abord implanté à Dole en raison du refus du maire de l'époque, Robert Schwint, de participer au financement, le FRAC est revenu à Besançon en 2005 mais ne disposait pas de ses propres locaux d'exposition  et d'accueil du public. Il a quand même organisé 164 expositions, en Franche-Comté et ailleurs, afin de montrer sa collection de 546 oeuvres réalisées par 283 artistes. Aujourd'hui, la place ne devrait plus manquer. Autour d'une vaste salle de 500 m2, trois salles de 100 m2 peuvent accueillir oeuvres et installations. Deux salles démontables, plutôt des cabines translucides aux parois de verre fumé, peuvent accueillir quelques spectateurs pour des vidéos grand format afin qu'elles « ne soient pas en décalage avec le reste des oeuvres », explique Sylvie Zavatta au milieu des derniers préparatifs.
Surplombant le vaste hall d'entrée où le robot Float de Robert Breer évolue imperceptiblement comme un aspirateur sans pilote pour introduire l'exposition Des Mondes possibles jusqu'au 25 août 2013, une quatrième salle renvoie au(x) siècle(s) dernier(s) avec un tourne-disque jouant du classique... On est bel et bien, avec cette première exposition qui va de salle en salle, dans la problématique du temps, thème fondateur de la Cité des Arts. Une seconde exposition inaugurale, test pattern [n°4] jusqu'au 15 septembre 2013 de l'artiste et compositeur Ryoji Ikeda, interroge « les liens entre sonorités, espace, temps et mathématiques » tout en invitant à « faire l'expérience d'une immersion dans l'image, la lumière et un son électronique minimal », analyse Sylvie Zavatta. Entre le code barre et l'effet stroboscopique, cette oeuvre donne lieu à un concert unique, test pattern [livre set], samedi à La Rodia. 

L'insertion des anciens élèves des beaux arts

Car le FRAC dans ses murs, espérons le, ne va pas y rester cloîtré. Il accueille aussi des ateliers pédagogiques pour les scolaires, deux appartements et un atelier pour des résidences d'artistes, un centre documentaire partagé avec le conservatoire, mais il a prévu de continuer à faire circuler ses collections à Belfort, Montbéliard, Dole et Lons-le-Saunier. Besançon n'est pas en reste. L'ISBA accueille ainsi une exposition tous les deux ans et Julien Cadoret se réjouit de ce qui l'attend avec l'ouverture de la Cité des arts : « pour nous qui travaillons à l'insertion de nos anciens élèves, ça ouvre de nouvelles perspectives. Et quand le FRAC met en place une thématique d'exposition, d'autres lieux peuvent y répondre en invitant des artistes travaillant sur le même thème ». Cette perspective est moins évidente pour Jean Greset : « On essaie d'avoir un choix plus large, on n'est pas une succursale du FRAC, mais sur un autre registre. Quand on défend des artistes, on essaie de montrer des pièces possibles pour un intérieur. On est dans un rapport plus proche avec le public, dans un mouvement qui a déjà une trentaine d'années ». Bref, des oeuvres plus accessibles et plus classiques. Avec le FRAC, un partage des rôles s'effectuera forcément : « un musée ou un centre d'art n'est pas contraint au rendement, il propose davantage de contemporain avec plus de risques en présentant des choses plus actuelles. On verra si le public est là, il faut expliquer correctement ! ».
Le Pavé dans la mare a déjà travaillé avec le FRAC. Il a même coproduit avec lui une série d'affiches de Rodolphe Huguet visibles à partir de jeudi 4 avril à la gare TGV d'Auxon et au FRAC. Reste que le Pavé craint le « désinvestissement » de la Direction régionale des affaires culturelles sur l'art contemporain. « Artiste, c'est un métier plus qu'un état... » Pour se serrer les coudes, les lieux et les artistes travaillent d'ailleurs en réseau, ne serait-ce pour être visibles...  
Que dira Aurélie Filipetti ? Elle est attendue sur ce point, mais aussi sur le rôle de l'art et de la culture dans la société. « On se posait déjà les mêmes questions avec Monnet qui faisait de l'art contemporain à son époque et était rejeté des salons », explique Corrine Lapp. « On ne peut pas définir sans recul ce qui va rester de l'art contemporain parce que c'est aussi une expérimentation. Ce n'est pas facile d'accéder à Boulez sans être passé par la musique classique. Si des artistes présentent des formes, c'est qu'ils s'inscrivent dans une évolution... » Doivent-ils avoir un regard critique ? « Les modes de représentation dépendent de la société dans laquelle on vit... » Jean Greset, pour sa part espère « un public formé plus tôt ». Quelle est la différence entre un acte artistique et un acte ordinaire ? « C'est la dimension critique qui préside à tout », estime Julien Cadoret pour qui « l'artiste est créateur de lien social. Et la culture un des moyens de faire passer la crise, de sortir du marasme... »    

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !