L’Art dans la cité : à l’aube, la Culture s’élève…

102 théâtres et lieux d’art sont occupés aujourd’hui sur le territoire national. La lutte s’intensifie de jour en jour dans les lieux de diffusion culturelle. A ceci s’ajoutent des performances à l’instar de « La Conjuration des jardins 2 », déployée dans les rues de Besançon le 3 avril, juste au lever du soleil.

La marche funèbre du collectif "La conjuration des jardins". Photo : Antoine Mermet

Le CDN à Besançon et le Théâtre de Lons-le-Saunier sont les deux lieux culturels occupés en Franche-Comté. Une action coordonnée s’est mise en place récemment avec les théâtres occupés de Dijon, Chalon/Saône et Mâcon. Les artistes de théâtre, musiciens, auteurs, techniciens et tous les salariés de la Culture demandent « la réouverture des lieux culturels avec application des protocoles sanitaires validés en décembre 2020, une prolongation de l’année blanche pour les intermittents du spectacle et son élargissement à tous les travailleurs précaires, l’abrogation de la réforme d’assurance chômage, la garantie des congés maternité pour les salarié. es à l’emploi discontinu, la garantie des droits sociaux pour tous les travailleurs précaires, la garantie d’un soutien financier massif au secteur culturel… »

Le 3 avril, le collectif « La Conjuration des jardins » organisait à Besançon, une marche funèbre intitulée A l’aube. Il ne s’agissait pas seulement d’évoquer l’anéantissement du secteur culturel par la pandémie, mais d’opposer une forte résistance aux menaces gouvernementales aggravant la précarité des acteurs culturels.

Dans la forme, il s’agit aussi, me semble-t-il, de lancer un nouveau défi aux formes théâtrales malmenées par la COVID. De profiter de cet arrêt des spectacles pour remettre en question cet art figé par des siècles de fréquentation des théâtres. Même si les expériences de théâtre de la rue sont expérimentées depuis longtemps, le théâtre existe surtout dans sa forme classique avec d’un côté les spectateurs bien assis sur leur siège et de l’autre le spectacle, chacun retournant ensuite à sa vie. Le moment est peut-être venu dans ce qu’on appelle pudiquement « le monde d’après », d’inventer d’autres formes théâtrales où le spectateur quitterait son siège pour s’approprier l’art dans l’espace public. Le collectif « Conjuration des jardins » ne suggère-t-il pas cet autre monde où le spectacle ne serait plus considéré comme une simple parenthèse de la vie avant un retour au quotidien ?Aussi, symboliquement, le 3 avril, le collectif d’artistes reprenait à son compte les mots de Rimbaud : « Et à l’aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes ». Un message fort. 

Un vent de liberté

Déjà, la première performance « La Conjuration des jardins » à laquelle nous avons participé, portait en elle le désir de faire exploser le rituel théâtral et de créer une étrangeté poétique au cœur de la cité. 

Pour mémoire, l’idée d’attirer le public dans la rue et de modifier les règles du spectacle était déjà là, souvenons-nous, à Montbéliard lors des grands soirs du Nouvel An où toute la ville sortait de sa torpeur pour participer au « Réveillon des boulons » organisé par les Bains Douches. Et bien avant, dans les années 70, « 1789 » d’Ariane Mnouchkine fut présenté à trois reprises à Besançon au Palais des Sports grâce aux ventes militantes de tickets devant les usines. Les acteurs quittaient la scène centrale pour se mélanger à la foule. Et des milliers d’ouvriers avaient alors découvert une forme de théâtre accessible à tous. 

La culture ESSENTIELLE permet à chacun de sortir des chemins balisés du quotidien : celles et ceux qui la font nous ouvrent la porte de jardins inconnus où pousseront des imaginaires nouveaux sur le terreau de leur lutte. Que serions-nous sans la possibilité de penser le monde à travers les arts : théâtre, cinéma, lectures et autres chemins possibles de notre émancipation ? De plus, la Culture crée du lien social. Elle est un lieu de fraternité au sens large : au-delà des revendications rendues publiques par celles et ceux qui bénéficient du régime de l’intermittence, c’est aussi une lutte de tous les précaires, toutes les victimes de la crise sanitaire et économique ; ceux qui vivent de contrats courts, les chômeurs, les étudiants… 

Un vent de liberté et de résistance souffle sur l’art. Sur les places publiques, dans les gares, la chanson « Danser encore » de HK & les Saltimbanks devient le chant d’espoir, le motif douceur des rassemblements. La chanson la plus fredonnée et la plus chantée du printemps. La plus dansée aussi. Une voix s’élève joyeuse et solidaire. Puisse-t-elle faire naître après cette lourde crise sanitaire une réflexion sur la place de l’art dans la cité.


Retrouvez la série complète du photographe Antoine Mermet sur l'Acte 2 : La conjuration des jardins ici sur le site de Hans Lucas.

Il est aussi l'auteur d'un portfolio sonore sur l'action de la CIP Franche-Comté le 10 avril au parc Micaud à Besançon, la première coordonnée avec tous les autres lieux occupés de Bourgogne Franche-Comté. A visionner ci-dessous et sur la page Images Sociales Sonores.

La CIP en musique au parc Micaud - ISS N°1 from Images Sociales Sonores on Vimeo.

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