La vigne dans les étoiles…

« Arômes d’étoile » fait suite à « Le Fils des étoiles » : deux très beaux romans de Michel Clerc qui ont pour cadre les vignes du Jura. Celles du Père qui lui ont été léguées par son père, qui lui-même les tenait de son père … Deux romans sur la nature, les vignes, la transmission, le savoir faire et le savoir être, les passions humaines. Deux grands crus de la littérature dite de terroir, avec tout ce que cette appellation a de noble.

michelclerc

Pierre, le Père, avait une vigne, vieille de plus de cent ans. Pour la planter, Jean, l’Ancêtre, son bisaïeul, avait choisi une haute terre, perchée sur le toit des collines.

L’accès y était difficile. Depuis que les chevaux ne travaillaient plus, on ne pouvait y monter qu’à pied. Par son fort dénivelé, elle se refusait, de surcroît, aux tracteurs. 

Arômes d’étoile fait suite à Le fils des étoiles. Même auteur, même éditeur. Deux très beaux romans qui ont pour cadre les vignes du Jura. Celles du Père qui lui ont été léguées par son père, qui lui-même les tenait de son père … Deux très beaux romans sur la nature, les vignes, la transmission d’un patrimoine, d’un savoir faire et d’un savoir être, mais aussi deux romans sur les passions humaines avec leurs grandeurs et leurs petitesses. Deux grands crus de la littérature dite de terroir, avec tout ce que cette appellation a de noble.

Dans Arôme d’étoile, le lecteur retrouve les personnages aux fortes et belles personnalités découverts dans Le fils des étoiles. Intimement liés entre eux par les liens du sang, ceux de la terre, ceux de la vigne, ceux des drames et des bonheurs, ils avancent vers leur destin, au rythme des saisons, au rythme des récoltes d’un vin généreux.

Les hommes et la nature ne font qu’un. L’histoire des uns est liée à celle de l’autre.

Arômes d’étoile, de Michel Clerc, Éditions Mon Village

Il y a le Père. Il a voulu que le Fils soit ingénieur. Un peu par égoïsme parce qu’il voulait rester maître chez lui. Mais le Fils, licencié de l’entreprise dans laquelle il travaillait est revenu. Avec Élise. Une femme meurtrie, en instance de divorce et atteinte d’un cancer. Elle a du mal à s’adapter, elle refuse même de s’adapter à cette vie à l’opposée de celle qu’elle a connue, avant de rencontrer Émile, le Fils. Et le Père et la Mère, eux, ont du mal à accepter cette étrangère à leur monde.

Mais, portés par un savoir qu’ils ont hérité de leurs ancêtres, qu’ils ont acquis par leur travail, qu’ils ont renforcé au contact de la terre, de la vigne et de l’observation des animaux, ils vont patiemment travailler à redonner de l’équilibre et du sens à leur vie, à celle de leur fils, à celle de la compagne de leur fils.

Le récit est porté par une belle langue, par une superbe écriture qui fait appel à tous les sens. Une écriture sensuelle, dont l’érotisme n’est pas absent. Il traverse même tout le récit. Amour de la terre, amour de la vigne, amour de la chair.

Le Père ressentit, soudain, le puissant désir. Il se rapprocha d’elle. Elle n’en fut pas surprise. Puis, naturellement, il la recouvrit en se voulant léger. Elle avait déjà remonté sa chemise de nuit jusqu’à découvrir ses seins. Son souffle ! Déjà court !

Il vint en elle, en de tendres poussées, cependant que des hanches, elle paraissait s’élargir. Elle le serra fort sur elle pour qu’il pesât davantage. Très vite, contre l’oreille de son homme, elle expira d’une belle jouissance tandis qu’il se répandait.

Une écriture qui réveille l’ouïe, quand il s’agit d’écouter le chant des oiseaux.

L’alouette s’était envolée au piquet.

Les deux hommes ne parlaient plus mais ils avaient chacun leur alouette en tête…

Ils l’aimaient cet oiseau du printemps plus que le coucou trop vagabond ou que le fantomatique rossignol.

Ils l’aimaient parce qu’en même temps qu’ils l’entendaient faire ses interminables gammes, eux, les hommes, respiraient de nouveau le parfum de l’ail sauvage, …

Enfin, ils l’aimaient, cet oiseau de terre, couleur du calcaire des Etoiles de vigne car il appartenait également au ciel.

Une écriture qui émerveille le regard.

La Mère, dans un effort magnifique pour convaincre Élise de manger les légumes qui, croit-elle, conduiront la jeune femme sur le chemin de la guérison, s’efforce de déjà présenter le fruit de son travail au jardin, en composition artistique.

Cette première composition légumière ne fut pas facile à réaliser.

Elle plaçait un légume, le déplaçait, se reculait pour prendre du champ, le remettait à sa première place, n’était pas satisfaite, posait d’autres légumes sur le devant du panier. …

La Mère se recula de deux pas, buta sur la table, se fit mal aux fesses, trouva que c’était beau.

De la lumière filtrée par les petits carreaux de la fenêtre, elle s’en était faite une alliée. Elle donnait du vermillon aux fraises, habillait d’un beige brillant les pommes de terre, diluait le rose tendre des carottes.

Une écriture qui flatte les papilles. Un superbe passage dans la cave du Père. Il s’agit de faire déguster le vin à des touristes allemands. Il s’agit surtout, pour le Père, de transmettre son savoir et son amour du métier de vigneron, à Elise. De lui donner les moyens et la possibilité d’entrer vraiment dans la famille.

Puis après que la gorgée fut descendue dans le gosier, il parla d’un ton étonné. Elise traduisit :
- Oui, il a retrouvé la noix et dit-il, le curry ! Mais… ?
- Très bien ! répondit le Père un peu trop vite. Mais… ?
- Il s’étonne que les arômes restent nichés dans son arrière-gorge. D’autres remontent par le nez. Il remarque aussi que tous ces parfums persistent et deviennent son haleine, sa propre haleine …

Une écriture qui porte à manger de la terre.

- Tu as bien retenu la leçon. Quand j’avais quinze ans, le grand-père Adrien m’avait conduit, déjà, à cet endroit et m’avait dit : « Si tu as envie que la terre te donne ce que tu lui demandes, il faut l’aimer au point de la manger. » Il a pris un fragment de marne, l’a mangé, puis m’en a donné un morceau que j’ai recraché par dégoût. Mais à l’âge de vingt ans, je suis revenu sur le même lieu.

Il brisa la marne en deux parts égales puis il en donna une à Emile en disant :
- Je t’en prie. Fais comme moi.

Il mit la terre sur sa langue, la suça puis l’avala.

Deux roman qui se dégustent, qui se savourent, qui font autant de bien à l’âme, au cœur et aux amoureux de la belle langue, que les légumes de la Mère et que le vin du Père en feront à Elise.

 

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