La photographie engagée à Bienne

Les Journées photographiques de Bienne explorent depuis 19 ans les tendances de la jeune photographie suisse et internationale. Il s’agit pour cette nouvelle édition de montrer comment le territoire ou le monde change, et, comment l’homme s’adapte ou non à ces nouvelles conditions de vie.

glacier

La photo dans la ville

Ainsi jusqu’au 20 septembre, une vingtaine de photographes sélectionnés questionnent le futur de nos sociétés contemporaines à l’instar des transformations radicales du paysage en faveur de l’exploitation minière, des conséquences du néocolonialisme et des relations de pouvoir Nord-Sud, des changements climatiques… Des expos au centre Pasqu’Art et dans quelques galeries de la vieille ville incitent le visiteur à découvrir les oeuvres dans des lieux patrimoniaux et cette année dans un parking situé au-dessus de la ville de Bienne.

Majoritairement exposées au centre ville, photos ou vidéos décryptent le monde du Japon aux Etats-Unis en passant par l’Ukraine et le Lesotho sans oublier la Suisse. Au cours de cette visite, on découvre comment certains habitants se sont installés illégalement sur le toits des immeubles de Hong Kong : face au boom économique, la pauvreté croissante a généré ce nouvel habitat et ceux qui y vivent doivent justifier de sept ans de vie sur les toits avant d’obtenir une habitation à l’extérieur des villes. Pierre Montavon le photographe a cherché comment entrer en contact avec les populations nichées au-dessus des immeubles. En montrant cet aspect paradoxal de Hong Kong, le photographe révèle l’envers du décor.

Un monde en mutation

Informations pratiques sur les Journées photographiques de Bienne ici.

Autre regard pertinent, celui de la suissesse Sabrina Grühne dont le travail explore un  territoire ayant servi à l’extraction minière aujourd’hui transformé en Zone de loisirs dans l’ex Allemagne de l’Est. Evolution du paysage également pour Anna Katharina Scheidegger qui a posé sa caméra sur et autour du glacier d’Aletsch ; en 1674, le glacier suisse atteignait sa taille maximale menaçant le village de Fiesch ; en contrebas les villageois ont organisé tous les 31 juillet une procession religieuse visant a contenir l’expansion du glacier. En 2009, devant l’accélération de la fonte des glaces causée par le réchauffement climatique, le conseil paroissial du village demanda officiellement au Vatican de pouvoir changer le sens traditionnel de la prière. Le nouvel objectif est aujourd’hui d’interrompre la fonte du glacier car le plus important fleuve de glace de l’Europe subit chaque jour des transformations et serait menacé de disparition à l’aune de 2050.

Anecdotes fables et récits suisses liés au glacier, image de la vallée et de ses habitants, entretiens avec des spécialistes constituent le film « Les âmes retrouvées » présenté dans l’exposition. L’approche de la vidéaste relève le côté insolite des croyances confronté au regard des experts. Avec ce travail, Anna Katharina Scheidegger reprend le travail d’une précédente série de photographie intitulée « Wrapped Coldness » où elle montrait des glaciers couverts de bâches en plastique blanc, dans l’espoir de ralentir la fonte ; illustration démesurée et incongru d’une lutte terrible contre le réchauffement climatique.

Des photographes engagés

Dans le rapport au paysage, « la diagonale aride » une série de photo de Baptiste Schmitt, photographe français explore ce que l’on appelle péjorativement la diagonale du vide, la large bande du territoire français allant de la Meuse aux Landes où les densités de population sont très faibles par rapport au reste de la France.

Que sous-entend le mot adaptation comme thème d’exposition ? Est-ce la faculté d’adaptation de l’homme au regard de l’évolution de nos sociétés contemporaines ? A la vision des œuvres présentées, il s’agit d’un regard souvent décalé sur cette adaptation ; dans la plupart des photos le regard des différents photographes montre la distance entre ce que le monde devrait être et ce qu’il est, que son évolution soit naturelle ou non. Les trous des obus des photos de Henning Rogge dans de superbes paysages allemands rappellent à notre mémoire la dévastation de la guerre. En arpentant le Nevada, l’œuvre de Lucas Foglia photographie à son tour comment les compagnies minières creusent des trous énormes là où s’élevaient des montagnes et les cicatrices laissées dans le paysage.

Signes du temps, la plupart des photos présentées cette année témoignent de la démarche engagée des jeunes photographes et de leur volonté de montrer comment le monde change souvent au détriment de l’humain. C’est en cela que le Festival de Bienne avec ses choix exigeants questionne le passé, le vivant, le futur à travers une grande diversité de talents. Et les images se répondent ou s’opposent à l’instar des travaux sur la ruralité ou les villes tentaculaires, sur la richesse et la pauvreté, sur la mémoire et l’oubli. Les expos successives redessinent notre territoire aujourd’hui avec en amorce la question de l’évolution du monde.

 

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