« Je mettrai en place un « GIEC » sur l’ensemble des projets de la ville »

Avec 31,2 % des voix, Anne Vignot est arrivée en tête du premier tour à Besançon avec une liste regroupant les écologistes et une partie de la gauche. Engagée dans une triangulaire face à Ludovic Fagaut, LR, et Éric Alauzet, LREM, elle fait figure de favorite. Dans cet entretien, Anne Vignot revient sur les politiques qu'elle souhaiterait mettre en place à Besançon si elle est élue le soir du 28 juin et indique sa volonté de mettre en place un collège de scientifiques et d’experts pour évaluer l'impact environnemental des politiques de la ville, "pas que sur les Vaîtes".

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Vous étiez adjointe à l’environnement et aux espaces verts au sein de la majorité sortante, en quoi votre élection pourrait-elle constituer un tournant écologique pour Besançon ?

Anne Vignot — Même si on a été très investis depuis 2001 à Besançon, l’écologie restait malgré tout en périphérie, ou cantonnée sur des points particuliers. L’objectif, c’est que l’écologie, qui est un modèle de société, soit désormais au cœur de toutes les politiques de la ville. C’est la part que l’on veut apporter à cette transformation forte et urgente qu’il reste à mettre en œuvre.

Quel regard plus global portez-vous sur ce second tour ?

Il y avait une urgence : que les élections arrivent le plus rapidement possible. Vu la situation dans laquelle on est, il fallait que les collectivités se mettent très vite en capacité de mener des projets forts et des investissements. Au niveau national, ce qui interroge, c’est certaines alliances qui montrent une résistance au changement. On voit des alliances incroyables contre des projets d’écologie [dans plusieurs villes, des listes La République en marche ont passé des accords avec Les Républicains] alors que les chiffres montrent quand même une volonté d’une partie de la population d’aller vers des écologistes. Il faut vraiment que les autres partis se trouvent en danger pour qu’ils fassent ces alliances tout à fait étonnantes et contradictoires.

Vous vous présentez comme la liste de l’union de la gauche et des écologistes, mais pourquoi n’avez-vous pas réussi à conclure d’alliance avec la liste Besançon verte et solidaire soutenue par la France insoumise, qui a réalisé un score de 8,3 % au premier tour ?

 

J’avais nettement déclaré que ma porte était ouverte et nous avons reçu cinq membres de la France insoumise le soir des résultats. Ils nous ont clairement indiqué la méthode dans laquelle ils voulaient se trouver. S’ils rentraient sur notre liste, ils ne souhaitaient pas avoir l’obligation de voter le budget. L’autre élément, c’est qu’ils ne souhaitaient pas avoir de délégations [le maire peut déléguer à des adjoints ou conseillers municipaux certaines de ses fonctions]. Refuser des délégations, c’est refuser de prendre ses responsabilités. Et sachant que le programme proposé au premier tour a été coconstruit avec cinq groupes différents [EELV-PS-PCF-Génération.s et l’association À gauche citoyens !] et que plus de 50 % de la liste est constitué par des citoyens en dehors de tout système de parti, il n’était absolument pas pensable d’avoir des difficultés à chaque pas pour aller au bout de notre programme ambitieux. Nous, on a fait le rassemblement au premier tour. Nos alliances et nos divergences sont d’une grande clarté.

L’une des divergences majeures concerne l’urbanisation des Vaîtes. La FI, tout comme la droite d’ailleurs, s’y oppose alors que vous êtes favorable à un projet d’écoquartier au nom de la lutte contre l’étalement urbain. Le 17 juin, ANV-COP21 et Extinction Rebellion ont mené une action pour occuper ces terres historiquement maraîchères au cœur de la ville…

Les Vaîtes ont toujours eu un intérêt particulier. C’est évidemment la zone humide qui s’y trouve et ce contact avec le milieu forestier. Mais les jardins sont quand même très anthropisés. Je comprends que la France insoumise l’ait utilisé comme un étendard, mais je suis géographe. Je raisonne en termes de territoire. J’ai besoin de savoir quelle est la balance entre des personnes qui vont continuer à aller habiter en périphérie et celles qui vont habiter en centre-ville le long d’un tram. Je mettrai en place un « Giec », c’est-à-dire un groupement de scientifiques et d’experts, sur l’ensemble des projets de la ville, pas que sur les Vaîtes. Parce que je souhaite qu’il y ait un rapport aux données scientifiques. Ça serait quand même aberrant que l’on prenne des décisions justes parce que l’on aime bien avoir des jardins autour de soi. Je le respecte, mais je ne peux pas utiliser ça comme étant un argument de défense pour la biodiversité. Je prends le risque de me ramasser des coups, mais j’assume. Et j’ai même la prétention de dire que je sais d’où je viens et de quoi je parle en termes de biodiversité. Par contre, je suis d’accord pour que le dossier soit remis à plat. Parce qu’il y a effectivement des choses qui n’ont pas été évaluées.

Quelles sont les marges de manœuvre dont dispose une ville de la taille de Besançon pour initier une transition écologique ?

Ce qui est fondamental, c’est que l’on ait chacun notre part et qu’on la joue pleinement. Les collectivités ont un pouvoir important en « écoconditionnalisant » les financements aux entreprises par le biais des marchés publics [Autrement dit en posant des critères environnementaux lors des commandes et appels d’offres publics]. Ce que je voudrais aussi, c’est travailler avec le préfet sur la question du doublement de la RN57 censé éliminer les embouteillages aux heures de pointe. Là c’est une commune qui dit à l’État : vous voulez m’entrainer là-dedans, je refuse. On voit qu’il y a encore des leviers importants, c’est une question de vision politique. On peut proposer un « bureau des temps » [Il s’agirait d’un service chargé d’optimiser les temps de déplacements et de trouver une organisation pour limiter les heures de pointe], en particulier avec la désynchronisation d’entrée des personnes au travail, des pistes cyclables, un transport en commun qui va plus loin avec des parkings relais plus loin. Et vos bouchons se dissolvent.

À quoi ressemblerait Besançon au terme de votre mandat ?

Ce que je voudrais, c’est une ville qui produise de façon autonome son alimentation et son énergie, et qu’elle soit productrice d’emploi. C’est très court six ans pour transformer la ville, alors il faut très vite une adhésion maximale de l’ensemble des partenaires, c’est mon premier enjeu. Si on remporte l’élection, j’ai demandé aux colistiers qu’ils se réunissent dès le lendemain, chacun en leur domaine en « mode projet ». Il faut aussi que toutes les mobilités soient dans le bon sens. La priorité doit être aux piétons et ensuite aux cyclistes. Cela ne veut pas dire que la voiture n’a pas sa place, mais que chaque mode de déplacement doit prendre la sienne.

Et comment entendez-vous répondre à la crise sociale ?

Environ trois enfants sur quatre vivent sous le seuil de pauvreté à Planoise. Je propose un travail avec les bailleurs sociaux sur l’attribution des logements, et avec la région Bourgogne-Franche-Comté et les entreprises pour tout ce qui concerne la formation. Il y a des postes à pourvoir dans les services de l’eau par exemple. Est-ce que l’on met en place une formation sur ce thème à l’université ? Des contrats en alternance ? Il y a tout ça à explorer pour leur donner des perspectives. On voudrait aussi expérimenter un revenu minimum pour accompagner une centaine de jeunes gens de moins de 25 ans qui sont hors de tous dispositifs de formation, de projets, d’aides. Ils sont faciles à happer par l’économie parallèle.

Est-ce que la crise sanitaire a eu un effet sur votre programme ?

Le système de santé que l’on considérait comme important devient prioritaire afin d’être prêt, le cas échéant, à recevoir une deuxième vague. On a aussi vu combien ça touchait la jeunesse, en particulier les enfants. On avait l’intention de mettre le paquet sur les écoles, on mettra le paquet sur la jeunesse et sur l’isolement des personnes. Le tout sera posé par une transition écologique qui doit constituer l’occasion pour le tissu économique de se consolider avec des perspectives d’avenir.

Quelle lecture faites-vous de la crise que nous traversons ?

On a tout arrêté du fait du déficit sanitaire qu’il y avait dans le monde entier. J’aime à dire une chose : quand on est écologiste, on vous dit toujours récession, régression, décroissance, grotte… Tout y passe. Mais, même un écologiste n’aurait jamais imaginé avoir le pouvoir d’arrêter tout le système économique du jour au lendemain. Et ce sont les libéraux qui se sont tiré une balle dans le pied. Le pire, c’est qu’ils n’en tireront pas de leçons…

Y voyez-vous une occasion favorable pour les écologistes ?

Il était temps que les gens se disent que l’écologie est bien une pensée politique qui intègre tous les volets politiques, que ce soit l’économique ou le social. J’espère bien que l’on est en train de commencer le XXIe siècle dans le bon sens. C’est-à-dire avoir conscience que la crise climatique et de biodiversité est bien de notre fait. Et que c’est à nous de prendre à bras le corps toutes ces questions-là et d’en faire une occasion pour vivre autrement.

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