Histoire de la colonisation : « déconstruire les idées reçues »

Quatre conférences pour faire de l'éducation populaire à propos d'un passé national pas toujours assumé sont organisées du 10 janvier au 11 avril à Besançon par les Amis du Monde diplomatique, Radio Bip, Factuel et La Furieuse. Enjeux mémoriels, Françafrique, paradoxe de l'universalisme non appliqué aux colonies... sont au programme.

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Après quatre premières conférences destinées à « déconstruire les idées reçues » en économie il y a un an, les Amis du Monde diplomatique de Besançon récidivent à propos de l'histoire, et plus particulièrement l'histoire coloniale. Dans les deux cas, le cycle s'appuie sur un « manuel critique » (voir ici et ), notamment destiné aux enseignants, étudiants et lycéens, mais aussi aux citoyens engagés, la plupart à gauche comme l'a montré une enquête du mensuel sur son lectorat.

Un temps en jachère, le groupe bisontin des AMD, a été relancé il y quelques années autour de quelques universitaires. Militante de la France insoumise, professeure d'histoire-géo en collège, Claire Arnoux met en avant la double dimension dimension de réflexion critique et d'éducation populaire des AMD. « Cette fois, nous nous sommes centrés sur la colonisation et l'histoire coloniale. Pas seulement pour voir comment ça s'est passé, mais étudier la persistance de l'histoire coloniale dans la société ».

Elle ne cache pas qu'il s'agit d'intervenir dans le débat public, de répondre à « ceux qui veulent en finir avec la repentance ou disent que la colonisation c'est du passé. Le fait que ces questions travaillent la société n'est pas contestable, notamment avec des prises de position faisant polémique, comme celle de François Fillon pour qui la France n'est pas coupable d'avoir voulu partager sa culture. Il y a aussi des massacres, comme celui de Thiaroye en 1944 au Sénégal. Les concernés les connaissent, mais pas du côté français. Cela ne fait pas partie d'une histoire partagée. C'est pourtant un thème central dans la culture populaire africaine, comme on le voit avec chanson Françafrique du chanteur de reggae ivoirien Tiken Jah Fakoly... » La Françafrique sera le thème de la dernière conférence, de Thomas Deltombe, en avril, avec l'association Survie.

« Il faut interroger les idées, voir d'où elles viennent,
sur quoi elles reposent, si elles sont critiquables... »

Derrière les « idées reçues », il y a aussi la façon dont l'enseignement a traité du fait colonial. Cela sera notamment le thème de la seconde conférence, le 14 février, par Françoise Vergès qu'a sollicitée Lora Mariat. Préparant une thèse philosophie à Besançon, elle est aussi impliquée dans les AMD : « J'ai aussitôt pensé à elle. Je l'avais rencontrée dans une librairie à Toulouse où elle parlait de son dernier livre, Le Ventre des femmes. Dans La République coloniale, elle évoquait le paradoxe de cette république s'autoproclamant porteuse de valeurs universelles et se retrouvant à ne pas les appliquer sur ses territoires... »

Pour Lora Mariat, la déconstruction des idées reçues ne consiste pas en une destruction pure et simple, mais en un processus réfléchi participant à l'éducation : « C'est un principe philosophique de se rendre compte de ce qu'est un préjugé : une idée construite. C'est une méthode qu'on peut appliquer à tous les domaines : interroger les idées, voir d'où elles viennent, sur quoi elles reposent, si elles sont critiquables... »

C'est ainsi que le traitement de la colonisation dans les programmes scolaires a « fait l'objet de batailles d'idées », souligne Claire Arnoux en notant « une évolution positive : la guerre d'Algérie a fini par y entrer... Même si l'exercice mémoriel de la commémoration du massacre du 17 octobre 1961 reste militant, ce qui signifie qu'on n'est pas encore dans le discours officiel... »

L'histoire est « une construction »

La guerre d'Algérie, que les Algériens appellent pour leur part guerre d'indépendance ou de libération nationale, fera l'objet de la conférence du 14 mars. L'historien bisontin Fabrice Riceputi, auteur d'un remarquable livre sur la façon dont, justement, le massacre du 17 octobre 1961 est enfin devenu un sujet historique, traitera de la question mémorielle.

Pour entamer le cycle, jeudi 10 janvier, le journaliste du Monde diplomatique Benoît Breville, qui a coordonné le manuel d'histoire critique, expliquera en quoi « l'histoire est une arme au tranchant effilé », mais aussi l'enjeu de sourdes et homérique batailles économiques et éditoriales. Il interroge notamment le fait que les travaux d'historiens sont rarement les plus vendus et que les démarches scientifiques ne sont pas toujours au rendez-vous. Il ironise ainsi dans son introduction sur le fait que Stéphane Bern privilégie le « spectaculaire et le truculent », ou que Lorant Deutsch mettte en avant « l'atroce et le prégnant ».

Il interpelle aussi les manuels scolaires pour lesquels « les conséquences n'ont pas de causes, ni les victimes de bourreaux, sauf si ces derniers sont nazis ou communistes... ». Bref, il s'agit de dire et redire que l'histoire est « une construction ». Logique puisqu'il s'agit de la « déconstruire ». Pour mieux la « reconstruire » ?

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