Entre pesanteur et légèreté, le rêve…

Le Festival du Bitume et des plumes anime le quartier Citadelle Tarragnoz de Besançon. La cinquième édition, de la programmation aux cuisines, déborde sur les alentours, songe à se professionnaliser… Au menu du 5 au 7 octobre le Théâtre de L'Unité, Gravitation, la Compagnie Non Négociable... et plein d'autres.

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Entre la pesanteur du bitume, et la légèreté des plumes, le festival redessine d’une année à l’autre de nouveaux espaces de rêve dans le quartier Citadelle-Tarragnoz.

Cela fait cinq ans que ce quartier, situé légèrement à l’écart du centre ville de Besançon, s’anime début octobre. Et au fil du temps, ni les rêves, ni le travail ne font peur à l’équipe d’organisation constituée de bénévoles, depuis la confection des repas (plus de 200) jusqu’à la programmation des spectacles dans les cours et autres lieux du quartier.

Une édition 2017 haute en couleurs

Le Festival Du Bitume et des plumes programme chaque année des spectacles issus du travail de troupes récemment formées ou plus connues. S’ouvrir à l’émergence, c’est chercher de l’or dans les pratiques amateures pas encore reconnues et pourtant audacieuses.

Ainsi, lors de l’édition 2017, dans le cadre de la découverte de compagnies récentes, la Compagnie Arsène Selavy proposait une pièce originale au cours de laquelle, deux comparses inventaient un jeu avec un gagnant et un perdant à plusieurs âges de la vie. Toujours situées à la frontière de la comédie et de la tragédie, les trois séquences consacrées à l’âge du nourrisson, à l’âge de la vie dans les bureaux, et enfin à cent ans, l’âge supposé de la mort a surpris les spectateurs. Lequel des deux personnages sera le gagnant ? La pièce fonctionnait sans arrêt sur le retournement de situation jusqu’à abuser de la crédulité joyeuse et empathique du spectateur et l’entraîner vers un final totalement désopilant. L’artiste n’est-il pas celui qui sait rire de tout, y compris de la mort ?

Dans le même style d’approche, Duo culinaire spectacle basé sur les relations dans le couple déployait un univers cocasse autour d’une table chargée de victuailles pour confectionner le fameux poulet basquaise à la source des malentendus… Ce spectacle participatif où un spectateur qui passait par là se retrouvait à éplucher des oignons a fait mouche à l’heure du repas du dimanche car ici, la drôlerie naît sur l’enjeu social des relations de couple. Le mari, directeur général dans une multinationale, vend des couteaux et excède tellement sa femme qu’il termine avec un couteau planté dans le dos. La pièce ne cessait de jouer avec le spectateur, enchainant des trouvailles comme sortir un vrai lapin écorché d’un buisson et le serrer dans ses bras comme un nourrisson.

Humour grinçant, décor minimaliste et intimiste

Dans les cours habituellement dissimulées derrière les porches du centre ville, des spectacles s’inventent sous la géométrie sauvage des vieux murs aux pierres bleues et à la végétation luxuriante. Aussi, étions-nous étonnés de découvrir le Plouf spectacle où un duo de buveurs de bière affalés sur le sol devisaient sur leur place dans la société au milieu de canettes de bière. Humour grinçant et drôle dans un décor minimaliste et intimiste nécessaire à leur performance.

Un peu plus loin, dans une cour plus ouverte, c’est une actrice seule, Chloé Ratte, qui s’est coltiné l’extrême cruauté de la chasse dans un terrible conte où des marionnettes et un renard en peluche prenaient la parole pour déjouer l’instinct chasseur et redonner à la vie animale sa place, toute sa place. L’actrice n’hésitait pas à jouer avec le titre initial – Á poils – pour se déshabiller tout en plaidant la cause animale et l’horreur de l’éviscération. Évocation de Bambi, de la cruauté et de la pseudo supériorité de l’homme sur l’animal Projet D a fait frissonner les spectateurs par la force de son propos.

2018, l’espace et l’imagination au rendez-vous

Pour la cinquième édition, les organisateurs ont opté pour une gestion collégiale car le Festival défend les valeurs partagées comme la coopération, la mutualisation des moyens et la mobilisation des bénévoles porteurs d’une vraie dynamique de quartier.

L’an dernier, pour les spectacles proposés sur réservation, la jauge était pleine en une demi-heure et la petitesse des lieux ne permettait pas de répondre à tous les artistes désireux de participer à la manifestation. Pour y remédier les organisateurs ont décidé d’utiliser des espaces publics plus grands à l’instar des écoles Rivotte et Ronchaux, de la Gare d’eau côté Doubs et de la cour du Centre diocésain où des spectacles seront programmés. Réveiller la rue et l’espace urbain est le principal objectif du festival, plus encore, c’est une revendication.

Depuis quatre ans cette manifestation a trouvé son public et sa place dans le paysage culturel bisontin. Cette année encore 54 propositions permettront à des milliers de personnes d’assister à des spectacles. Des ateliers Théâtre en cours visent à la formation des proprioufs (personnes qui accompagnent les spectateurs dans les lieux de diffusion). Ces petites représentations impromptues dans la rue, donneront une ponctuation poétique aux nombreuses déambulations dans le quartier.

Pour la première fois à Besançon, la Compagnie Non Négociable présentera Meeting : les collaboratrices d’un homme politique attendent leur candidat qui n’arrive pas. Comment vont-elle parvenir à faire face à la situation ? Profiteront-elles de cette liberté usurpée pour établir leurs propres règles du jeu ?

Un festival qui se professionnalise

Autre spectacle encore, Obsolète, de la Compagnie bisontine Gravitation, met en scène quelques illuminés de l’éducation populaire qui, en 2025, prennent conscience de leur obsolescence. Le Théâtre de l’Unité, avec son spectacle, jette son dévolu sur la méchanceté à travers le portrait d’une psychothaumaturge qui tente de guérir sa propre méchanceté en guérissant les autres de la leur. Un programme varié où se croisent la dérision, le rire et un regard cruel et drolatique sur le monde contemporain.

Devenue professionnelle, la manifestation nécessite, pour continuer à se développer, une augmentation des moyens au regard des attentes du public et de la charge de travail engagée. Il apparaît que le budget artistique devrait être supérieur face au nombre croissant de festivaliers, et permettre à l’avenir, de recruter un salarié accompagné d’un service civique. La pérennisation du festival du Bitume et des Plumes serait un choix politique puisqu’il ne peut exister désormais sans un soutien fort des pouvoirs publics.

Un chapiteau, des constructions en bois à la Gare d’eau pour accueillir les jeux d’enfant, le festival ne cesse de s’agrandir, de planter des rêves comme d’autres plantent des graines dans ce quartier, un ancien faubourg avec un air de village où la population s’est doucement remise à rêver.

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