Daral Shaga : s’il vous plait, dessinez moi un Opéra

Pas facile de traiter le thème du mur et des frontières à l'opéra quand ni la musique ni le texte ne les franchissent. Le Daral Shaga joué cette semaine à Besançon a déçu le musicien de Factuel.

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Le plus réussi de Daral Shaga, joué cette semaine à Besançon par la compagnie Feria Musica, concerne la participation des cinq acrobates : Anke Bucher, Renata do Val, Mark Pieklo, André Rosenfeld Sznelwar, Laura Smith.

Leurs performances sont de véritables moments de virtuosité, de sensibilité et d’émotion. La création lumière, la beauté des costumes participent à l’existence véritable des thèmes du mur, de la frontière, de la fuite et de l’exil qui sont annoncés comme objet principal de cet opéra-carrefour. Pour le reste, la soirée fût bien longue, quoique le spectacle ne dure qu’une heure et dix minutes.

Dans ce spectacle, il y a donc un mur, une frontière. C’est tour à tour un tulle, un échafaudage ou le rideau de fer du Théâtre Ledoux. Sur ces différents supports, des projections du spectacle en train de se jouer, sont sensés donner un plan de coupe, un gros plan, bref un autre point de vue sur la scène.

Un téléfilm, pas une représentation !

Ce n’est pas en voulant « faire moderne » qu’on invente le plus...

« Daral Shaga est un opéra au carrefour des arts du cirque et du théâtre-cinéma » proclame très simplement le programme de ce spectacle crée par Laurent Gaudé (livret), Kris Defoort (musique), Fabrice Murgia, Philippe de Coen (conception scénographique). Bon, je ne sais pas vous, mais moi je n’en n’ai pas trouvé souvent des opéra au milieu du carrefour, ils sont le plus souvent crées dans d’assez jolis bâtiments situés sur le plus beau côté de la place…

Opus, « Opéra », c’est par la simple mise au pluriel du mot « œuvre » qu’a été décrite au début du XVIIème cette géniale invention musicale italienne. Et dire que Monteverdi, les cénacles d’humanistes de Florence et de Mantoue, Cavalli et les impresarii de Venise croyaient simplement, à l’époque, rejouer, chanter et illustrer la tragédie antique grecque. C’est dire que ce n’est pas en voulant « faire moderne » qu’on invente le plus...

C’est assez joli, mais cela coupe réellement du spectacle vivant, d’autant plus que l’on cherche sans cesse qui tient la caméra sur la scène. Comme les trois chanteurs et les trois instrumentistes sont amplifiés, on finit par assister à un téléfilm plutôt qu’à une représentation ! On espère à la fin, que le chanteur qui finit par passer le mur, la frontière et donc arriver dans la salle, va enfin se passer du micro… Vaine espérance…

Reste à parler du livret et de la musique. Elle est évidemment d’une brûlante actualité cette thématique des barrières qu’on érige, des frontières difficiles à tenir ou à franchir.

Texte sans relief

Malheureusement, ni le texte de Laurent Gaudé, ni la musique de Kris Defoort ne parviennent à franchir le mur. Si l’on ferme les yeux quelques secondes, on croit entendre la partie la plus routinière d’un vieil Oratorio justement oublié. Texte sans relief ni force, personnages sans épaisseurs, on a connu Laurent Gaudé plus inspiré (Pour seul cortège) et prolixe.

Kris Defoort nous fait subir trente premières minutes sur la même note poleNote pole = pédale de ré = pas de changement de polarité principale pendant trente minutes = bourdon de la cornemuse bretonne que j'adore dans les fest noz ! , puis empile des stéréotypes, confondant manifestement improvisation notée et élaboration musicale. Autant d’indigence finit par faire penser au fameux article du critique de cinéma, Serge Daney, Le traveling de Kapo.

Le blog de la compagnie plus intéressant que son spectacle !

C’est un entendant et voyant ce ratage, que l’on mesure la réussite du Cirque Plume dans sa participation intensive à la création d’un nouveau genre de spectacle vivant. Je vous conseille d’ailleurs vivement le blog de la compagnie, Feria Musica, qui vente Daral Shaga, de préférence au spectacle. A surfer sur ce bijoux visuel, à lire ces textes dans le vent, on se prend à rêver d’une toute autre soirée..

Alors bon, pour résumer, le carrefour, il était loin d’être embouteillé (450 spectateurs pour une salle près de 1000 places)….

Des fois, on se dit, comme à l’occasion du magnifique spectacle du Théâtre Group' représenté au Centre Dramatique National La Jurassienne de Réparation, ou du concert Gershwin de l’orchestre Victor-Hugo Franche-Comté, qu’ il y aura certainement de meilleurs soirs…. C’est tout le bonheur que l’on risque en allant au spectacle.

 

 

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