Comté : la filière en cour d’appel

Le Comité interprofessionnel de gestion du comté avait contesté sa condamnation en première instance à payer des dommages et intérêts solidairement avec la coopérative de Pierrefontaine-les-Varans qui a été contrainte de collecter le lait d'une ferme utilisant deux robots de traite. Décision le 27 septembre.

cigccourdappel

On se souvient du séisme provoqué dans la filière comté par l'application en janvier dernier d'un jugement de décembre 2014 ordonnant à la coopérative de Pierrefontaine-les-Varans de ramasser le lait du Gaec Jeanningros d'Ouvans. La condition posée par le tribunal de grande instance venait d'être remplie, le Gaec ayant deux robots de traite. S'appuyant sur une expertise, les magistrats avaient entériné le fait qu'un seul robot était incompatible avec le règlement d'AOP (appellation d'origine protégée), tout en considérant que  deux robots seraient compatibles, puisque permettant un temps suffisamment long entre les deux obligatoires traites quotidiennes.

Il était alors évident pour les instances de la filière comté qu'il fallait faire appel de ce jugement. Le hic, c'est que l'avocat de la coopérative de Pierrefontaine-les-Varans a trop tardé, interjetant appel hors délai, ce qui a rendu son action irrecevable. Condamné solidairement à la coopérative aux frais de justice et à indemniser le Gaec, le CIGCComité interprofessionnel de gestion du comté a cependant fait appel. L'organe de la filière ne s'était cependant pas vu reprocher un refus de collecte, et pour cause, ce n'est pas son rôle de ramasser le lait : le CIGC est l'instance élaborant les règles de l'AOP et les contrôlant. 

Une dizaine de producteurs de lait à comté présents à l'audience

L'audience s'est tenue mardi 28 juin devant la cour d'appel de Besançon, en présence d'une dizaines de producteurs de lait à comté. Il y avait notamment là le président du CIGC, Claude Vermot-Desroches, celui de la coopérative de Pierrefontaine, Laurent Henriet, le référent lait de la Confédération paysanne, Gérard Coquard...

Me Vincent Berthat, l'avocat dijonnais du CIGC, a fait valoir que le jugement de première instance ne motivait pas la condamnation solidaire. Or, la demande de dommages et intérêts au CIGC pour résistance abusive n'a pas été retenue ! L'avocat reconnaît une erreur bénigne : il avait d'abord fourni une version non définitive du règlement d'AOP qui ne différait pas de la version définitive apportée ensuite...

L'avocat des frères Jeanningros a estimé pour sa part que l'appel du CIGC est « limité ». Autrement dit, il est de pure forme et pas de nature à remettre en cause le jugement autorisant, non pas un, mais deux robots de traite dans une ferme à comté. L'affaire a été mise en délibéré au 27 septembre. 

Réécrire le règlement d'AOP...

Cette procédure aura surtout permis de souligner la fragilité de la rédaction du règlement d'AOP. Il ne mentionne pas explicitement la prohibition du robot de traite. Il décrit cependant par le menu la façon dont les vaches doivent être nourries et traites, avec des précisions telles que ses rédacteurs pensaient sincèrement que cela excluait implicitement le recours au robot.

Le CIGC en a donc tiré une première conclusion : il faut réécrire le cahier des charges. Le hic, c'est que cela prend du temps, jusqu'à 3 ou 4 ans ! C'est long car le texte passe par l'INAO, l'institution national de l'origine et de la qualité, qui doit produire un projet de décret, après une bonne dizaines d'étapes dont le passage par le ministère et la Commission européenne (voir le schéma ici).

Une autre question ne manque pas de se poser, celle de l'exclusion des utilisateurs de robots de traite de la filière et/ou de la coopérative. Le règlement intérieur de cette dernière doit mentionner le respect du cahier des charges, mais le jugement de décembre 2014, s'il devenait définitif sur sa partie autorisation du robot, pourrait être un élément de droit permettant de récuser un non respect. Dans ces conditions, une éventuelle fusion-absorption de la coop par une voisine ayant déjà un tel règlement intérieur, comme celle de Laviron-Surmont, pourrait aussi être une solution radicale. Enfin, une exclusion de la filière peut être prononcée par l'organisme certificateur, Qualité-France. Là aussi, la procédure, que la coop ou le CIGC peuvent enclencher, est rigoureuse...

Pour l'heure, la coopérative de Pierrefontaine supporte les frais de ce que l'immense majorité de la filière considère comme une dérive. Elle collecte le lait du Gaec au tarif du comté et le revend au prix du lait standard, ce qui lui coûte 85.000 euros par an. Sans compter les frais de justice... Le 7 mars, près de mille éleveurs s'étaient retrouvés à Vercel pour leur exprimer leur solidarité. Le 8 avril, l'AG des fédérations des coop laitières du Doubs et du Jura avait largement abordé le sujet.

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