Aux Trois-Cantons comme presque partout, l’éolien divise les villages

Le maire d’Etouvans défend le projet éolien du parc des Trois-Cantons, mais doit faire face à une opposition virulente. L’association L’Écot du vent a adressé un recours gracieux auprès de la préfecture du Doubs pour alerter, notamment, des risques de pollutions de la nappe phréatique. Ils n’ont pas obtenu de réponse. Il y a quelques jours, ils ont voulu bloquer physiquement la pose d’un mât de mesure du vent. De son côté, le nouveau maire de Colombier-Fontaine hérite d’un projet qu’il ne souhaitait pas. S’il reste opposé au développement de l’éolien, il entend respecter l’Etat de droit, les autorisations ayant été accordées. Il restera vigilant sur la bonne application des mesures pour prévenir tout risque sur la ressource en eau.

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Déjà présentes en nombres, les installations d’éoliennes se multiplient et engendrent presque systématiquement l’hostilité de certains riverains. C’est le cas du projet des Trois-Cantons, entre Etouvans et Colombier-Fontaine, près de Montbéliard. Ici, le collectif qui mène la fronde c’est l’Écot du vent, du nom d’un village à la lisière duquel il est prévu d’installer les six éoliennes. Le 5 janvier, plusieurs membres de l’association ont investi le terrain sur lequel était déjà posé le pied d’un deuxième mât de mesure de la vitesse du vent. Ils souhaitaient ainsi empêcher la pose de la tête de ce mât. Après plusieurs journées sur place autour d’un feu de camp, la pose de banderoles et la réalisation d’une vidéo partagée sur leur page Facebook, ils ne parviendront pas à atteindre leur objectif. Le 19 janvier, le mât est finalement installé.

Pour contrer toute velléité de résistance, les grands moyens avaient été employés avec le déploiement de la gendarmerie. Le dispositif a suffi à calmer les ardeurs des opposants. Personne n’était sur place. « Ce n’est pas notre but de jouer à la matraque avec les gendarmes », annonce Claudia Roudier, secrétaire de l’association l’Écot du vent et conseillère municipale du village. Elle s’étonne, et s’inquiète aussi, des moyens employés. Elle dit avoir été surveillée et suivie le matin même par les forces de l’ordre. Le collectif, qui affirme n’avoir pas été averti de la pose de ce mât, aurait bien aimé obtenir quelques réponses et connaitre la raison de cette installation.

Nicolas Pacquot, maire d’Etouvans, qui a « mené le projet de bout en bout, de l’idée à la signature », n’est pas très certain de la publicité qui a été faite autour de cette installation, mais affirme toutefois que l’autorisation de travaux a bien été affichée. Il explique que l’installation était nécessaire pour affiner les mesures d’un premier mât installé il y a trois ans et qui se retrouve maintenant excentré. En effet, le nombre d’éoliennes a été revu à la baisse et les implantations se concentrent désormais autour de l’autoroute. Le nouvel instrument de mesure se trouve aussi à la hauteur du moyeu des éoliennes prévues, soit 130 m.

Une phase de concertation, mais un recours gracieux resté sans réponse

« La phase de concertation a été menée, personne ne peut dire qu’il n’était pas au courant », fait savoir Nicolas Pacquot, qui estime maintenant que ce temps est dépassé. « On a fait un dossier d’autorisation de 1400 pages, il y a eu une enquête publique avec trois commissaires enquêteurs avec des spécialités différentes. Il y a eu un avis favorable sans réserve et un arrêté préfectoral d’autorisation », précise-t-il en indiquant aussi avoir organisé des visites sur site avec qui voulait et informé ces concitoyens dans chaque bulletin municipal. Il ne s’est pas non plus défaussé lors de réunions publiques où il a été pris à partie et a dû affronter les critiques d’une opposition qu’il juge non constructive. « J’ai proposé de les rencontrer, mais ils n’ont pas repris contact », se désole-t-il.

Après avoir délivré un mémoire en septembre 2019 au moment de l’enquête publique, l’association avait ensuite formulé un recours gracieux en août 2020 auprès de la préfecture du Doubs pour faire annuler l’arrêté d’autorisation environnementale. Mais celui-ci est resté sans réponse. Les opposants pointaient plusieurs problèmes. C’est la question de la ressource en eau qui leur apparaissait le plus problématique, car deux des éoliennes devraient s’ériger sur le périmètre élargi de la zone de protection de la source et du captage de la Douve. Ils s’étonnaient de l’absence d’interprétation possible des études hydrologiques et demandaient au maitre d’ouvrage de revoir sa copie afin d’éviter les éventuels impacts lors des travaux ou d’exploitation.

Autre motif d’inquiétude : la nature karstique des sols sur l’ensemble du parc, ce qui implique une infiltration rapide des eaux vers les nappes souterraines de ce fait plus sensible aux pollutions de surfaces. « La réalisation des fondations pourrait nécessiter la mise en œuvre de pieux de fondation susceptibles de perturber ces écoulements et le risque de pollution diffuse lors des phases de bétonnage ne peut être exclu à ce stade faute d’une étude complète », écrivaient-ils alors. Le dernier point soulevé évoque l’autorisation municipale accordée pour une voirie qui sera utilisée pour la construction et l’exploitation du parc. Des travaux qui n’avaient pas été pris en compte dans l’étude d’impact. « Un manquement du pétitionnaire » pour l’association, parce que ces travaux sont nécessaires à la réalisation du projet.

« Cela fait 30 ans que l’on déverse des boues d’épuration sur cette zone et personne ne s’en est jamais ému »

Pour le maire d’Etouvans, rien de tout cela n’est de nature à annuler l’aménagement du parc des Trois-Cantons. Pour lui, le risque sur la source et le captage en eau est minime, en tout cas acceptable. « L’hydrogéologue a émis un avis favorable et dit qu’il n’y avait pas de risque moyennant quelques précautions à prendre sur le périmètre de captage ». Ceux-ci incluent par exemple une vérification de l’absence d’écoulement de gazole ou d’huile sur les engins de chantier avant leur intervention, le bâchage des fonds de fondation et la mise en place d’un bassin de récupération au pied de l’éolienne si l’huile du mécanisme venait à fuiter.

« Les opposants affirment que les éoliennes vont pourrir les nappes phréatiques, mais ça fait 30 ans que l’on déverse des boues d’épuration sur cette zone et personne ne s’en est jamais ému. Ils ne s’en sont jamais inquiétés, ça ne se voyait pas. Mais là, c’est devenu l’enjeu du siècle », raille-t-il. « On n’était pas au courant pour les boues d’épuration », se défend Claudia Roudier. « Les communes savent que ça se fait et ne disent rien. C’est eux qui sont censés faire quelque chose et ils nous demandent ce que fait l’Écot du vent ? L’envers du décor m’effraie. Si les élus attendent que les associations s’opposent pour réagir, on a du souci à se faire, c’est quand même eux les décideurs ».

Quoi qu’il en soit, il n’y a plus de problèmes selon le maire d’Etouvans. « La source est sécurisée depuis que PMA (Pays de Montbéliard Agglomération) a récupéré la compétence eau et interconnecte tous les réseaux ». La source sera neutralisée pendant les travaux, ce qui devrait rendre impossible toute pollution de l’eau destinée à la consommation humaine. Et concernant les routes, il indique que les camions auront l’autorisation d’emprunter la sortie de la bretelle d’autoroute et ne passeront pas dans le village, mais indique toutefois que certaines portions de route seront élargies pour faire passer les pâles.

Un maire opposé au projet, mais qui respecte l’Etat de droit

De son côté, le nouveau maire de Colombier-Fontaine, fait avec un projet dont il a hérité alors qu’il s’y était opposé en tant que citoyen avant son élection. Il est aujourd’hui rassuré par les dispositions prévues pour protéger la source, mais reste très vigilant sur l’application des mesures pour éviter une pollution. « L’hydrogéologue mettait en évidence qu’en cas de fuite de gazole, celle-ci apparaitrait 48 h après dans notre château d’eau ». Il souligne aussi le risque d’implanter d’énormes plots de fondation en béton dans un sol de nature karstique. « C’est un sol fragile, on peut avoir peur de l’affaissement et que cela puisse dévier les sources. C’est une zone où il est interdit de construire en principe, ce n’est pas pour rien. Mais il ne faut pas rentrer dans la psychose non plus », veut-il se rassurer.

Aujourd’hui, il reste solidaire envers les opposants, mais respecte l’Etat de droit. « Le dossier a été validé, la messe est dite. Notre rôle est de faire en sorte que l’installation se déroule de la meilleure des manières », tranche-t-il. Au fond de lui, il reste solidaire des opposants et se déclare toujours contre le développement considérable des éoliennes. « C’est très couteux pour une efficacité réduite », dit-il en renvoyant vers la commission d’enquête du député Julien Aubert. Il préférerait flécher les budgets vers une isolation des bâtiments pour économiser de l’énergie plutôt que de subventionner les promoteurs de l’éolien.

« Je comprends les craintes et les inquiétudes des habitants d’Écot. Nous avons tous les avantages des retombées financières, et eux, tous les inconvénients. C’est une commune charmante avec vue sur les Vosges, je comprends qu’ils râlent », ajoute le maire de Colombier-Fontaine. En effet, il est prévu d’implanter les éoliennes juste à la limite de la commune d’Écot, dont une partie du territoire sera survolé par les pâles, et qui vont ajouter leur nuisance sonore à celles de l’autoroute, des tirs de mines de la carrière et du circuit de moto-cross qu’entendaient déjà les habitants d’Écot…

« On sent une volonté politique pour que ça passe parce qu’il y a de l’argent derrière, le reste est secondaire », affirme Claudia Roudier de l’Écot du vent. Sa position à elle est clair : « on ne peut pas d'un côté refuser d'être encerclé et de l'autre accepter leur argent », ce qui n'est pas le cas de tous les conseillers municipaux, plus mitigés sur le fait d’accepter ou non une compensation pour le survol des pâles sur le terrain communal. « Le sujet de l’éolien va devenir de plus en plus compliqué et diviser les villages », craint-elle. Au total, la manne financière pour les collectivités pour les communes et la communauté de commune, les retombés fiscales s’élèvent à 148 000 €, les loyers à 66 000 €. Ce à quoi il faut rajouter les enveloppes directement versées aux municipalités par les promoteurs. De quoi mieux faire accepter les projets à l’heure de la baisse des dotations communales…

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