17 octobre 1961 : un massacre colonial qui entre pas à pas dans l’histoire

Depuis plusieurs années des Bisontins commémorent la « répression sanglante » d'une manifestation d'Algériens qui défilaient pacifiquement en plein Paris à la fin de la guerre d'indépendance. Ils continuent à réclamer un lieu de mémoire dédié, l'ouverture des archives, ils attendent la reconnaissance imminente du statut de « Mort pour la France » aux victimes de l'OAS.

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Une cinquantaine de personnes se sont rassemblées lundi 17 octobre à Besançon, sur le pont Battant, pour commémorer une fois encore le « massacre à grande échelle perpétré de sang froid par les forces de l'ordre françaises alors sous la coupe du sinistre préfet de police Maurice Papon », comme l'indiquent les premiers mots de l'intervention prononcée par Jean-Jacques Boy. Cela se passait en 1961, à la fin de la guerre d'Algérie. La fédération de France du FLN avait invité les Algériens de la région parisienne à manifester, pacifiquement, à Paris pour protester contre le couvre-feu.

Il y aura au moins 200 morts, nombreux étant selon une formule restée célèbre « noyés par balle ». L'épisode serait resté dans un angle mort de la mémoire de cette guerre sans le livre-enquête de Jean-Luc Einaudi, La Bataille de Paris, parue trente ans plus tard. Pour autant, la vérité n'avance pas vite tant le passé colonial est lourd, pesant encore sur un racisme plus ou moins assumé. Élu local dans une commune de l'agglomération, Brahim Sedki a témoigné que ce racisme n'était pas une vue de l'esprit.

Papon a tenté de discréditer Einaudi en l'attaquant en justice, mais il a perdu. Les deux archivistes ayant aidé Einaudi à démontrer l'implication de l'ancien préfet de police et ministre du budget de Giscard, ont pour leur part été mis au placard : c'est une affaire dans l'affaire dont parle notamment l'historien bisontin Fabrice Riceputi dans La Bataille d'Einaudi, un petit livre très bien écrit qui replace les révélations d'Einaudi dans le contexte plus global du travail des historiens.

Dans son propos, Jean-Jacques Boy a résumé le sentiment des participants au rassemblement en indiquant la « nécessité » de « mesures significatives » après le « premier pas important » fait par François Hollande dans un discours du 17 octobre 2012 : « le 17 octobre 1961 des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une répression sanglante. la République reconnaît avec lucidité ces faits. 51 ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes ».

Les manifestants souhaitent donc un lieu de mémoire voué à l'événement, l'accès aux archives, la vérité sur « l'organisation criminelle OAS que certains, comme à Béziers, veulent réhabiliter ». Une récente association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l'OAS a reçu une lettre de l'Elysée indiquant porter attention à « la reconnaissance des victimes de l'OAS, organisation terroriste », a indiqué Jean-Jacques Boy. Les familles de ces victimes pourront notamment indiquer sur les actes de décès la mention « Mort pour la France ».

Fabrice Riceputi signale cependant que les archives de l'Elysée restent closes aux historiens alors que les deux conseils des ministres, précédent et suivant le 17 octobre 1961, ont consacré du temps à l'événement. A Besançon, une plaque a été posée sur le pont Battant en 2011, mais mérite d'être rafraîchie. L'idée d'une souscription a été lancée avant que chaque participant jette une fleur dans le Doubs. 

Parmi les manifestants, on notait la députée Barbara Romagnan (PS), plusieurs élus municipaux communistes, des militants du PG, d'Ensemble, des syndicalistes, des historiens, des militants des droits de l'homme...

 

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