Vaîtes : la ville veut faire partir les premiers jardiniers dès novembre

L'annonce a été faite lundi soir devant 60 jardiniers lors d'une réunion organisée par l'aménageur Territoire 25. Il leur est proposé de créer une association avant le printemps pour gérer l'attribution de jardins qui se raréfieront au fil des ans (trois zones vertes), au point de représenter finalement moins de 10% des surfaces actuelles (zones bleue, jaune et rouge). Les adjoints à l'environnement et à l'urbanisme tombent des nues.

jardins-

La ville veut avoir, à brève échéance, une association de jardiniers pour unique interlocuteur aux Vaîtes. Cette association, dont elle souhaite que l'assemblée constitutive se tienne en février ou mars 2019, aurait à gérer l'occupation des jardins et leur attribution au fur et à mesure de l'avancée du projet d'aménagement de l'éco-quartier.

Cette perspective a été présentée lundi soir à une soixantaine de jardiniers cultivant des parcelles situées sur l'emprise du projet d'urbanisation, désormais propriété publique, lors d'une réunion organisée par l'aménageur, la Société publique locale Territoire 25. Un échéancier a été présenté, définissant quatre zones. La première, à libérer dès le mois de novembre 2018, correspond au fond du talweg et à sa rive gauche sur « 25 à 30 mètres de large » (en bleu sur la carte), fait environ 3 hectares. Plusieurs jardins y sont actuellement implantés sur de la terre de bonne qualité agronomique et à proximité d'une source.

Deux autres zones peuvent selon ce calendrier officiel, être cultivées, l'une d'une dizaine d'hectares pendant 5 ans (en rouge), l'autre d'une douzaine d'hectares pendant 10 à 12 ans (en jaune). Une quatrième zone (en vert clair), en trois parcelles distinctes d'environ 2 hectares, représente un secteur de « maraîchages pérennes à créer » sur des terrains dont certains ont des arbres fruitiers, intégré aux 6 hectares des Jardins du vallon du projet global.

Enfin, tout ça, c'est sur le papier. C'est ce qu'ont imaginé la ville et l'aménageur qui savent bien que ça ne va pas passer comme une lettre à la poste. Il suffit de voir la prudence avec laquelle l'affaire est présentée. D'abord, aucun élu n'est là, comme si l'affaire était entendue. D'ailleurs, au même moment, c'est la réunion de municipalité... En outre, l'accompagnement des relations avec les jardiniers a été confié par Territoire 25 à « l'agitateur de particules démocratiques » Nicolas Debray, notamment connu pour sa conférence gesticulée issue de son expérience de maire d'Etival (Jura).

Là, c'est le professionnel de l'animation de projet dans la concertation qui a été recruté pour trois ans d'accompagnement. C'est lui qui ouvre le bal avec des mots agréables à l'oreille : « Vous pourrez continuer à jardiner. Il y aura des changements. Nous sommes là pour vous en informer dans un climat d'écoute mutuelle... »

« Pérenniser la caractère maraicher du lieu... »

Claire Arnoux, qui habite le quartier et cultive un jardin avec deux autres familles, intervient d'emblée en s'adressant à la salle, sans référence aucune à son engagement dans la France insoumise, ce qui serait d'ailleurs malvenu : « Nous sommes quelques jardiniers à considérer qu'on doit d'abord parler entre nous avant d'avoir la mairie comme interlocutrice. Notre idée est qu'on ne soit pas seul face à la mairie, dans l'objectif d'un dialogue serein ». Une bonne partie des présents inscrira son nom sur la feuille qu'elle fait circuler...

« Ce serait intéressant qu'on puisse travailler ensemble », réagit Nicolas Debray. Claire Arnoux le contredit : « Non, ce sont deux choses différentes. Laissez nous faire... » On sent un instant de flottement et Thomas Bion, du service urbanisme de la Ville, prend la parole pour déminer le conflit qui vient : « La volonté de la Ville est de pérenniser la caractère maraicher du lieu... Elle met à disposition des terrains, mais veut savoir qui les occupe et ce qui s'y passe... »

Dans la salle, les jardiniers attendent du concert et le font savoir. Une femme doute de « l'utilité d'une nouvelle voie » là où il ne doit pas y avoir de constructions « d'ici plusieurs années ». Julien Loustaunau, responsable d'opération à Territoire 25, répond que « ce n'est pas l'objet de la réunion » et se fait un peu brocarder par plusieurs personnes. « Un an avant, d'accord, mais là », ajoute la dame. M. Loustaunau répond : « il y a des travaux techniques, des équipements pluviaux à installer. On ne va pas faire un projet qui sera inondé plus tard... »

« Ce ne sont pas des zones humides règlementées... »

Claire Arnoux évoque alors « les deux petites zones humides » situées sur le parcours d'une rue en projet (zone bleue sur la carte) et sont « dans l'étude d'impact ». Julien Loustaunau répond : « On va recréer des mares pour les grenouilles et les crapauds, on viendra piéger les animaux quelques jours avant pour les y mettre... » Thomas Bion est pour sa part juridique : « on n'est pas sur des zones humides règlementées, mais des bassins maçonnés... Quant à la zone humide de la roselière [NDLR : en amont du projet], elle sera réactivée... » Dans la salle, une voix rétorque : « C'est quand même la source ! » L'urbaniste répond : « La source sera recanalisée, on fera des jardins nouveaux où on amènera l'eau... »  

Un vieux jardinier arrive à poser sa question : « quelle surface y aura-t-il par personne ? » C'est le moment où est présenté le plan aux quatre couleurs. Quelques uns sont distribués, mais il n'y en pas pour tout le monde. Heureusement, il est projeté sur un écran. Une femme s'écrie « mon jardin ! » Une autre demande comment identifier le sien. Une troisième dit avoir laissé un message pour le savoir au numéro indiqué sur les documents et n'avoir « jamais été rappelée ». « Moi aussi », dit un homme à cheveux blancs. Nicolas Debray fait de son mieux : « Le but est de prévenir tout le monde ».

Petit à petit, les auditeurs réalisent que les surfaces cultivables vont, au fil du temps, se réduire comme peau de chagrin. Johnny Magnenet, du service espaces verts, prend alors la parole pour tenir le premier discours clair et net de la soirée : « Ceux qui ont 250 m² aujourd'hui ne pourront plus les avoir. L'objectif est que les jardiniers s'organisent ensemble sur ces espaces en fonction des disponibilités et reviennent vers la ville avec un seul interlocuteur, le plus simple, c'est une association... »

« Prenez conscience de la violence de vos annonces... »

Puis il assène ce qui ressemble à un ultimatum : « Si dans quelques mois, chacun vient nous voir à titre personnel, ce ne sera pas possible... Ou alors, on confiera le tout à l'association des jardins familiaux qui a sa liste d'attente... » Ce qui est synonyme de l'exclusion de la plupart des actuels occupants qui sont officiellement là à titre précaire. Le public en est encore à encaisser le coup, qu'il ajoute les conditions édictées par la ville : « respect de l'environnement, pesticides bannis, proche du bio, cultures économes en eau... Sur le plan paysager, il faudra que ce soit joli, pas de cabanes en plastique avec des bidons... »

Une femme le coupe : « Ce ne sera quand même pas tous pareils ? » Il admet que non, mais ajoute qu'il « faudra poser quelques règles ». Et il poursuit sur la « pérennisation » du lieu, la « dynamique sociale et les rencontres, la transmission aux jeunes générations » et la perspective de « jardins supports pédagogiques ». Julien Loustaunau précise qu'il n'y aura, hormis une modique adhésion à l'association, rien à payer : « on ne parle pas de loyer tant que ça appartient à la ville... »

Claire Arnoux a vite synthétisé tout ce qu'elle vient d'entendre et s'adresse aux représentants de la collectivité : « Si vous pensez que ce projet est bon, prenez quand même conscience qu'il restera moins d'un dixième des surfaces actuellement cultivées. Quant à mettre une route en fond de talweg, c'est une gabegie écologique. J'ai bien compris que vous allez faire un captage, mais c'est cher et sans garantie... » Un homme confirme : « il n'y a rien d'écologiquement intéressant dans ce projet ».

Johnny Magnenet confirme l'analyse de Claire Arnoux : « à terme, il y aura moins de jardins... » Elle répond : « Prenez conscience de la violence qu'il y a à annoncer à des jardiniers qu'ils devront être moins nombreux. Qu'on ne fait pas de jardinage sous des arbres fruitiers. Que la qualité agronomique n'est pas prise en compte... » Une femme lâche avec émotion : « Moi, mon jardin, c'est mon paradis... »

 

 

Panneau implanté entre la station de tram Vaîtes et la zone jaune où « le maraichage est possible pendant 10-12 ans... »

 

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !