Vaîtes : la stratégie de la tension

L'association Les Jardins des Vaîtes a programmé un troc'plantes festif samedi 20 avril pour mobiliser contre le projet d'éco-quartier. Quelques heures après qu'elle a déposé un référé devant le tribunal administratif, l'aménageur, société dépendant de la ville, a proposé un site différent de celui accordé dix jours plus tôt par le service voirie, assorti de conditions inacceptables pour l'association. Elle demande à Jean-Louis Fousseret de « revenir à la raison » : « laissez une opposition s'exprimer librement… »

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Opposante notoire au projet d'éco-quartier des Vaîtes porté par la ville, l'association Les Jardins des Vaîtes a prévu d'organiser en bordure du site, plus précisément rue Anne-Frank, un troc-plantes samedi 20 avril. Conçu comme festif, l'événement figure au calendrier des rendez-vous militants avec un village associatif, des débats et de la musique. C'est aussi un moment pacifique puisque des animations pour les enfants sont au programme. Mais également un épisode du rapport de forces avec la mairie puisqu'il est question de « plantations collectives ».

Nantie d'un accord du service voirie lui demandant néanmoins de veiller à laisser passer les riverains et les secours en cas de besoin daté du 2 avril, l'association a préparé sa communication, mobilisé partenaires et réseaux. Parallèlement, elle a continué à travailler le recours administratif qu'elle a annoncé contre l'arrêté préfectoral autorisant la reprise des travaux, en dérogation à l'interdiction générale de détruire des espèces protégées et leur habitat. 

Présenté conjointement avec France Nature Environnement 25-90, ce recours a été déposé, en référé, devant le tribunal administratif vendredi 12 avril par l'avocate Coline Maillard-Salin. Elle souligne notamment que près de trente espèces protégées ont été répertoriées sur le site, dont deux espèces d'oiseaux figurant sur la liste rouge des espèces menacées (chardonneret élégant et serin cini). Seulement 5 des 15 hectares d'habitats d'animaux protégés devraient être reconstitués en espaces verts ou jardins.

« Pas d'intérêt public majeur à construire aux Vaîtes »

La procédure de référé signifie que les associations invoquent l'urgence, essentiellement parce que les travaux ont commencé. Elles estiment, reprenant une argumentation du Conseil national de protection de la nature, un service du ministre de l'environnement, que « le dossier ne prend pas en compte la protection des espèces menacées ». Elles considèrent aussi qu'il n'y a « pas d'intérêt public majeur à construire aux Vaîtes : pourquoi à tout prix bétonner, imperméabiliser des terrains à haute valeur agricole alors que la population bisontine stagne, en même temps qu'augmentent les logements vides et la vacance locative ? » 

A peine le recours était-il déposé que la présidente des Jardins des Vaîtes, Claire Arnoux, recevait un courriel comminatoire de l'aménageur, la SEM Territoire 25, lui indiquant que la ville venait de l'informer de « l'impossibilité de tenir le troc'plantes rue Anne-Frank ». Le mail mentionnait aussi l'interdiction d'utiliser les terrains dont Territoire 25 est propriétaire, lui proposant un autre espace, à côté de la station de tram Schweitzer, tout en prohibant musique, plantations collectives et pose de banderoles.

Se prenant sans doute pour l'adjointe à la sécurité publique ou le ministre de l'Intérieur, l'auteure du mail, la directrice opérationnelle de Territoire 25 rendait Claire Arnoux « garante qu'aucun trouble à l'ordre public ne découlera de votre manifestation » et promettant un dépôt de plainte « indépendamment du troc'plantes » pour le cas où se produirait « toute utilisation non autorisée d'un terrain propriété de Territoire 25 par votre association ». Des phrases qui ont été considérées par Les Jardins des Vaîtes comme une « menace » personnelle à l'encontre de Claire Arnoux.

En outre, l'interdiction de construire une cabane montre bien que la ville craint surtout l'installation d'un embryon de ZAD, comme cela été le cas sur le quartier des Lentillières, à Dijon. Cette crainte était déjà palpable lors d'une récente intervention policière destinée à étouffer dans l'oeuf un début de construction de cabane… Quatre personnes avaient été emmenées au poste pour un contrôle d'identité.

« Oui, nous sommes des opposants. Non, nous ne sommes pas des criminels »

Quelques autres conditions sont posées, le moindre refus de l'une d'elles entraînant l'annulation de la « proposition » de Territoire 25. Autant dire que ce courrier n'a pas été bien accueilli par Les Jardins des Vaîtes qui le considère inacceptable. Elle a contrattaqué lundi 15 avril. Et ce n'est pas à Mme Defeuille mais au maire, Jean-Louis Fousseret, que l'association a choisi de répondre.

« Nous ne comprenons pas, comment d'une demande d'occupation d'un espace public, adressée à la ville de Besançon, nous aboutissons à un mail de menace adressée par une société, Territoire 25, à l'encontre d'une seule personne », indique l'association qui assume ses positions mais n'entend pas se voir caricaturée : « oui, nous sommes une association nous opposant à ce projet de dit "écoquartier". Mais, non, nous ne sommes pas des criminel.les. Pour le bien des Bisontin.es, pour le bien du débat public et de l'exercice de la démocratie à Besançon, nous vous appelons à revenir à la raison. Ecoutez vos services ! Il n'y a aucune objection à ce que nous nous installions rue Anne Frank pour notre Troc'Plantes samedi après-midi. N'en créez pas artificiellement, et laissez une opposition s'exprimer librement. »

 

 

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