Université de Franche-Comté : la guerre de la communication

La garde-à-vue a été prolongée mercredi soir pour deux étudiants, dont un élu de Solidaires-Etudiants au conseil d'administration de l'université. « La séquestration ne tient pas », affirme son avocat alors que des témoignages contestent la violence étudiante. Six syndicats demandent la démission du président Jacques Bahi qui a reçu le soutien de Marie-Guite Dufay et François Sauvadet.

ameb

« La séquestration ne tient pas », affirme Me Bernard, avocat de Pablo Boucard, élu de l'AMEB-Solidaires-Etudiants au conseil d'administration de l'Université de Franche-Comté, en sortant du commissariat de Besançon vers 18 h mercredi 15 février où il venait de l'assister. Pour que la séquestration tienne juridiquement, explique-t-il, « il faut une intention et cela suppose que l'on veuille quelque chose de la part du séquestré, or, ils voulaient voir le président Bahi qui n'était pas dans la salle du conseil d'administration ».

La séquestration ne peut donc être celle du président de l'université qui a, poursuit l'avocat, « porté plainte au nom de l'institution, mais on ne séquestre pas une institution ». En outre, la séquestration suppose de « montrer des moyens de domination ». Parmi le comité accueillant les gardés-à-vue à leur sortie devant le parvis du commissariat toute la journée, avec des affluences variant d'une dizaine à une centaine de personnes, une jeune femme assure : « plusieurs personnes supposées séquestrées disent qu'elles ne l'ont pas été ».

« 24 heures dans des conditions désastreuses »

La séquestration est également contestée par les remis en liberté : « on a été enfermés 24 heures dans des conditions désastreuses pour quelque chose qu'on n'a pas commis », explique une étudiante à Radio-Bip, évoquant par exemple le fait de marcher en chaussettes dans l'urine, les toilettes n'étant pas éclairées, ou encore d'être « entre quatre et sept sur quatre mètres carrés ». Elle dénonce aussi la « manière extrêmement violente » avec laquelle le groupe ayant empêché la tenue du conseil d'administration de l'université a été « sorti par les forces de l'ordre ». 

Rencontré peu après sa sortie de garde-à-vue au sein d'un groupe fatigué et marqué par l'épreuve, un étudiant nous dit avoir reçu des coups alors qu'il levait les mains pour signifier son pacifisme au moment de son interpellation. Une jeune femme explique avoir subi une simulation d'étranglement. France 3 parle d'une « intervention musclée », images à l'appui.

« S'enchaîner les uns aux autres » peut constituer la rébellion...

Selon Me Bernard, la prolongation de garde-à-vue des deux étudiants s'explique en raison de l'incrimination de rébellion à leur encontre. Pour qu'elle soit constituée, il suffit, précise-t-il de « s'enchaîner les uns aux autres » au moment de l'interpellation, ce que semblent avoir fait plusieurs étudiants au moment de l'assaut policier.

Du côté des autorités, on présente une toute autre version des événements de mardi. Ayant ouvert une enquête préliminaire pour séquestration, rébellion et violences volontaires, la procureur du TGI, Edwige Roux-Morizot assure qu'il n'y a pas eu mardi d' « occupation pacifique quand on contraint quelqu'un à rester dans un lieu déterminé ». Le président de l'université a adressé à l'ensemble des étudiants et des personnels un courrier électronique d' « indignation face à ces méthodes non démocratiques visant à empêcher le fonctionnement de l’université ». Il a reçu le soutien de la présidente du Conseil régional Marie-Guite Dufay, ainsi que des élus UDI François Sauvadet et Catherine Conte-Deleuze qui disent leur solidarité avec les membres du CA. Ils ne précisent pas s'ils incluent l'élu étudiant placé en garde-à-vue... Le service de communication du président de l'université a également produit un communiqué de « soutien total » des douze directeurs des composantes de l'université, mais sans signature.

« L'équipe présidentielle perd ses nerfs »

Ces soutiens s'expriment alors que la démission de Jacques Bahi est réclamée par six organisations syndicales de l'université (FSU, CGT, FO, UNEF, Sud-Education et Solidaires-Etudiants) dans un communiqué indiquant que l'équipe présidentielle « perd ses nerfs » et « ne sait pas gérer les moments de crise ».

Les six syndicats soulignent notamment que « les étudiant.e.s, une vingtaine, ont été violemment empoigné.e.s, frappé.e.s, écrasé.e.s, plaqué.e.s au sol puis menotté.e.s les mains dans le dos par une vingtaine de policier.e.s en tenue anti-émeute. Le mobilier de la salle du conseil a été bousculé et projeté contre les murs, toutes les dégradations sont le fait des forces de l’ordre ».

Jeudi matin, l'assemblée générale à la fac des lettres permettra de faire le point d'une bataille engagée sans véritable rapport de forces et réprimée avec une fermeté rarement vue, pour ne pas dire un autoritarisme témoignant d'un manque certain de sérénité de la part du pouvoir.

Croisé en soirée et interrogé à chaud par Factuel, Antony Poulin, conseiller municipal (EELV) de Besançon délégué à la vie étudiante, ne cachait pas son embarras. Estimant « disproportionnée », l'opération de police, il ne souhaitait pas s'exprimer davantage, manifestement par crainte d'être en porte-à-faux avec d'autres composantes de la majorité municipale.

Rencontré peu après, l'adjoint Michel Loyat (PS) nous expliquait manquer d'éléments pour réagir.

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !