Un nouveau caillou dans la chaussure de Pierre et Vacances

Des opposants au projet de center-parc du Rousset, en Saône-et-Loire, ont mis la main sur des documents pouvant laisser penser que l'Etat a pesé en faveur du groupe pour faire modifier le périmètre d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique qui jouxtait l'emprise du projet touristique, et déminer juridiquement d'éventuels contentieux.

znieff-etang-du-rousset

L'association Savoir-Comprendre-Agir de Saône-et-Loire considère qu'en février 2014 la DREAL de Bourgogne et le préfet du département ont empêché l'intégration d'une partie de la forêt du Rousset dans la ZNIEFFZone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique numéro 260005582 dite Etang du Rousset au Rousset et Marizy à l'occasion de son agrandissement dans le cadre de la révision de l'inventaire des ZNIEFF. Et cela non pour de bonnes raisons environnementales, mais pour éviter de fragiliser juridiquement le projet de center-parcs du Rousset, l'un des deux de Bourgogne-Franche-Comté, l'autre étant situé à Poligny.

Le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel allait définir un site plus étendu que celui qui a finalement été retenu, quand une intervention a conduit à différer la décision, puis à retrancher du périmètre envisagé une partie de la forêt du Rousset, afin d'éviter que la ZNIEFF déborde sur le périmètre prévu pour accueillir le village de loisirs et sa fameuse bulle où il fait toujours 29°.

SCA s'appuie sur une note du 17 février 2014 du service Ressources et Patrimoine Naturels de la DREAL dont l'objet est explicite : « center parc le Rousset - enjeux liés aux espèces protégées et évaluation environnementale ». La note souligne notamment que « compte tenu de l'ampleur, de la nature du projet [de center-parc] et de sa proximité avec le site, une étude d'incidence Natura 2000 devra être engagée. (...) La surface concernée par le défrichement pourrait concerner des espèces protégées et demander le dépôt d'une dérogation aux interdictions mentionnées à l'article L411-1 du code de l'environnement... »

« Des enjeux pour le pétitionnaire susceptibles d'introduire une fragilité juridique difficilement compatible avec les enjeux économiques et financiers »

Il s'agissait en fait pour la DREAL d'exclure de la ZNIEFF agrandie la partie du bois du Rousset plantée de douglas dont « l'intérêt est à relativiser au regard des enjeux » de la ZNIEFF plutôt orientée sur les « zones humides associées aux étangs et aux milieux forestiers d'intérêt régional » composés de chênaie-charmaie... La note signale qu'une « réunion du 13 février à la préfecture a clairement mis en lumière les enjeux pour le pétitionnaire du zonage du site en ZNIEFF 1 : en contradiction avec la charte propre à Pierre&Vacances, susceptible d'introduire une fragilité juridique difficilement compatible avec les enjeux économiques et financiers ».

Ce même 13 février, une réunion du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel se conclut par « la demande de la DREAL » de réduire le zonage de deux ZNIEFF dont celle en question, car les « vastes espaces enrésinés [paraissaient] excessifs et ne pouvoir se justifier sur la seule base de données d'Aigle botté ».

La note du 17 février explore alors l'incidence juridique d'une éventuelle dérogation, la considérant difficile à justifier en droit compte-tenu d'une « jurisprudence de plus en plus abondante » en faveur de « l'intérêt public majeur » que sanctionne une inscription en ZNIEFF...

« Vérifier (à la demande de M Le préfet) l'absence de recouvrement
entre le projet de center parcs et le projet de ZNIEFF1 modernisé »

Un autre document, émanant du service environnement de la DDTDirection départementale des Territoires (ex DDA), daté de mars 2014, précise que c'est « à la demande de M Le préfet et afin de vérifier l'absence de recouvrement entre le projet de center parcs et le projet de ZNIEFF1 modernisé que le travail du groupe [de travail du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel] a pu être reporté » au 18 avril 2014. Ce document va jusqu'à, si l'on ose dire, tenir le crayon à la place des scientifiques, en soulevant « la question de l'emplacement du trait exact de la délimitation de la ZNIEFF (...) : afin de réduire toute source de contentieux, il pourrait être proposé de décaler légèrement la limite de manière à éviter de placer le trait sur la route »...

Bref, tout est réuni selon l'association SCA pour démontrer la partialité des services de l'Etat qui s'est mis au service de Pierre&Vacances. C'est ce qu'elle explique dans un communiqué (en intégralité ici) dénonçant les « dévoiements qui peuvent être constatés à la tête de l’administration régionale quand des services censés protéger l’environnement tordent le bras à leurs propres procédures pour favoriser un projet touristico-immobilier privé ».

L'association n'est pas convaincue par les « maigres tentatives » de justification de la DREAL dans le Journal de Saône-et-Loire. Elle explique que « sur sollicitation du préfet, elle a demandé au CSRPN d'expertiser plus finement l'application des critères de ZNIEFF1 à la partie du bois constituée d'une plantation de pin Douglas » qui « représente un habitat modifié ne répondant pas strictement aux critères de gros intérêt biologique ». Le président d'alors du CSRPN expliquait quant à lui au quotidien : « on a regardé plus en détail » et « n'ayant pas d'argument pour justifier de conserver cette partie en ZNIEFF, pas d'espèce déterminante, nous l'avons retirée... » Il assure que les scientifiques ont pris leur décision « en toute indépendance ».

Le PLU du Rousset attaqué devant la justice administrative, comme celui de Poligny

On ne manquera cependant pas de s'étonner du fait que l'association a dû batailler ferme pour obtenir les documents évoquant l'intervention de l'Etat. Tombant un jour sur des documents officiels mais incomplets qui circulaient, les militants de SCA ont réclamé des compte-rendus plus précis des réunions. Ne les obtenant pas, ils ont saisi la Commission d'accès aux documents administratifs qui a contraint l'administration à les communiquer. « On a adressé ces informations à la présidente de région », ajoute Jacquy Lièvre, représentant de l'association. Il estime que « le positionnement écolo de l'exécutif régional est biaisé » par l'attitude des services de l'Etat.

Les documents récupérés vont sans nul doute apporter un peu plus d'eau au moulin de SCA qui a déposé à la mi 2016 un recours administratif contre le Plan local d'urbanisme du Rousset. Depuis, l'association n'a pas de nouvelle de la procédure.

Présenté par plusieurs élus régionaux comme le projet qui avait le plus de chance de se réaliser, notamment en raison d'une opposition moindre, le center-parc du Rousset est tout aussi en stand-by que celui de Poligny dont le PLU, visant à rendre constructible une partie de la forêt, a lui aussi été attaqué devant la justice administrative. Au Rousset, certaines réunions du débat public ont été houleuses : « la chambre d'agriculture était très porteuse du projet, très anti-écolo, on s'est même fait insulter et bousculer », note Jacquy Lièvre.

 

Document Pierre&Vacances issu de l'étude d'impact du dossier de la procédure de débat public. Accessible en cliquant ici. Le site dédié au débat public du projet du Rousset est accessible .

 

Document Pierre&Vacances issu de l'étude d'impact du dossier de la procédure de débat public

 

La ZNIEFF Etang du Rousset au Rousset et Marizy, en vert foncé avec un liseré vert clair.

 

Carte montrant le périmètre initialement envisagé et celui retenu. Ce document a été communiqué à l'association SCA après qu'elle a saisi la CADA.

 

 

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