Le chat-renard de Corse ? une prétendue nouvelle espèce !

Une démarche de reconnaissance de ce félin proche du chat de Sardaigne auprès de l'International Institute for Species Exploration a été annoncée par France3 Corse. Mais il semble qu'on ne soit qu'en présence d'une variété due à l'insularité, qui plus est connue depuis longtemps...

Jeune chat forestier

« Chat-renard de Corse : les prochaines étapes pour la reconnaissance de cette (probable) nouvelle espèce animale ». C'est sous ce titre que France3 Corse évoquait il y a peu une démarche de reconnaissance auprès de l'International Institute for Species Exploration de ce félin génétiquement proche du chat de Sardaigne. Mais est-il si nouveau que ça ?

D'abord, l'espèce est improbable. Une espèce se définit par la possibilité de générer une descendance « spécifique ». Chats forestiers (felis sylvestris) et domestiques (felis catus) sont très proches ayant un ancêtre commun (comme le loup et le chien). Le chat forestier est cousin du chat domestique qui, lui, descend d’un chat sauvage africain, le chat ganté (felis lybica)... Les bons minets et le cousin des bois sont interféconds en captivité, voire en nature .

Le soi-disant « chat renard » ne semble être qu’une sous espèce ou variété (due à l’insularité).

Robert Hainard citait ce félin dans Mammifères sauvages d’Europe dès 1948 puis complété aux éditions suivantes avec les travaux de M. Blanchet.

Médiatisation hâtive ?

L'article de France 3 Corse nous semble relever d'une médiatisation hâtive, est insuffisamment renseigné et guère actualisé. Rumeur, légende , bestiaire fabuleux... résurgence, ici, d’un fait divers de 2019, un peu mieux approché et élucidé. D'ailleurs, la revue sérieuse Espèces avait déjà fait un point scientifique dans son numéro 33 de septembre 2019

Quelques clarifications nous ont paru utiles :

1- La notion d’espèce nouvelle, voire de sous espèce, est délicate... Darwin lui-même était dubitatif : « Je considère le terme d'espèce comme un nom donné arbitrairement pour des raisons de commodité à une série d'individus se ressemblant étroitement ...», écrivait-il dans L'Origine des espèces (Origin of species p.52)

2- L’ analyse génétique – telle qu’actuellement pratiquée sera obsolète de par les avancées technologiques scientifiques à venir… En paraphrasant Robert Hainard, « ce n’ est qu’un nom que le prochain progrès de l’analyse réduira à un mécanisme mû par une force toute aussi inconnue » (in Le Monde Plein)

3- Les éléments présentés semblent légers car s'appuyant sur trop peu d’ individus. Eric Hansen, le directeur inter-régionnal de l'ONCFS, devenu depuis Office national de la biodiversité, semble foncièrement prudent dans la revue Espèces précitée : « rien ne permet d'affirmer qu'il s'agit d'une nouvelle espèce, cela pourrait être un croisement, peut-être avec un chat sauvage sarde... » (p .25 )

4- La présence du gène lybica indique (sauf erreur) l’ascendance du chat ganté africain, comme tous nos chats domestiques, en principe… Ou peut-être d’ un lointain ancêtre commun inconnu (voire des hybridations...). La place de « père des chats » est chèrement revendiquée car il y a trois sous espèces officielles  de chats sauvages en proche Eurasie. Les prétendants à la dynastie féline  sont nombreux  mais les fouilleurs de la mésofaune  archéologique recherchent sans cesse.

« Tous les petits félidés d' Eurasie , semblables les uns aux autre sont potentiellement ancêtres du chat domestique », souligne J.D.Vigne  dans ESpèces (2019 N° 33 p.16). Le chat ganté Felis lybica serait un ancêtre de nos minets ; certains éthologues privilégient cette  lignée Lybica car le chat ganté africain est plus familier que notre farouche chat forestier.

Bref, tout reste possible entre hybridations et ancêtre commun dans la nuit des temps. Les chats sont noctambules et nyctalopes, ils ont traversé les siècles depuis  9000 ans avant notre ère et des foyers de domestication sont attestés au Monts du Liban (Vigne p.8)

5- Serait-il opportun de rappeler que tous nos félidés sont protégés. Malheureusement, des chats domestiques sont abattus, des chats forestiers illégalement détruits, des lynx braconnés...


Pour prolonger, quelques livres

- Les mammifères sauvages d'Europe, ouvrage de terrain de Robert Hainard, édité en 1948 et réédité plusieurs fois (Delachaux et Niestlé). Dès 1948,
- Felis reyi de Corse, décrit par Lavauden à partir de trois spécimen étudiés, serait « une forme contestée, il s’agirait de chats domestiques… » Et dans l'édition de 1996, on peut lire : « Les chats méditerranéens sont rattachés au chat ganté qui est la souche de notre chat domestique... »
- Les mammifères postglaciaires de Corse, de Vigne J D (CNRS, Paris 1988).
- Le chat sauvage (Felis silvestris) en Corse, par Arrighi J et Salotti M pour la confirmation de sa présence et approche taxonomique (Editions Mammalia)
- Sur les chats d’ Italie : Gatto selvatico, du Consilglio nazionale di Ricerche Roma

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