MIMI
Il pleut. Le jour est venu de nous séparer et d’aborder la suite. Nous le ferons ensemble, n’est-ce pas ? Nous ne laisserons pas s’opérer un retour en arrière ?
Il pleut. Un signe de la nature ? Elle pleurerait d’imaginer que nous allons (enfin pas nous, les autres agrippés au profit, au fric, au pèze, au flouse, à la thune, à la maille, au pognon, aux pépètes…) recommencer à la malmener ? Que nos oiseaux se feront rares, qu’on ne trouvera plus de canards rue Bersot, ni de chamois égaré en ville ? Que le silence sera couvert par tant de bruits inutiles ?
Il pleut. Je suis allée faire un petit tour dans la Boucle, ce lundi matin. C’était sinistre.
Il pleut. Je pense à toutes celles et tous ceux qui ont lu cette chronique de confinement. Une expérience étrange pour moi. Je connais un certain nombre d’entre vous. Serena par exemple, depuis des lustres. Eh bien ! L’histoire du lave-vaisselle, elle n’avait jamais imaginé que l’utilisation de cet instrument ménager pouvait me causer de tels problèmes ! Qu’en est-il des inconnu-e-s qui nous ont lues ? En réalité, je ne veux pas le savoir. J’ai saisi cette opportunité de vous raconter des histoires, de faire part de sentiments… avec sincérité. Ensuite, chacune et chacun en fera ce qu’il voudra.
Il pleut. Je dois quand même reconnaître que ce fut agréable de vous rencontrer de cette manière, connu-e-s et inconnu-e-s. Samedi, au cours d’une balade, j’ai bavardé avec Martine Coutier. Elle est présidente de l’ALAC, l’association du livre et des auteurs comtois. Chaque année, outre le fait de décerner deux prix littéraires, l’ALAC édite un recueil de textes autour d’un thème donné. Cette année, m’a-t-elle dit, Parures et nudité, veux-tu participer ? J’ai accepté avec joie. Tout en marchant (j’écris beaucoup en marchant), j’ai imaginé comment faire coller ce thème avec mon expérience de confinement-déconfinement.
Il pleut. Une certitude, tout de même. Les moments que nous venons de vivre, Nina, Anouk et moi, personne ne pourra nous en priver. Je n’ai pas honte de le dire, ce fut un moment merveilleux.
Il pleut. Je sais que pour d’autres, ce fut épouvantable. Je sais les morts du virus. Je sais le combat des soignants. Je sais le courage des premiers de corvée. Je sais les femmes battues, violées. Je sais les enfants maltraités. Je sais…
Alors ce savoir, et celui du monde d’avant, il faudra bien en faire quelque chose. Ensemble. À bientôt donc !
ANOUK
Nous voici arrivées. Notre voyage immobile dans un espace-temps confiné se termine, et nous nous retrouvons sur le quai, un peu hagardes, sous le panneau « Monde d’après ». Mais en COVID comme en amour, le monde d’après n’existe pas. Pas plus que n’existe le temps d’avant. On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve, certes, mais on se laisse toutefois emporter par le courant.
Le plus compliqué aujourd’hui, après ces heures d’articles lus, de réflexions menées, sera peut-être de répondre à la question : qu’est-ce qui est souhaitable ? Moi je m’y perds un peu. On sait bien qu’on ne peut pas reprendre comme « avant » : la surconsommation, le libéralisme, les inégalités. Nous, à titre individuel, on a bien compris que c’est bien de se poser un peu, d’arrêter de courir. On a vu fleurir les appels à changer des choses simples dans notre quotidien : on ne porte plus de soutien-gorge ! On fait son pain ! On cuisine ! on jardine ! On regarde les oiseaux ! Vous le savez, j’ai adoré regarder les oiseaux, manger de la pâtisserie maison, passer du temps à ne rien faire d’important. En revanche, m’équiper en gladiateur pour aller faire les courses, j’ai trouvé ça fatiguant. Et puis, faire son pain, son shampoing, acheter sa farine au détail, cultiver son jardin, ça fait un peu le monde d’avant avant, non ? On se croirait dans la petite maison dans la prairie ! Moi j’ai pas trop envie de vivre dans la petite maison dans la prairie. Allez chercher l’eau, couper du bois… J’aime bien l’eau courante, le four à micro-ondes, le Monoprix, même le métro tiens, j’aime bien ! Bien sûr, tout est question de mesure. Entre le tout et le rien, dit souvent Mimi…
Pourtant, on a tous, peut-être, un monde d’avant auquel on aimerait que ressemble le monde d’après. Moi je suis un peu sicilienne dans l’âme. J’aime bien quand c’est le bordel mais que ça pourrit lentement, quand c’est frénétique mais que la frénésie n’est pas essentielle. Quand on s’arrête à une terrasse de café pour regarder passer l’éternité. C’est ça que je voudrais pour le monde d’après, tiens. Aller faire un petit tour à Naples, à Pompeï. Ils le savent, là-bas, qu’on s’en fout de garder toutes ces merveilles sous des vitres, dans des locaux climatisés. On s’en fout parce que ça pourrira quand même. On pense que les Italiens n’entretiennent pas leurs sites à cause de la mafia, de la corruption, des fonds européens détournés pour autre chose. Mais pas du tout ! Ils ne les entretiennent pas parce qu’ils les aiment. Ils les aiment vivant, et donc en train de mourir, là pour nous rappeler que l’éternité, c’est long, ça prend du temps, et que c’est toujours mieux avec un petit vent divin dans les cheveux. Avec un café pas trop cher, et servi come Dio le vuole, avec application, avec un certain sens du sacré.
C’est peut-être ça qui me manque du monde d’avant. Cette douceur… Une douceur climatique, économique, sociale. Alors oui, de tous les vœux qu’on fait pour cet après, j’en choisis un, là tout de suite. Et c’est celui de la douceur.
Je n’ai pas tellement envie de faire un bilan de cette période, je suis sûre que Mimi s’en est chargée. Je dirai seulement que quelque chose, ici, aura été vécu comme un cadeau. Un moment rien que pour nous, une parenthèse, quelques instants volés au fleuve qui n’est jamais le même mais qui nous entraîne. Quel bonheur, ce temps accordé avec Mimi et Nina. Quel bonheur d’avoir été, chaque jour, fière de ce que nous avons réussi à préserver. Fière de ma mère, et surtout, surtout, fière de la femme extraordinaire qu’est en train de devenir ma fille.
Ce fut en outre un plaisir et un honneur que d’écrire chaque jour cette petite chronique confinée, et de recevoir vos réactions pleines de chaleur et d’humanité.
Portez-vous bien. On se voit bientôt .
NINA
Et voilà, c'est le dé confinement. Enfin pour vous. En ce qui me concerne, je vais continuer à rester confinée et à bosser jusqu'à rentrer à Paris ! Depuis la dernière fois que l'on s'est parlé, j'ai envoyé 75% des devoirs dans chaque matière (voire plus). J'ai hâte de tout finir et d'enfin monter dans mon petit TGV qui me ramènera à Paris! Quand est-ce que ça sera? Je ne sais pas.
Je trouve que ces deux mois sont passés assez vite au final, bien que ça devienne un peu étouffant.
Je vous souhaite à tous et à toutes un bon dé confinement, portez des masques et lavez vous bien les mains !