JOUR 21 - MIMI
Ce matin, j’ai dépoussiéré une de mes bibliothèques. Celle qui contient le plus de classiques de la littérature, mais aussi des livres d’art et tout en bas, des polars. Le meuble bibliothèque qui les supporte (aux deux sens du terme) a une histoire. C’est une pièce unique fabriquée par François, dit Franz, en des temps lointains où il créait des meubles plutôt design. La vie l’a orienté vers d’autres aventures… Le dépoussiérage auquel je me suis livré a pris une saveur particulière. Mes livres, saisis un par un, ont réveillé mille souvenirs ! Par exemple, Au-dessous du volcan, de Malcom Lowry. Je crois me souvenir qu’il appartient à Jean- Guy et qu’il ne lui a jamais été rendu. Jean-Guy, si tu le cherches encore … J’ai aussi remis la main sur un livre coffret, Les Belles Endormies de KAWABATA. Il appartient à Marie-Christine. Promis juré, Marie, dès la fin du confinement, Les Belles endormies retournent chez toi !
Toute la rangée des romans de Thomas Bernhard. En première lecture de Gel, je crois, j’avais détesté. Ensuite, j’ai passé plusieurs mois à ne lire QUE du Thomas Bernhard. Une drôle de musique ! Entêtante, envoutante… J’en étais sortie un peu ivre, un peu nauséeuse, mais ravie…
Les livres d’art. En les déplaçant, j’ai un souvenir ému pour Jacques, un ami collectionneur qui m’a tant appris sur la peinture. Il m’a fait découvrir Paul-Élie Dubois, né en 1886 et mort en 1949, à Colombier-Châtelot, dans le Doubs. Entre temps, ce peintre ethnologue a vécu en Algérie. Il a accompagné une mission scientifique chargée d’explorer le massif du Hoggar et ses cathédrales de pierre : l’Illaman, le Tahat, l’Assekrem du Père de Faucauld… De cette expédition, menée souvent seul avec ses guides touareg, il a ramené trois cent tableaux, prenant sa place dans le rang des peintres orientalistes. J’ai feuilleté le beau livre d’Élizabeth Cazenave : Paul-Élie Dubois, Peintre du Hoggar, avant de le glisser avec les autres. Genis, Bardone, Roz, Zingg, Charigny… des peintres de « chez-nous »…
Tout à coup, un catalogue d’exposition ! Nos vaches. Je l’avais acheté à la Galerie Médicis, à Besançon : Buffet, Sonia Brissoni et sa sculpture de vache grise, le sculpteur Gonez et son Reproducteur, Niki de Saint Phalle, Pascal Lombard, Keith Hill et sa Rock and Roll Cow, Claudette Mathey et sa vache joyeuse, dans les airs comme certains personnages de Chagall. Combas, Cueco…Un vrai festival de vaches interprété par 25 artistes tellement différents ! Du grand art ! Et un poème d’Apollinaire : Les colchiques illustré par Michel Gindre d’une vache à l’air romantique, enlaçant la tige de la fleur.
Le gardien du troupeau chante tout doucement / tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent / Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne.
Quand elle était petite, toute petite, Nina avait flashé sur ce catalogue. Tous les matins, elle l’ouvrait, elle cherchait quelle serait la vache du jour en fonction de son humeur. Après mure réflexion et moult tergiversations, elle exposait son choix sur un chevalet posé sur une commode. Notre journée avait l’odeur et la couleur de la vache sélectionnée par Nina.
Rock and Roll Cow, de Keith Hill
JOUR 21 – ANOUK
Alors ce dimanche confiné ? C’était bien ? Nous c’était pas mal. Je ne sais plus trop ce qu’on a fait… Ah si on a regardé un film turc, une histoire de papa handicapé et sa fille… Ça a beaucoup pleuré dans le gynécée/phalanstère.
Au risque de vous agacer avec mon verre de jus de pomme bio plein à ras bord, j’avais envie de dresser une nouvelle liste. La liste de « À quelques petites choses malheur est bon ».
À quoi ce malheur est-il bon ? (la liste n’est pas exhaustive) :
Emmanuel Macron comprend chaque jour un peu plus l’importance du service public.
Je n’ai pas travaillé depuis 14 jours.
L’air de Paris n’avait pas été aussi propre depuis quarante ans.
On se rend compte qu’on peut vivre avec les mêmes trois T-shirt sans aucun problème.
Mimi a pris conscience qu’elle pourrait presque passer son CAP de cuisine.
NINA A EU 16 en maths !!! (bon ça, c’est pas exactement un effet du confinement, en général quand elle s’y met elle a de très bonnes notes, mais je ne résiste pas à ce petit élan tout à fait pardonnable de fierté maternelle, j’ai le droit, on est confinées).
En parlant de ça, je me faisais une réflexion : cette aventure nous offre l’opportunité de réfléchir sur la notion de famille. Vous savez, la famille : celle que l’on se choisit, celle dont on découvre qu’elle a de l’importance, celle que l’on subit. Je me disais qu’à la faveur de ce confinement, on pourrait en donner une nouvelle définition : et si la famille, c’était le petit groupe d’individus avec lequel vous pourriez envisager de passer plus d’un mois confiné, en sachant que ça se passera bien, ou en tout cas pas trop mal. Moi, c’est ma mère et ma fille. Ce que ça dit de moi, de nous trois, on pourrait y passer des heures sur un divan de psy… On pourrait en écrire un roman.
Et je dois vous avouer que je m’interroge. Si, dans une situation exceptionnelle et totalement anormale, vous vous en sortez plutôt pas mal, et même vous arrivez à recréer et à éprouver un sentiment de normalité. Est-ce que vous êtes fou ?
Je vous laisse plancher là-dessus. Moi, j’ai décidé de ne pas répondre à la question.
PS et Nota Bene :
Comme le confinement semble se poursuivre, que je dois moi aussi me remettre au travail, que le rythme de un billet par jours nous semble un peu compliqué à tenir, pour les lecteurs, et pour nous, nous avons fait un comité de rédaction exceptionnel et décidé de passer à un billet tous les deux ou trois jours : désormais, vous retrouverez le Mimi Challenge le LUNDI, le MERCREDI, le VENDREDI…
Prenez soin de vous, restez confinés !
Jour 21-Nina