Rassemblement devant les prud’hommes contre l’affaiblissement de la juridiction

En pleine mobilisation contre la réforme des retraites, l’intersyndicale de Belfort avait appelé à un rassemblement devant le conseil des prud’hommes pour perturber l’audience de rentrée solennelle. La CGT et FO avaient décidé de ne pas participer à cette audience pour protester contre les suppressions de postes à venir, la complexification des requêtes, le plafonnement des indemnités, le recours accru au juge professionnel, etc. À terme, ils redoutent une « disparition pure et dure des conseils de prud’hommes. » Plus tôt dans l’après-midi, la CFDT avait obtenu la présidence, alors que la CGT la revendiquait.

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La rentrée du conseil de prud’hommes a été perturbée ce jeudi 16 janvier par une action de l’intersyndicale CGT-FO-Sud-Solidaires qui s’est réunie devant la juridiction à 17h, au moment de l’audience de rentrée solennelle. « La justice prud’homale s’est éloignée de ses justiciables, et cela doit tous et toutes nous interpeller », lance Sabine Verdant, conseillère prud’homale CGT au micro, enceinte pointée vers les locaux du tribunal. Elle lit le discours qu’elle a prononcé plus tôt dans l’après-midi lors du vote de la nouvelle présidence.

 

En citant le rapport Serverin sur « les affaires prud’homales dans la chaîne judiciaire de 2004 à 2018 », elle décrit la chute vertigineuse du nombre de saisines, -42% dans cet intervalle, et des délais de procédure qui, eux, s’allongent considérablement. « On est passé d’un délai de 14,5 mois en moyenne en 2004 pour obtenir une décision de fond à 19,8 mois en 2018. Le délai moyen des affaires en référé est passé de 1,6 mois en 2004 à 2,7 mois en 2018. Si la procédure comporte bureau de conciliation et d’orientation, puis bureau de jugement et départage, alors le délai passe de 22,8 mois à 34,6 mois, soit une augmentation de 11 mois ! », détaille-t-elle.

La baisse des saisines concerne aussi Belfort, « plus particulièrement dans la section industrie », mais les délais semblent un peu meilleurs « surtout grâce au travail du personnel du greffe ». Elle, et la cinquantaine de manifestants présents, craignent le manque de personnels à venir avec la mise en œuvre de la loi sur la réforme de la justice, qui instaure une fusion des greffes du tribunal judiciaire et des conseils de prud’hommes. « Il est prévu autant de suppressions de postes de greffier qu’il y a de conseils de prud’hommes, via la direction des greffes », précise-t-elle. Elle ne voit pas comment les deux greffières qui resteront à terme pour le conseil de Belfort pourront tenir l’accueil, les audiences et e travail quotidien administratif, « sans guide puisque madame la greffière en chef part en retraite et ne sera pas remplacée ».

Des réformes qui affaiblissent les prud’hommes

Pour elle, « c’est un nouveau pas vers une disparition pure et dure des conseils de prud’hommes » tonne-t-elle après avoir rappelé la suppression des élections des conseillers prud’homaux au suffrage direct, au profit d’une désignation par les organisations syndicales et patronales. Evelyne Serverin évoque dans son rapport une justice prud’homale fractionnée, Sabine Verdant parle d’une justice « qui bénéficie surtout aux cadres, aux travailleurs en fin de carrière. Une justice qui sert essentiellement à réparer les salariés licenciés, laissant les illégalités en cours d’exécution du contrat de travail non réparées ».

Ce rassemblement devant le conseil des prud’hommes est aussi l’occasion de pointer la responsabilité des réformes successives qui ont, selon les manifestants, affaibli la juridiction : « suppression de conseils, complexification de la requête, atteinte à l’oralité des débats, prescription raccourcie, barèmes Macron, représentation obligatoire en appel, développement des règlements des litiges hors juges, recours accru au juge professionnel, ruptures conventionnelles et ordonnance Macron qui fragilisent les droits des salariés ». La conseillère CGT aux prud’hommes rappelle l’utilité de la juridiction, qui donne raison dans 65% des jugements au salarié, et que 80% des arrêts rendus au fond par les cours d’appel confirment les décisions rendues par les prud’hommes. « Cela tord le cou à l’argument favori du patronat et de certains juges professionnels, comme entendu à Belfort, sur la mauvaise qualité des décisions des juges non professionnels. »

Même si cela n’est pas le plus important, compte tenu de ce qui a été dit plus haut, Sabine Verdant revendique aussi la présidence du conseil des prud’hommes, qui alterne tous les ans entre le collège employeurs et salariés. Cette année, elle revenait aux salariés et la CGT revendique la place, mais ce ne sera pas encore pour cette fois.  Le vote du début d’après-midi du collège salarié a désigné le candidat proposé par la CFDT, qui a eu 11 voies alors que la CGT en a obtenu 10. « Cela fait des années que la présidence devrait revenir à la CGT parce que nous avons la plus forte représentation syndicale. C’est une pseudo démocratie, on ne respecte pas le vote des salariés », nous confiera-t-elle. Elle explique ce résultat par l’entente des autres syndicats. « La CGT et FO vote CGT et tous les autres, CFDT, Unsa, CFE, CFTC votent CFDT. » Le petit groupe s’en ira en cortège vers le lion de Belfort pour rejoindre d’autres manifestants pour une marche au flambeau contre la réforme des retraites qui a rassemblé 200-300 personnes.

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