Pollution : procédures engagées contre la fromagerie Perrin

Ce n’est pas la première fois que la fromagerie Perrin de Cléron est mise en cause pour ses rejets polluants déversés en amont de la Loue. Mais cette fois, la justice devrait s’en mêler. La préfecture a mis en demeure l’entreprise de respecter les normes anti-pollution et met en cause la fiabilité de ses auto-contrôles. Un procès-verbal de l’Office français de la biodiversité (OFB) devrait initier une procédure pénale tandis que la fédération de pêche du Doubs prépare une plainte et demandera des réparations au titre du préjudice écologique subi.

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Le 24 janvier dernier, la comtesse de Cléron, deux pêcheurs, un garde-pêche de la fédération du Doubs et un agent de l’Office français de la biodiversité (OFB) se réunissent sur le terrain pour constater encore une fois l’état déplorable de la Mée. Ce petit ruisseau se jette dans la Loue au niveau du château dans le village de Cléron. L’un des propriétaires de la fromagerie Perrin, qui emploie près de 200 personnes, est là aussi. Implantée sur les hauteurs, elle déverse ses rejets depuis une pente de 100 mètres en amont du lieu de cette rencontre. Ce n’est pas la première fois que cette entreprise familiale, l’une des plus grosses fabriques de Morbier, est mise en cause.

Ce jour, comme ce fut aussi le cas au moins le 6, 7, 8 et 13, 15 et 28 janvier dernier, un liquide blanchâtre et laiteux coule dans la rivière. Le représentant de la fromagerie a beau expliquer qu’un capteur de la station d’épuration était tombé en panne il y a 15 jours et que ce problème est aujourd’hui réglé. Ce n’est clairement pas le cas. Quand ils décident de se rendre près de la station d’épuration pour voir de plus près ce qu’il en ressort, ils constatent que la pollution n’a pas cessé.

À première vue, une turbidité importante de l’eau résulte de cet écoulement. Des analyses sont effectuées par l’agent de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui dispose du pouvoir de police judiciaire et administrative de l’eau. Le technicien de l’environnement constate un taux de conductivité 10 à 15 fois supérieur à la normale et une température de rejet de 30 °C alors que la température du ruisseau est de 10 °C. Le garde-pêche note que les truites farios, déjà en trop faible densité dans la Loue d’après l’inventaire piscicole, cessent de s’alimenter à partir de 20 °C et que nous sommes alors en pleine période de reproduction.

Procédure pénale et préjudice écologique

Afin d’alerter sur le caractère chronique de ces pollutions, qui mettent en péril la qualité de l’eau des rivières et le bon équilibre de la biodiversité d’un écosystème fragile, le garde-pêche adresse un rapport au procureur de la République de Besançon. Celui-ci ne nous ayant pas répondu à cette heure, nous ne savons pas quelle suite il entend lui donner. Mais selon nos informations, la rédaction d’un procès-verbal par l’OFB, au titre de son pouvoir de police de l’environnement, serait en cours.

Ce document devrait permettre à la fédération de pêche du Doubs d’enclencher une procédure pénale contre la fromagerie Perrin. Un avocat est déjà en train de préparer la plainte. Elle espère en outre obtenir des réparations au titre du préjudice écologique, qui est inscrit dans le Code civil depuis 2016. Cela n’a été appliqué que dans de rares jugements, et notamment par une décision historique du tribunal de Marseille qui a condamné le 6 mars 2020 quatre braconniers à payer 350 000 € au titre de la réparation du préjudice écologique au bénéfice du Parc national des Calanques.

Des résultats d’autocontrôles pas fiables

En parallèle, et au vu des antécédents, la préfecture du Doubs a mis en demeure le 17 mars la société Perrin et l’oblige à respecter les teneurs en polluants de ses rejets qu’elle dépasse fréquemment. Cette mise en demeure met aussi clairement en cause la fiabilité des mesures d’auto-contrôles réalisés par la fromagerie. Selon la préfecture, ceux-ci ne correspondent pas aux contrôles inopinés réalisés par ses services. Elle constate alors sobrement : « au vu de ces différences de résultat, l’entreprise Perrin n’est pas en mesure de réaliser des mesures d’autosurveillance fiables ».

« Personne n’est exempt d’erreurs, surtout pas les services qui ne savent faire que du contrôle », répond-on du côté de la fromagerie Perrin qui insiste sur le fait que selon elle, malgré des résultats différents produits par deux laboratoires, il s’agissait pourtant bien du même échantillon. Mais pour la préfecture, l’erreur vient bien de la fromagerie et non de ses services.

En tout état de cause, la coopération semble difficile, même si la fromagerie Perrin nous indique être en relation permanente avec les services de l’État pour régler le problème de pollution, et notamment de la DDSCPP. La préfecture a dû envoyer une lettre de relance à la fromagerie pour que celle-ci lui envoie le diagnostic des défaillances de sa station d’épuration qui n’était pas encore arrivé à l’échéance souhaitée.

La fromagerie Perrin a fini par transmettre le courrier, mais renvoie le diagnostique de la station de traitement à après le déconfinement contrairement à ce qui lui avait été demandé par la préfecture. En guise de bonne volonté, elle signale les travaux déjà effectués sur sa station, comme le remplacement d’une sonde, le renouvellement de membranes, etc. Le PDG de la fromagerie nous indique également que ces rejets sont maintenant conformes aux normes qu’elle doit respecter, sans pour autant nous donner de chiffres.

La préfecture devrait engager de nouveau des contrôles inopinés. Et si ceux-ci ne s’avéraient pas conformes, Perrin devra immédiatement livrer ses effluents à une autre station de traitement en capacité de les absorber jusqu’à la mise en conformité de sa propre station d’épuration. Dans tous les cas, elle devra très certainement rendre des comptes au tribunal pour ses pollutions passées.

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