Peut-on aller au boulot à vélo en montagne ?

Lors du débat parlementaire réduisant l'indemnité kilométrique vélo pour les salariés, tout en la rendant facultative pour les employeurs, la députée jurassienne Marie-Christine Dalloz (LR) avait argumenté sur la quasi impossibilité de le faire dans le Haut-Jura. Des militants du vélo relèvent le défi qu'elle leur a lancé et cherchent un salarié volontaire pour tester un trajet de 10 km et 600 m de dénivelée.

Claude Changarnier et Julien Da Rocha, de l'association lédonienne Vélo qui rit : « notre objectif est de montrer que le vélo à assistance électrique est accessible à tous ». Ph D.B.

C'est l'histoire d'un défi lancé par la députée Marie-Christine Dalloz (LR, Jura) à des militants du vélo qui l'ont relevé et cherchent au moins un volontaire pour porter la cause qu'ils défendent. Lors du débat parlementaire du 1er décembre dernier revenant sur l'indemnité kilométrique vélo adoptée quelques mois plus tôt, l'élue du Haut-Jura avait défendu « l'équité » entre les modes de transports domicile-travail, contre les élus écologistes qui défendaient un avantage pour la petite reine : « il n'est pas illégitime de favoriser un mode de transport meilleur pour les finances publiques, la qualité de l'air et la santé publique », avait notamment souligné Denis Baupin (EELV, Manche) qui s'étonnait que l'on revint sur une disposition déjà adoptée. Il critiquait le retour en arrière consistant à passer d'un plafond de 35 €/mois, figurant alors sur le site du ministère de l'Écologie, à 200 €/an en pleine COP21, et proposait un amendement pour le fixer à 385 €...

Mme Dalloz l'avait alors jouée un brin poujadiste en estimant assister à « un débat Paris contre le reste de la France », assurant que le vélo est « essentiellement utilisé dans les grandes agglomérations et à Paris intra-muros ».

Un peu surpris, Eric Alauzet lui avait demandé alors : « Et dans le Jura ? » Ce à quoi Mme Dalloz rétorqua : « Dans le Jura, ce n’est pas possible étant donné la neige. Il faut tout de même que les conditions se prêtent à ce mode de transport. »

Le déneigement des voies cyclables
prioritaire en Scandinavie

Il n'en fallut pas davantage pour que deux associations de cyclistes jurassiennes, membres de la Fédération française des usagers de la bicyclette, ne lui écrivent pour lui apporter « quelques précisions » sur le vélo « moyen de déplacement ». Elles défendent notamment les « réelles politiques cyclables » scandinaves ou canadienne où le déneigement des voies cyclables est « prioritaire ».

Dans sa réponse, la députée rétro-pédale : « je n'ai en aucun cas voulu minimiser la pratique du vélo dans notre département de nature », mais en hiver dans le Haut-Jura, « sa pratique est moins fréquente que dans les grandes agglomérations ». Et de conclure par une boutade : « je vous suggère d'effectuer tous les jours à vélo à assistance électrique le trajet Saint-Claude-Septmoncel [ou inverse] car de nombreux salariés effectuent au quotidien ce trajet... Ce n'est peut-être pas le moyen de transport le plus adapté compte tenu de la déclivité ».

« Je connais trois personnes
qui font Besançon-Montfaucon
tous les jours »

Avait-elle prévu que les cyclo-militants allaient la prendre au mot ? C'est donc ce qu'ils viennent de faire en alertant leurs réseaux qu'ils cherchent un volontaire pour faire chaque jour les 10 km et les 600 m de dénivelée du trajet. Il ont même trouvé un sponsor pour l'expérience en la société bisontine Proxy-cycle qui va prêter un vélo. 600 m de dénivelé, « c'est facile », assure son patron (ci-contre), « c'est au-delà de 2000 m que ça devient compliqué... Je connais déjà trois personnes qui font Besançon-Montfaucon tous les jours, c'est près de 400 m de dénivelé ».

Pour Julien Da Rocha, le défi est relevable : « des gens le font déjà sans assistance électrique... » Oui, mais pour le travail ? « C'est marginal et réservé à des gens ayant une condition physique, mais notre objectif est de montrer que le vélo à assistance électrique est accessible à tous. On aimerait trouver quelqu'un de non exceptionnel, non entraîné ».

« La sécurité est le premier frein
à l'utilisation du vélo
pour les trajets domicile-travail »

Le trajet Saint-Claude-Septmoncel est proposé, mais l'équivalent est possible aussi : 11 km et 500 m ou 12 km et 400 m... Les exemples ne manquent pas dans un territoire de moyenne montagne comme le massif jurassien. Au hasard, dans le Doubs, Saint-Hippolyte-Maîche : 12 km et 550 m de dénivelée... La limite, c'est moins la météo que la durée : « ça doit être autour de 20 minutes, au-delà de 30 minutes, c'est difficilement envisageable pour aller au travail ».

Il y a également le problème de la sécurité : « on veut montrer que la question n'est pas que technique, mais aussi politique dès lors que le problème sera celui de la circulation. Les enquêtes montrent que la sécurité est le premier frein à l'utilisation du vélo pour les trajets domicile-travail », dit Claude Changarnier, la présidente de Vélo qui rit.

Du coup, les questions d'aménagement de la voirie urbaine pour la rendre accueillante aux cyclistes, vont se poser pour les secteurs péri-urbains et ruraux. Les trop peu fameuses « zones de rencontre », signalées par des panneaux où cohabitent piétons, cyclistes et automobilistes limités à 20 km/h sont souhaitées plus nombreuses par les militants du vélo, mais également, les itinéraires continus. Et comme le précise Mme Dalloz dans sa missive, ces aménagements sont du ressort des collectivités locales...

 

 

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