Pesticides : « moins c’est mieux » c’est possible

« Marre du phyto… mais pas encore prêt à passer au bio ». Jean-Paul Garnery, agriculteur à Roche-et-Raucourt, pratique les couverts végétaux associés aux cultures du colza et du blé.

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« Marre du phyto… » s’est-il dit il y a plusieurs années, « mais pas encore prêt à passer au bio ». Jean-Paul Garnery, agriculteur à Roche-et-Raucourt près de Dampierre-sur-Salon, met en pratique les couverts végétaux associés aux cultures du colza et du blé depuis 2010. Il cultive 45 ha de colza, 65 ha de blé, en partie sur des zones sensibles du point de vue environnemental notamment des zones de captages d’eau. Le couvert végétal associé capte l’azote dans l’air et le sol et en nourrit le colza en période de montaison et de floraison.
Les apports d’azote, cause majeure de pollution des eaux, peuvent ainsi être réduits de 30 %. M. Garnery détruit ce couvert mécaniquement et non chimiquement début décembre. Le procédé s’applique à la moitié de sa production de colza à présent. Il entend poursuivre, assure-t-il à ses collègues agriculteurs. Depuis deux ans également il sème son blé sur 15 ha avec un couvert de fèveroles et de pois. Sur le modèle de « l’agriculture de conservation », il travaille moins le sol, ce qui représente aussi une économie de temps et d’énergie consommée par les engins.
Sa démarche est « volontaire, sans obligation de résultats. » Elle est accompagnée par la Chambre d’agriculture de Haute-Saône, dans le cadre du « plan Ecophyto », plan national visant à réduire de 50 % l’utilisation des pesticides d’ici à 2018, « si possible» comme sont parvenus à l’ajouter les principaux représentants syndicaux de la profession.

Huit céréaliers et quatre éleveurs

Le thème de la rencontre du 7 novembre : « Les cultures associées : on a tous à y gagner » réunissait une cinquantaine d’agriculteurs à Francourt, la plupart engagés déjà dans une démarche de préservation de la ressource en eau. Il y a deux ans, 12 fermes haut-saônoises ont adhéré au programme Ecophyto : huit producteurs de céréales dont M. Garnery et quatre éleveurs. Ce réseau s’appelle « DEPHY Ferme » (Démontrer Expérimenter et Produire des références sur les systèmes économes en pHYtosanitaires). Il s’est constitué suite à un appel à projets de l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques. Le lycée agricole de Vesoul y est associé.

 

La lentille est le plus efficace des couverts testés avec le colza. Des essais menés par le CETIOM (Centre Technique Interprofessionnel des Oléagineux et du Chanvre), d’autres en Haute-Saône et dans le Jura le confirment. La productivité est aussi maintenue ou améliorée - argument qui pèse. Les lentilles coûtent 50 euros l’hectare, la féverolle est le moins cher des couverts de légumineuses.
Des questions se posent encore concernant le désherbage nécessaire ou non, le traitement des limaces, les insecticides : « 80 % des parcelles traitées contre les charençons l’ont été inutilement ». Les tests et études se poursuivent. « Difficile de comparer les exploitations entre elles. L’objectif (de – 50 %) est compliqué aussi du fait des différentes cultures. » Ainsi Jérôme Tschenn, conseiller du service agronomie-environnement de la Chambre d’agriculture de Haute-Saône, souligne-t-il le doute sur l’objectif fixé pour dans six ans. La diversité des situations, avant d’être la difficulté avancée, a pourtant bien été un choix « d’être représentatif ».

 

Un tiers engagé,
un tiers observateur,
un tiers rétif au changement

L’ampleur de la tâche est considérable. Complexité évoquée, dépendance non dissimulée des agriculteurs à certains produits comme le glyphosate, vendu sous le nom de roundup, et dont l’interdiction est en question. Comment concilier l’appel au « moins c’est mieux » (pour les pesticides seulement ?) avec l’attention demandée à « maintenir la rentabilité économique » ?

Et quid des agriculteurs qui ne sont pas aux côtés de DEPHY ? « Il est difficile de communiquer avec tous les exploitants » regrette Céline Beluche, conseillère de la Chambre d’agriculture également. « Approximativement un tiers d’entre eux est engagé, un tiers attend encore, observe l’avancée des premiers, le dernier tiers est rétif à tout véritable changement de pratiques. »
Si les agriculteurs emploient plus de 90 % des quantités de pesticide, on impute 40 % de la pollution des eaux de surface à d’autres utilisateurs : services chargés de l’entretien des infrastructures routières et ferrovières, des espaces publics et particuliers.
Ecophyto, son application par certains et sa promotion, « c’est une première marche dans le bon sens » comme le dit M. Tschenn. La modestie peut être de mise effectivement et tous les efforts n’ont pas à être demandés aux seuls agriculteurs. Ces derniers savent la fonction qu’ils remplissent quand ils se présentent comme nourriciers. Ils ont aussi leur part de responsabilité si les enjeux et les ambitions affichées du Grenelle de l’environnement semblent loin.

 

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