Pesticides : 4578 tonnes vendues en Franche-Comté de 2009 à 2016

Le journal en ligne Médiacités publie les ventes des pesticides par département après qu'un militant associatif breton ait saisi avec succès la Commission d'accès aux documents administratifs. La Haute-Saône consomme 46% du total franc-comtois qui reste nettement sous la moyenne du pays, ce qu'il faut relativiser avec la présence de montagnes et de forêts. Céréales et vignes en utilisent plus que l'élevage. La Côte d'Or bat les records régionaux.

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On doit à Etienne Dervieux, militant de l'association Eaux et Rivières de Bretagne de pouvoir enfin disposer des données de vente des pesticides par département. Ces données n'étaient pas rendues publiques et ceux qui les demandaient se voyaient régulièrement opposer une impossibilité technique, le secret industriel ou statistique. A Factuel, nous avons déjà eu à faire face à un tel refus, habillé de prétextes plus ou moins crédibles.

Etienne Dervieux a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs qui lui a donné gain de cause.

Restait à traiter la masse de données mises en lignes sur le site data-EauFrance. Notre confrère Mediacités s'y est attelé et publie une enquête intitulée La carte de France toxique... (accessible ici, pour abonnés ou gratuitement pendant 24 heures). Le dossier publie notamment les ventes totales de pesticides entre 2009 et 2016 par département, et pour chaque département les cinq produits les plus vendus. Reprenant ces données pour la Bourgogne-Franche-Comté et les départements voisins de la Franche-Comté, nous publions un tableau synthétique en bas de cet article.

On y découvre que la Franche-Comté, si elle n'est pas épargnée par les pesticides, l'est nettement moins que le reste du pays. Il s'est ainsi vendu 2178 tonnes de pesticides en Haute-Saône, soit deux fois et demi moins que la moyenne nationale de 5353 tonnes, le record étant détenu par la Marne (22.530 t), suivie de la Gironde (22.283 t) et l'Aube (20.938 t) : le champagne et le bordeaux sont de bons clients de la chimie... Le Jura suit la Haute-Saône avec 1463 tonnes, devant le Doubs (805 tonnes) et le Territoire-de-Belfort (132 tonnes).

Différents types d'agriculture

Ces résultats correspondent aux types d'agriculture : les grandes cultures et la vigne consomment davantage de produits dits phytosanitaires que les zones d'élevage extensif. Cela se traduit dans les quantités vendues dans les départements voisins.

La Côte d'Or, viticole et céréalière, explose le compteur avec 9265 tonnes, devant l'Yonne (5422 tonnes), le Haut-Rhin (4645 tonnes), la Saône-et-Loire (4594 tonnes) et l'Ain (3690 tonnes). A contrario, la Haute-Marne (2301 tonnes), les Vosges (785 tonnes), et, au fin fond de la grande région, la forestière Nièvre (597 tonnes) sont moins impactées.

Il ne faut pas cependant en tirer de trop optimistes conclusions. Ne serait-ce en considérant les superficies que l'on peut soustraire au traitement massif par les pesticides, comme les forêts et les secteurs montagneux. Et si l'on compare la superficie des vignobles (19.000 ha pour le Jura, 156.000 pour l'Alsace, 283.000 pour la Bougogne), on relativise le moindre usage des pesticides associés à la vigne en Franche-Comté.

Troubles respiratoires chez les viticulteurs

Les cinq pesticides les plus utilisés dans le Doubs et le Territoire-de-Belfort sont tous des désherbants. Parmi les cinq pesticides les plus utilisés dans le Jura, figurent trois herbicides et deux fongicides employés dans les vignes, l'un d'eux, le Folpel, est selon le réseau Phyt'attitude de la MSA, cité par Wikipédia, la première cause de signalement chez les agriculteurs, notamment responsable de troubles respiratoires chez les viticulteurs, étant largement utilisé également en Saône-et-Loire et dans le Haut-Rhin. Fabriqué par Bayer, ses ventes sont en diminution.

Le Mancobeze, autre fongicide utilisé dans le Jura, en Bourgogne ou dans l'Ain pour lutter contre le mildiou des vignes, de la tomate ou des pommes de terre, est selon l'Institut national de recherche et de sécurité, « susceptible de nuire au fœtus, peut provoquer une allergie cutanée, est très toxique pour les organismes aquatiques ».

Inhibiteur de la photosynthèse, utilisé notamment sur les blés tendres, l'isoproturon, employé en Haute-Marne, Haute-Saône, Côte d'Or et Vosges, est toxique pour les organismes aquatiques, présente des risques pour la reproduction des oiseaux, n'est pas génial pour le foie des chiens et rats sur lesquels des analyses ont été faites.

Le chlortoluron « très toxique pour les milieux aquatiques »

Parmi les cinq pesticides les plus utilisé sur les cultures céréalières de tous les départements de Bourgogne-Franche-Comté, Haute -Marne et Vosges, le chlortoluron est utilisé l'automne afin de limiter la concurrence des adventices dans les champs de céréales. Mais bien que son fabriquant ait diminué sa concentration, cet herbicide demeure, selon les classifications européennes, « très toxique pour les milieux aquatiques » sur lesquels il « entraîne des effets à long terme ». Il est également « susceptible de provoquer le cancer » et de « nuire au fœtus ».

Utilisé dans les quatre départements comtois et en Saône-et-Loire, le S-Metolachlore a remplacé en 2003 le metolachlore qui venait d'être interdit mais dont retrouvait encore des traces en 2016 dans l'eau et l'air sous forme de dégradés. Devenu populaire après l'interdiction de l'atrazine, cet herbicide utilisé notamment dans les maïs, a largement contribué à la pollution des eaux aux Etats-Unis et au Canada.

On ne présente plus le glyphosate dont tout le monde parle et sur la durée de prolongation de l'homologation duquel l'Europe n'arrive pas à se mettre d'accord. En tête de tous les pesticides utilisés dans le monde comme dans tous les départements de la région, intrinsèquement articulé aux plantes génétiquement modifiées, c'est l'un des symboles de la soumission de l'agriculture à la grande industrie. On le sait toxique pour les eaux et probable cancérogène. De nombreuses collectivités l'ont banni avant que l'usage leur en soit interdit depuis le 1er janvier. Son achat est réglementé pour les jardiniers amateurs qui ne pourront plus en acquérir en 2018.

L'échec du plan éco-phyto

Et pourtant... Si la lutte pour la qualité de l'eau, de l'air et des sols, bref de la vie, continue, une bataille est en passe d'être remportée : celle de l'information. Mais que cela aura été long de faire advenir ce sujet dans le débat public. Et que les résistances sont tenaces, et surtout, fortes de la puissance économique des intérêts en cause. Une preuve en est l'augmentation de 30% des ventes de glyphosate en France entre 2009 et 2016.

Une autre en est l'augmentation de 6% du volume de pesticides vendus entre 2009 et 2014, comme l'a souligné le ministère de l'Agriculture en 2015 (lire ici). Le fameux plan éco-phyto de Sarkozy et du Grenelle de l'environnement aura échoué sur toute la ligne. A moins que n'ait réussi son plan B : « l'environnement, ça commence à bien faire ».

 

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