L’espion qui voulait s’infiltrer au Salon du livre

Non sélectionné pour le salon Livres dans la Boucle à Besançon, l'écrivain et lanceur d'alerte Maxime Renahy dénonce une « censure politique » du Grand Besançon et de son président Jean-Louis Fousseret. La collectivité explique pour sa part qu'il est « hors du temps de la rentrée littéraire » et que la place manquait pour l'accueillir. L’auteur de "Là où est l’argent", ancien informateur pour la DGSE, est pourtant bien décidé à venir y présenter son enquête sur l’impunité financière…

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Sa candidature au salon Livres dans la boucle n’a pas été retenue. L’écrivain et lanceur d’alerte d’origine bisontine Maxime Renahy, auteur du récent Là où est l’argent, annonce cependant sa présence « sans autorisation, pour rencontrer les lecteurs et parler de justice fiscale ». Début août, il avait expliqué que « la liste des auteurs invités au salon peut être établie ou modifiée de manière discrétionnaire par Jean-Louis Fousseret », maire et président du Grand-Besançon-Métropole, tout en s’insurgeant « qu’au pays de Courbet, Proudhon, Fourier et Considérant, c’est la macronie qui décide seule qui peut ou ne peut pas participer à un événement culturel financé par le contribuable ».

Estimant être « black-listé » par la collectivité locale, le jeune homme considère que c’est en raison du contenu et du sujet de son livre qui « met en cause de nombreuses multinationales et certaines administrations, les premières pour la mise en place d’un véritable système opaque et massif d’évasion et de fraude fiscale, les secondes du fait de leur inertie à combattre cette réalité. Dans ce cadre, des élus ou notables mêmes locaux quand ils sont liés à la majorité actuelle, peuvent être réticents à exposer ces questions nécessairement fâcheuses puisque visant aussi le sommet de l’État ».

Maxime Renahy avait pourtant toutes les chances de figurer à la quatrième édition de Livres dans la boucle. Outre ses attaches bisontines, son livre s’est plutôt bien vendu et son sujet est d’actualité. Il a formulé sa demande de participation par les voies dédiées avec les renseignements nécessaires et dans les temps. Sans nouvelle à la clôture des inscriptions, il comprend qu’il n’est pas retenu.

Succédant aux Mots Doubs en 2016, Livres dans la Boucle, à l’inverse d’autres salons similaires, n’a pas d’organe de direction indépendant. Il est régi par Grand-Besançon-Métropole, que préside Jean-Louis Fousseret. Une situation qui peut poser question. Dès lors, qui décide vraiment, et selon quels critères, de la présence ou de l’exclusion de la candidature d’un écrivain ? Car le cas s’est déjà produit à Besançon.

Des cas similaires qui posent question

Alors placé sous l’égide du Conseil départemental, le festival des Mots Doubs avait été l’objet d’une polémique en septembre 2008 à propos du livre Demain, je reviendrai qui traitait du parcours d’un jeune migrant clandestin. L’ouvrage avait été écarté d’une distinction, bien qu’ayant été choisi par un jury. Réseau Éducation Sans Frontières avait alors dénoncé « un refus de publication au motif ahurissant d’un engagement pouvant déplaire à la Préfecture. » Le cabinet du président du conseil général du Doubs avait répondu à l’époque qu’il ne s’agissait que « d’une agitation venant de l’extrême-gauche » et que « le jury ne fait que proposer et l’exécutif dispose ».

D’autres écrivains ont, plus récemment, eux aussi subi un sort similaire. C’est par exemple le cas de Richard Palachak, auteur « noir » d’origine slovaque qui décrit sans filtre une errance parfois rongée par l’alcool, la violence, et la criminalité, dans les Balkans et en Europe de l’Est. Trois années de suite, sa maison d’édition « Black out », située à Limoges, a bien réalisé la démarche. Avec à chaque fois le même résultat, sans le moindre retour.

Une fin de non-recevoir qui met en colère cette plume acerbe. « Cette année, un collègue à moi, qui vient de Bratislava à plus de 1 200 km, a été sélectionné ; on traite pourtant du même type de sujets parfois crus et brutaux, en partageant un diffuseur identique. Par ailleurs j’ai sollicité pas moins de trois éditions, mes parutions datent ici de mi-2018, avec une à venir très prochainement. Je vis sur place, et ma propre mère a été recrutée pour servir d’interprète. Mais je n’ai obtenu aucune nouvelle, donc synonyme de rejet. Pourquoi n’aurais-je pas droit de cité ? »

Deux poids deux mesures ?

Contactée par Factuel, l’attachée de presse du salon, et de Martine Menigoz, explique que la sélection s’opère via la société Faits et Gestes qui a pour objectif d’accueillir prioritairement les auteurs parus lors « de la rentrée littéraire » donc entre août et septembre, d’autres « reconnus nationalement » tels que Sorj Chalandon, Daniel Picouly, ou Jean Rouaud, ainsi que les sélections régionales en concertation avec l’agence « Livre et Lecture Bourgogne/Franche-Comté » incluant les maisons implantées dans le secteur.

 C’est dans cette catégorie qu’on retrouve Joseph Pinard, député PS de 1981 à 1986, historien, soutien notoire et fidèle du maire et du gouvernement actuel. Il a été de toutes les éditions des trois dernières années, au titre de son rattachement à l’éditeur comtois Cêtre. Il n’a, pourtant, jamais écrit de roman et ses publications ne concordent pas toujours avec le créneau exigé, comme en 2017, année où il n’avait rien produit.

Cette fois, sa dernière œuvre est dans les temps exigés, bien que sur le fil du rasoir avec une livraison ce 11 septembre. Mais le genre, historique et politique, est, comme en 2016 avec « laïcité et fraternité », loin du thème fixé. « La preuve par neuf - le parcours exemplaire de neuf élus francs-comtois » entend « réagir contre le dénigrement des représentants du peuple » en réhabilitant « nombre d’élus de grande qualité qu’ils soient de droite républicaine, du centre, de gauche » à destination « d’une jeune génération en mal de repères », explique la fiche du site du festival.

 Clauses de priorités et nombre de places limité

Martine Menigoz réfute toute politisation du choix des personnalités. Elle précise que la programmation s’articule avec les éditeurs, un panel étant bâti par le partenaire Faits et Gestes afin de donner « le meilleur aperçu possible de la rentrée littéraire de l’année. » Concernant l’implication du Grand-Besançon-Métropole, si elle admet qu’il est « possible en tant qu’organisateur d’imposer ou de refuser un auteur », Grand-Besançon-Métropole « ne le fait pas, s’inscrivant dans une ligne éditoriale claire, garantissant lisibilité, qualité et renommée du festival ».

 Quant au cas des deux auteurs cités plus haut, elle explique les raisons de cette situation : « Le livre de Maxime Renahy, n’entrant pas dans le cadre de la rentrée littéraire, n’est pas un roman. Il n’était donc pas prioritaire, et c’est l’une des deux raisons qui nous ont conduits à ne pas retenir sa candidature, la seconde étant le manque de places disponibles. Il est publié par Les Arènes/L’Iconoclaste, un éditeur national, qui présente à Besançon trois romanciers publiant à l’occasion de la rentrée littéraire : Cécile Coulon, Jean-Baptiste Andréa et Mathieu Palain. »

 Elle poursuit : « Le dernier livre de Richard Palachak a paru en septembre 2018. La manifestation 2019 ne concerne que les livres publiés entre octobre 2018 et septembre 2019. »

Toufik-de-Planoise et Guillaume Clerc

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