C'est un véritable coup de tonnerre pour Jean-Louis Fousseret qui rêve de laisser la trace d'un maire bâtisseur et encourt aujourd'hui le risque de passer aussi pour un élu bétonneur, comme le lui a reproché la droite municipale. Voilà le maire de la capitale 2018 de la biodiversité épinglé comme pourfendeur de cette biodiversité en vertu d'une décision de justice, obtenue par des militants environnementalistes davantage soutenus par les Insoumis que par les Verts.
A peine entamée, la dernière de ses dix-neuf années de bail à la tête de la ville est donc marquée par un camouflet judiciaire retentissant sur un dossier aussi symbolique que structurant. Nonobstant un possible recours, non suspensif, devant le Conseil d'Etat, l'ordonnance de référé du tribunal administratif suspendant l'arrêté préfectoral autorisant la destruction d'habitats d'espèces protégées résonne comme un coup d'arrêt à une opération d'urbanisme d'ampleur qui, quoi qu'il en ait été dit, n'a d'écolo que le nom.
Car pour l'heure, c'est tout bonnement le projet qui pourrait être remis en cause si le Conseil d'Etat devait confirmer l'ordonnance du juge des référés. Et même si elle est cassée, certaines interventions ne seront pas possibles pour des raison de phasage lié aux cycles de la faune. On ne saurait en outre présager aujourd'hui de la décision que prendra sur le fond le tribunal administratif quant à la légalité de l'arrêté préfectoral suspendu. Mais comme cette décision ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois, voire un an sinon davantage, qu'elle sera susceptible d'appel, il devient fort possible que rien ne se fera d'ici les élections municipales qui se tiendront dans dix mois.
Ce sera donc à la prochaine équipe municipale de dire ce qui se fera aux Vaîtes. Et par conséquent, le sujet sera un des enjeux importants du débat pré-électoral. De ce point de vue, les socialistes et les macronistes, qui ont soutenu mordicus le projet, viennent de se retrouver d'un coup du mauvais côté de la barre, comme on dit dans les enceintes judiciaires. Que la suspension des travaux soit confirmée, et c'est toute leur vision technocratique et administrative des questions d'urbanisme qui volera en éclat. Que celle-ci s'appuie sur un document – l'étude Tayeb-Adéquation – qu'ils n'ont jamais voulu rendre public, ne plaide pas en leur faveur : ils passeront pour des cachotiers qui entendent garder pour eux des analyses dont les destinataires principaux sont les promoteurs immobiliers.
C'est dans le contexte que Factuel a sollicité plusieurs responsables politiques bisontins pour connaître leurs analyses sur ce point : LREM, PS, LR, PCF, EELV et LFI.
Alors qu'ils préparaient la réunion de la municipalité, Anne Vignot (EELV) et Christophe Lime (PCF) nous ont rappelé pour un entretien conjoint au cours duquel ils disent partager la même analyse. Claire Arnoux nous a rappelé, indiquant répondre en tant que « présidente de l'association Jardins des Vaîtes, par ailleurs militante FI ». Jean-Louis Fousseret doit donner une conférence de presse ce mardi 7 mai.
Claire Arnoux, présidente des Jardins des Vaîtes : « Le projet décidé il y a quinze ans n'a plus de pertinence écologique »
Allez-vous sabler le champagne ?
C'est une belle victoire. C'est la confirmation que nos arguments sont valables alors qu'on a été traités par le mépris. C'est la seconde fois qu'une instance officielle nous donne raison après le Conseil national de protection de la nature. Comment va réagir le maire ? On demande de remettre le travail sur le métier, de reprendre le projet par le bas…

Vous êtes présidente des Jardins des Vaîtes et militante très engagée dans la France insoumise…
Comme personne, je ne me sens pas schizophrène, j'estime mes engagements justes. J'ai l'expérience du travail en collectif où l'on n'est pas toujours avec des gens qui pensent comme soi…
Avez-vous pensé à l'hypothèse d'un recours devant le Conseil d'Etat ?
Cela fait partie de ce à quoi on a pensé. On espère que la raison l'emportera. Que l'énergie qu'on a mise dans la procédure, on puisse la mettre à faire nos jardins… On se prépare. On sait aussi que ce n'est pas facile pour eux. Ils doivent admettre que le projet décidé il y a quinze ans n'a plus de pertinence écologique aujourd'hui. Maintenant, les éco-quartier sont comme des lotissements, conçus il y a trente ans. C'est l'arrière-garde… Ce n'est plus comme ça qu'il faut faire. Il y a quinze ans, une minorité savait qu'il fallait calculer le bilan carbonne d'une opération. Aujourd'hui, avec les Marches pour le climat, les rapports du GIEC, les alertes sur la biodiversité, ce n'est plus possible. C'est même dangereux. Il y a des terrains avec de la terre maraichère, des zones humides, ce n'est plus possible…
Comment traiter ces perspectives nouvelles de conception de l'urbanisme quand on a, comme vous, des responsabilités à la France insoumise ?
Je vous réponds comme présidente des Jardins des Vaîtes, par ailleurs militante France insoumise. Il faut d'abord une remise en état écologique des terrains. Ce quartier est un trésor. Ça pourrait être un coeur de vie associative, de jardinage. Le parrain de notre pétition est Gilles Clément : on pourrait faire une école du jardin planétaire, de l'introduction à la permaculture. Sur une partie des routes tracées, pourquoi pas du jardinage pour les Ehpad, les personnes à mobilité réduite, les personnes âgées ? Là, il y a tant de choses qui pourraient se faire. Si on a pu défendre ce dossier, c'est que ce quartier a une richesse humaine, des jardiniers, des connaisseurs des oiseaux… Tout ce qui n'existe pas dans un tableau comptable excel…
La station de tram des Vaîtes.
Les deux stations de tram, Schweitzer et Vaîtes, pourraient desservir quoi ?
Des urbanistes ont trouvé génial que la mairie ait desservi des jardins par le tram… Ils ne l'ont peut-être pas fait exprès, mais c'est chouette et intéressant de découvrir par les transports en commun et le vélo un tel endroit.
Est-ce une façon de dire que tout n'a pas été mal fait ?
C'est une façon de dire qu'on fait avec ce qui existe. Des gens viennent s'y promener le week-end… Et si tous les jardiniers n'ont pas de pratiques exemplaires, je me réjouis de l'interdiction du glyphosate… Parce que ce n'était pas encadré, c'est un levier d'expérience super. Il y a moyen de faire un projet de vie écologique pertinent.
Ce serait quoi un nouveau projet pour les Vaîtes ?
Qu'il place au centre les espaces naturels… Notre association défend l'agriculture biologique, les espaces naturels, la permaculture. Cela peut devenir un espace expérimental de ce que peuvent être le jardinage urbain, des techniques d'agriculture urbain.
Que faire de l'école ?
On n'est pas opposé à l'éole, mais de quelle taille ? Car ils en ont prévu une grosse alors qu'on préfère des petites structures, ce qui renvoie à la carte scolaire…
Le débat électoral va traiter de la question des Vaîtes…
Le calendrier électoral était un moyen de mettre la pression. On s'est dit que la proximité des élections était un moyen de bloquer le projet, de faire autre chose, de parler d'agriculture urbaine. Les militants ont pris des risques financiers, personnels. C'était le pot de terre contre le pot de fer. C'est une belle victoire : on n'a pas la même puissance de feu que le maire ou Territoire 25. Et quand on voit le projet gouvernemental de réformer, voire de supprimer le CNPN…
Faudra-t-il revoir le PLU ?
On n'en est pas là. Le PLU, c'est des zones à construire, mais il il a des choses à revoir dans le PLU…
Jean-Luc Mélenchon vient le 14 mai à Besançon. Parlera-t-il des Vaîtes ?
Peut-être, mais ce n'est pas le sujet…