Les droits humains, un combat qui n’attend pas

500 lycéens et collégiens ont participé à Besançon au concours de nouvelles Plumes rebelles organisé par Amnesty international. Une façon de marier écriture et combat pour les droits humains. Une occasion pour l'ancienne présidente de l'ONG, Geneviève Garrigos, de mettre en garde la jeunesse : « à chaque recul, on met des années à reconquérir un droit... »

plumes1

Dans son « donjon de 8 mètres carrés », un captif médite sur la prison et répression qui s'abat sur la presse et l'opposition d'un pays dont on ne sait presque rien.

...

Un riverain de la frontière italienne raconte que la réfugiée syrienne qu'il héberge a été dénoncée par ses voisins, mais son bagout a convaincu les policiers venus l'arrêter de la laisser libre...

...

Une jeune femme qu'un incendie vient de libérer de sa situation d'esclavage explique comment elle a été vendue à 8 ans à une prétendue cousine, que le chat de la maison connaissait un meilleur sort qu'elle, comment elle apprit à lire en secret dans les cahiers du fils de la cousine : « ce fut le début de la liberté... »

...

Théo veut pour Noël les baskets Adidous qu'il a vues sur internet. Les trouvant trop chères, ses parents l'incitent à chercher meilleur marché. Cette recherche les amènent à tomber sur une actualité : Adidous fait travailler des enfants. Théo invite alors l'auteur de l'article à venir dans son collège où il participe à la création d'un club Unicef...

...

Une jeune Tunisienne passe en procès télévisé après l'instauration d'un régime dictatorial « haïssant les étrangers, les juifs et les femmes ». Son crime ? Avoir giflé son mari imposé de 30 ans son ainé après qu'elle a étudié en secret. Persuadée d'être condamnée à mort, elle prononce un discours qui déclenche une émeute renversant les tyrans...

...

Emmené par des mafieux pour travailler en France où il est privé de ses papiers, battu et obligé d'obéir, Andrei, un ouvrier bulgare se fait arrêter par la police alors qu'il mendie sa nourriture. Un commissaire l'interroge, prend peu à peu conscience du drame, et fait coffrer les voyous...

Ces lignes qui précèdent sont les rapides résumés de nouvelles lues vendredi 8 février lors de la remise des prix du concours de nouvelles Plumes rebelles. Il s'agit de fictions allant du conte de fée au drame en passant par le triste constat d'une situation sans issue. Leurs auteurs, des lycéens et des collégiens ont imaginé des destins improbables ou tragiques, des flics refusant de faire le sale boulot pour lequel ils sont payés, des prisonniers politiques sans avenir, des exils qui finissent mal. Ou bien... 

Il y a de l'émotion, de l'emphase, du sentiment... Il y a aussi, surtout, du réel. Cet effet vient du travail de recherche documentaire effectué par les élèves qu'ont accompagnés leurs enseignants et des intervenants d'Amnesty international. « Le travail en amont, avec les professeurs, est très important au niveau de la vérification », explique Françoise Villard, enseignante à Besançon et militante de l'ONG. Des rencontres préalables avec des bénévoles d'Amnesty permettent d'expliquer les situations d'atteintes aux droits humains.

Par exemple, Colette Bergier, d'AI Gray, a ainsi coaché les élèves du collège de Dampierre-sur-Salon qui ont écrit, à neuf, Théo et Yao, la nouvelle qui traite du travail des enfants fabriquant des baskets. « Ils voulaient réfléchir à l'esclavage moderne, ils étaient loin d'imaginer ce que c'était, qu'il existe encore... C'est intéressant d'aller dans les écoles, j'ai l'impression qu'on y aborde l'essentiel... Ils savaient depuis deux jours qu'ils étaient parmi les trente premiers, mais ils ont découvert sur place qu'ils avaient un prix ».

D'où une certaine effervescence, vendredi 8 février, dans le  vieil amphithéâtre Donzelot de la fac de lettres, bourré à craquer. Il n'y avait pas seulement les élèves de Dampierre-sur-Salon, mais des adolescents venus de plus de vingt collèges et lycées de l'académie. Accompagnés de 28 enseignants, environ 500 élèves ont travaillé depuis la rentrée sur des écrits d'un genre inhabituel, la nouvelle, dans le cadre du 14e festival Plumes rebelles, pour la sixième année consécutive à Besançon.

Dans une ambiance mi sérieuse mi festive, les écrivains en herbe ont sagement écouté André Mariage, le doyen de la fac de lettres qui les accueillait, Jean-Luc Bertolin, l'inspecteur pédagogique régional qui dissertait élégamment sur les écrivains ayant traité de la liberté, de Jean-Paul Sartre à Friedrich Hölderlin et Julos Beaucarne... Ils ont entendu la présidente du jury, Anne-Marie Gérardot, responsable de la commission éducation aux droits humain à Amnesty international, leur expliquer : « même si votre nouvelle n'a pas été retenue, elle est importante car elle témoigne de votre attachements aux droits de l'homme... »

Après la cérémonie, Geneviève Garrigos, ancienne présidente de l'ONG ou elle est responsable du secteur Amériques, a tenu un propos qui pourrait bien s'avérer subversif : « Voyez les 4 millions d'exilés au Vénézuela. Comme vous, ils ont pensé qu'ils avaient la liberté d'expression. Quand on parle de répression, c'est parce qu'il y a des pays où les droits reculent au nom de la lutte contre le terrorisme, contre l'immigration ou pour pérenniser l'emploi... Les libertés sont rognées parce qu'on utilise ces textes, certains ont cru que c'était momentané, que ce n'était pas grave. Mais à chaque recul, on met des années à reconquérir un droit. Il ne faut jamais renoncer devant la peur... »

 

 

Geneviève Garrigos félicite Iris Yahya-Mohamed pour sa nouvelle Silence pourpre.

 

Thibault et Aristide ont écrit à quatre mains Esclave en France.

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !