Lait : des chercheurs préconisent de nouveaux outils de régulation

Coordonnée par Aurélie Trouvé, maître de conférence à AgroParisTech, une étude sur « les mesures contre les déséquilibres de marché » a été rendue en juin au ministre de l'Agriculture. Elle est sévère pour la décision européenne de sortir des quotas et, parmi plusieurs recommandations, préconise de donner davantage de pouvoir de négociation aux organisations de producteurs.

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Quelles perspectives pour l'après quotas dans le secteur laitier européen ? C'est le titre d'une étude sur les mesures contre les déséquilibres de marché réalisée par une dizaine de chercheurs remis au début de l'été au ministre de l'agriculture. On peut lire sa synthèse de 25 pages ici. Pour sa coordinatrice, Aurélie Trouvé, maître de conférence à AgroParisTech, on est « clairement » en situation de surproduction.

« La sortie des quotas laitiers se [plaçait] dans une perspective optimiste de croissance de la demande sur le marché international et de conquête de parts de marché dans les pays tiers. Mais des interrogations émergent quant aux avantages qui avaient été mis en avant pour justifier cette dérégulation », lit-on dans une introduction résumant l'historique et le contexte politique, voire géopolitique, et surtout constant l'aggravation d'une situation qui nécessite, selon les auteurs qui s'appuient aussi sur deux rapports du Comité des régions d’Europe et du Parlement européen en 2015, de « nouvelles mesures de régulation des marchés »

« La crise résulte d'une surproduction chronique »

Les auteurs du rapport estiment que la crise n'a rien de conjoncturel et ne peut donc pas être « surmontée par des aides publiques ciblées ». Au contraire, ils écrivent gravement : « Nous sommes bien plus ici en présence d’une crise structurelle s’étalant au-delà d’un an, avec une baisse des prix des produits laitiers enclenchée depuis 2014. Elle résulte d’une surproduction chronique (hausse de la production, notamment dans les pays d’Europe du Nord) et d’une insuffisance de débouchés (contraction de la demande chinoise en 2015, répercussions de l’embargo russe depuis l’été 2014...), questionnant fortement les anticipations des autorités européennes lors de la décision de sortir des quotas laitiers. Une crise structurelle implique une baisse durable du revenu des éleveurs, une érosion de la capacité d’investissement des producteurs, l’horizon économique au-delà d’une année étant obscurci, et, à terme, une restructuration de l’outil de production allant dans le sens d’une plus grande concentration. »

Pour une régulation coordonnée, incitative et temporaire des volumes produits à l'échelle européenne

Après avoir comparé les diversités de situation dans plusieurs régions (USA, Canada, Nouvelle-Zélande, Suisse, Europe) et souligné les inconvénients de la contractualisation à la française entre industriels et producteurs qui « souffrent [notamment] d’un manque d’informations de la part des entreprises laitières », les auteurs formulent plusieurs recommandations. La première propose une régulation coordonnée, incitative et temporaire des volumes produits à l'échelle européenne. Mais plutôt que des aides aux producteurs à la baisse des volumes, préconisées par la FNSEA, les chercheurs penchent « pour des pénalités dissuasives au niveau des collecteurs ne respectant pas les diminutions temporaires demandées ».

« La guerre [économique] entre régions européennes »

Parmi les recommandations, figurent le « soutien spécifique aux exploitations en zones défavorisées, aux petites et moyennes exploitations et à celles qui offrent davantage de services environnementaux ou sociaux », le « soutien aux produits locaux et à la demande alimentaire », le « rééquilibrage des rapports de force dans la filière » en donnant davantage de prérogatives aux organisations de producteurs « transversales » plutôt que spécifiques à un industriel, ce qui est par exemple le cas de Lactalis.

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