La taxe sur les ordures du Grand Dole est-elle une machine à cash ?

Le maire d'Eclans-Nénon, Hervé Prat, conteste devant le tribunal administratif la différence de 905.000 euros entre la facture de collecte et de traitement des déchets ménagers présentée par le Sictom au Grand Dole, et la taxe que ce dernier a votée en avril dernier. Un collectif organise un rassemblement samedi matin à Dole pour le passage à la redevance incitative. Le président du Grand Dole, Jean-Pascal Fichère, n'est « pas intimidé ».

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Le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères de la Communauté d'agglomération du Grand Dole est-il légal ? C'est ce que devra dire le Tribunal administratif de Besançon qui a été saisi d'un recours en annulation de la délibération du 2 avril dernier qui l'a fixé à 11,69%, comme en 2014. L'auteur du recours, Hervé Prat, maire d'Eclans-Nenon, avait été l'un des trois délégués communautaires à voter contre tandis que huit s'étaient abstenus. Cette TEOM est calculée, non en fonction de la taille des ménages, mais sur la même base que la taxe sur le foncier bâti. Ce qui génère selon M. Prat une « inéquité » puisqu'une personne seule dans une maison peut payer davantage qu'une famille dans un appartement. Or, la TEOM

Le dispositif est aussi « une machine à cash », affirme Hervé Prat qui parle de « surfacturation » en raison d'un trop perçu par la CAGD de 905.000 euros par rapport au coût du service, 4,3 millions d'euros, facturé par le Sictom de Dole qui se base sur un montant de 73,30 euros par habitant, en baisse de 3,5%. Outre, le Grand Dole, le Sictom collecte et traite les déchets ménagers de quatre communautés de communes : Nord-jura, Nord-Ouest-Jura, Plaine jurassienne, Val d'Amour, soit 87.000 habitants.

« Une forme d'insincérité »

Le collectif OM du Grand Dole organise un rassemblement samedi 5 septembre à 10 h 30 devant les locaux du Grand Dole, place de l'Europe, afin de créer une grande fresque de sacs poubelles.
Une pétition soutient la démarche devant le tribunal administratif. Plus de 630 personnes ont déjà signé sa version en ligne, ici.

Pour Hervé Prat, cette différence de 905.000 euros n'est pas justifiée et alimente indûment le budget général de la CAGD : « Claude Chalonprésident PS de la CAGD de 2008 à 2014 l'avait imaginé afin de gonfler le budget et avoir davantage de dotations de l'Etat ». Dans un recours gracieux adressé le 7 avril au président du Grand Dole, Jean-Pascal Fichère (LR), M. Prat précise que « la présentation du budget indique aux élus que le produit de la TEOM correspond à la somme facturée par le Sictom pour sa prestation de collecte et d'élimination des ordures et aux frais de gestion et autres dépenses, mais ce n'est pas la réalité ». Il estime même que cela confine à une « forme d'insincérité ».

Lui répondant six semaines plus tard, M. Fichère, fait état de frais de gestion d'environ 250.000 euros et de « 663.000 euros collectés au bénéfice de l'agglomération correspondant à des provisions susceptibles d'être dépensés suite à une modification de politique engagées par le Sictom. D'autre part, les orientations du Sictom relatives à la redevance incitative nous conduisent à la prudence quant à l'évolution des tarifs des ordures ménagères pour les années à venir. Des investissements ou autres dépenses de communication sont à prévoir dans cette optique ».

Jean-Pascal Fichère, président du Grand Dole : « une redevance générerait des coûts administratifs exorbitants »

Comment réagissez-vous au recours de M. Prat devant le tribunal administratif ?
Je suis surpris car il avait voté les mêmes taux en 2014, alors que le delta était de 840.000 euros. Subitement, ça l'a ému car il y a eu un changement de couleur politique... Il avance un chiffre farfelu en oubliant les frais de gestion et les déchets verts. Le chiffre réel est de 300 à 400.000 euros.
Dans votre réponse à son recours gracieux, vous indiquez 663.000 euros...
Il faut aussi tenir compte des investissements pour enterrer les bacs d'apport volontaire au centre de Dole. Il y a un mélange des genres entre la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la redevance incitative qui est une possibilité apportée par le Grenelle de l'environnement. On peut d'ailleurs avoir un taxe incitative ou une redevance incitative. Au conseil d'agglo, la commission environnement va bientôt se réunir pour étudier les conséquences de ces pistes. Si on choisir la redevance à levées, cela obligera à des coûts administratifs lourds, avec des problèmes dans les immeubles collectifs : faudra-t-il une carte individuelle ?
On peut faire de l'accompagnement, comme à Besançon...
C'est la seule ville avec une redevance incitative. Bacs pucés et calcul des levées, quand on décortique les coûts, ça fait 5 à 10 euros par personne et par an. Il y aurait aussi des problèmes sociaux, notamment pour les familles nombreuses... Je ne vais pas me laisser intimider !
Êtes-vous en bisbilles avec le Sictom ?
C'est en train de s'apaiser. Les problèmes du Sictim viennent du mandat précédent. Le choix d'une redevance ou d'une taxe incitatives revient au Grand Dole. Le Sictom est l'outil des élus, pas l'inverse. Or, il a imposé sa manière de voir. C'est pour ça qu'il y a eu un peu de frictions.
Songez-vous à une autre solution ?
Non. Au Sictom, les cinq communautés doivent être d'accord...
Pas question de le dissoudre ?
Ce n'est pas à l'ordre du jour.
Que répondez-vous à ceux qui dénoncent un impôt déguisé ?
Quand on aura des perspectives à long terme, il n'est pas exclu qu'on baisse la taxe... Si on décidait de mettre en place une redevance, il y aurait des coûts administratifs exorbitants. Il faudrait mettre en place un service de facturation pour environ 25.000 factures, s'occuper du recouvrement...
Voulez-vous privatiser ? Créer une Semop ?
Ce n'est pas à l'ordre du jour.

C'est peu dire que cela n'a pas convaincu Hervé Prat qui n'a « pas retrouvé dans les documents remis aux élus » de la CAGD la justification des 250.000 euros de frais de gestion évoqués par M. Fichère. Le maire d'Eclans-Nénon ajoute qu'aucune ligne budgétaire ne justifie la provision de 663.000 dont fait état le président du Grand Dole. 

Catherine Nonotte-Bouton, adjointe à l'environnement : « la redevance incitative est totalement inutile »

En toile de fond de cette bataille judiciaire, il y a une divergence sur l'orientation de la politique des déchets de l'agglo. Les poubelles et les camions du Sictom sont d'ores et déjà équipés de puces et de lecteurs dans la perspective, pour l'heure hypothétique, du paiement au poids et au nombre de levées. Comme l'a par exemple fait en 2012 le Grand Besançon pour diminuer le recours à la polluante incinération tout en promouvant le compostage. Mais pour ce faire, on doit passer du financement du service par la taxe à un financement par la redevance, et notamment une redevance incitative dont le montant varie avec la quantité de déchets, ce dont ne veut pas la municipalité de droite élue en 2014 à Dole. L'adjointe à l'environnement de Dole, Catherine Nonotte-Bouton, écrit ainsi dans le bulletin municipal de juillet, que, plutôt qu'accompagner la ville qui veut remplacer les grandes poubelles par des bacs enterrés, « le Sictom préfère préfère instaurer une redevance incitative totalement inutile qui va alourdir les impôts ». 

Patrick Sautrey, maire de Monnières et président du Sictom, est moins catégorique : « Nos matériels sont équipés depuis 2012, si un de nos adhérents veut mettre en place une tarification incitative, on est prêt... Il y a d'autres avantages à équiper les camions, ce n'est pas seulement pour la redevance incitative. On peut mieux rentabiliser une tournée si, par exemple, un usager ne sort son bac qu'une fois sur deux. On peut aussi suivre ses levées... » Quant à la tournure judiciaire de l'affaire, il reste peu disert : « j'observe, mais je ne veux pas entrer dans le débat... »

« Je ne comprends pas pourquoi le Grand Dole refuse la redevance incitative alors qu'on se sert de camions et poubelles équipées alors que ces équipements ont coûté plus de 2 millions au Sictom », dit Hervé Prat qui se demande si Jean-Marie Sermier (LR), le vrai patron politique du territoire, « ne prépare pas une Semop ». Comme pour l'eau...

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